Le roi Mohammed VI a lancé, mardi, un chantier de la réforme du système judiciaire. A cette occasion, une Haute instance du dialogue national a été installée. Les magistrats marocains, eux, réclament une totale indépendance de la justice.
Le souverain marocain, Mohammed VI, a inauguré mardi, au cours d’une cérémonie à Casablanca, une Haute instance du dialogue national. Composée de quarante membres, dont le ministre de la Justice Mustapha Ramid, celle-ci est en charge de réformer, de manière « globale et profonde », la justice. Une réforme attendue par des milliers de magistrats.
L’article 107 de la nouvelle Constitution garantie l’indépendance du pouvoir judiciaire : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Le Roi est le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire ». Or, les juges marocains sont restés, jusqu’à ce jour, sous la tutelle du ministère de la Justice. Le Club des Magistrats du Maroc crée en 2011 pendant le Printemps arabe, a tenu, samedi dernier à Rabat, la deuxième assemblée de son conseil national.
« L’indépendance du pouvoir judiciaire, notamment du parquet général, est une voie incontournable pour instaurer la démocratie. » Mohammed Qassimi, magistrat.
|
Les magistrats veulent leur indépendance
Le combat que mènent les membres du Club des Magistrats du Maroc semble porter ses fruits, du moins en apparence. Samedi dernier, le Club tenait la deuxième assemblée de son conseil national. Plusieurs magistrats, venus des quatre coins du royaume, ont participé à ce round de réflexion, sur le thème : « Pour la dignité, la solidarité et l’indépendance du pouvoir judiciaire ». Ils souhaitent que le pouvoir judiciaire soit désormais placé sous l’autorité du procureur général de la cour de cassation et non sous la tutelle du ministère de la Justice. C’est en tout cas l’avis de Mohammed Qassimi, magistrat à Oued Zem, qui a souligné lors de ce rassemblement que « le parquet général devrait être sous l’autorité du procureur général de la cour de cassation ». Le président du Club des Magistrats du Maroc, Yassine Moukhli, a, de son côté, réitéré l’appel des magistrats « pour l’indépendance du pouvoir judiciaire, et en particulier l’indépendance des magistrats du parquet qui demeure sous la tutelle du ministère de la Justice. »
« Nous allons nous donner le temps suffisant, pourquoi ne réussirons-nous pas, nous Marocains à trouver des solutions aux problèmes qui se posent à la justice ? » Mustapha Ramid, ministre de la Justice. |
« Nous boycottons actuellement toutes les activités relatives au ministère de la Justice car nos revendications justes et raisonnables n’ont pas encore été réalisées. Nous exigeons l’indépendance du pouvoir judiciaire et l’indépendance du parquet général. Nous souhaitons aussi que notre situation financière s’améliore car tout cela est devenu insupportable?!?», s’indigne Mohamed Anbar, vice-président du Club des magistrats du Maroc, rapporte le quotidien Le Soir. L’initiative de Mohammed VI, qui, à moins d’un timing parfait, semble avoir écouté les contestataires, intervient donc au bon moment, et ce, à la veille d’un éventuel « Printemps des juges ». En effet, dans une pétition signée par 1 800 magistrats, déposée au ministère de la Justice et restée sans réponse de la part de Mustapha Ramid, le Club des Magistrats du Maroc menace d’organiser une manifestation nationale devant le siège de la Cour de cassation à Rabat si aucune réforme ne se décide ou ne répond à leurs attentes. Une grève et une démission collective sont également au programme.
Une justice « injuste »
Par ailleurs, Mohamed Anbar affirme que tous les magistrats ne sont pas traités de la même manière. « Nous ne jouissons pas du même traitement que l’association Al Hassania Al Wydadia des magistrats. Ces derniers sont les premiers à être écoutés dans le cadre de la réforme de la justice. Mais il y a pire, les lobbys de la prévarication qui ne veulent pas de réforme et profitent de la situation déshonorante de la justice », a-t-il révélé au quotidien Le Soir.
Baignée dans la corruption, comme d’autres secteurs, la justice au Maroc n’a pas bonne réputation. Souvent l’alliée de la haute bourgeoisie, elle est la bête noire des classes défavorisées. Réformer la justice marocaine est donc une nécessité pour diriger le pays sur la voie de la modernité et du progrès, estiment ces magistrats en colère.
Quel dénouement connaîtra cette réforme de la justice ?
Lire aussi :