A la tête de l’ONG Sharq, qui donne la parole aux victimes du régime de Mouammar Kadhafi, la Libyenne Reem Magribi, 36 ans, a participé à la rébellion de 2011 contre l’ex-dirigeant libyen. Elle a aussi été membre de la première télé d’opposition « Libya tv », née de la révolte. Aujourd’hui installée à Beyrouth, elle effectue notamment des recherches sur les femmes arabes et leur rôle durant les conflits, espérant ainsi contribuer à l’amélioration de leurs conditions de vie. A l’occasion de la journée internationale de la femme, portrait d’une jeune leader du continent qui se bat pour le changement.
Elle est née et à grandi en Angleterre en raison d’un papa diplomate, qui a dû quitter la Libye pour exercer ses fonctions. Toutefois, Reem Maghribi n’a jamais coupé le cordon ombilical avec ses origines. « Je suis arabe et Libyenne », clame-t-elle fièrement. Raison pour laquelle la jeune femme de 36 ans, actuellement basée à Beyrouth, a tenu à participer à la révolte contre Mouammar Kadhafi en 2011. Après avoir vécu 30 ans à Londres, où elle était consultante pour des médias qui parlaient de la politique et de la culture du monde arabe, elle décide de s’envoler pour la Syrie. « J’avais besoin de voyager dans un pays arabe et de travailler dans les médias intérieurs de la région. En Syrie, il y avait de bonnes opportunités dans les médias. J’y ai créé un média en langue anglaise aussi ».
Mais en février 2011, la rébellion contre Mouammar Kadhafi éclate en Libye. Elle écourte donc son voyage en Syrie et se rend au Qatar, à Doha, pour intégrer la rébellion libyenne. Elle est membre de Libya tv, première chaîne de télévision d’opposition, née du soulèvement d’une partie de la population libyenne. Après la chute de l’ancien leader libyen, elle se rend, en 2012, en Libye pour former des jeunes journalistes. « Il était important que je m’investisse personnellement pour former ces jeunes, parce que sans la voix des citoyens, les seules voix que nous allons entendre sont celles des politiciens corrompus », explique-t-elle.
Son travail avec les victimes du régime de Mouammar Kadhadi, dont les femmes, débute en 2013, lorsqu’elle recueille leurs témoignages. Leurs parcours sont présentés sur le site »42 years of opression » (42 ans d’opression). C’est d’ailleurs pour leur donner la parole qu’elle a fondé l’ONG Sharq. Bien que pour le moment Reem ne soit pas prête à s’installer définitivement en Libye, qui est encore très instable, elle compte effectuer la navette pour y monter des projets de développement. Tel que « mener des enquêtes et entretiens avec des femmes dans les pays qui ont traversé la guerre ». « Un de mes travaux de recherche se penchera sur la façon dont la participation des femmes dans les révolutions leur a donné plus d’indépendance. La question est de savoir si l’indépendance acquise par certaines d’entre elles durant les conflits aura des effets durables sur les systèmes patriarcaux de la région ».
« Avec la montée de l’islamisme politique, les femmes seront encore plus marginalisées »
Elle présentera d’ailleurs ses recherche lors d’une conférence à Beyrouth, cet été, intitulée : « Les femmes dans la guerre. Quelles sont les difficultés de la femme arabe? » Selon elle, « dans encore de nombreux pays arabes, la loi est très dominée par les hommes. La violence contre les femmes est tolérée. Les femmes n’ont pas les mêmes possibilités d’éducation et de travail que les hommes. Et en Libye, la société reste très conservatrice et avec la montée de l’islamisme politique, les femmes seront probablement plus marginalisées ».
D’après Reem, « pendant les périodes de guerre, les femmes trouvent souvent des opportunités parce qu’ils sont nécessaires. Alors que les hommes portent des armes et combat, les femmes prennent des rôles plus administratifs, en particulier, par exemple dans les médias », constate-t-elle. « Mais ces possibilités et les développements ne durent généralement pas. En Libye, la voix des femmes qui ont travaillé avec l’opposition politique et les médias, en 2011, n’est maintenant plus perceptible car considérées comme plus nécessaires. Et la montée des islamistes militants est dangereuse pour les femmes qui veulent faire entendre leur voix ».
La jeune femme estime que pour le moment, les révolutions n’ont pas amélioré la situation des femmes arabes. Mais, elle admet qu’il y a quelques exemples de femmes, en particulier les Syriennes, qui continuent le combat pour l’émancipation et à trouver des débouchés professionnels. « Il est donc important de soutenir des modèles qui peuvent être la tête du changement», selon Reem. « Tout comme les femmes ont réussi à s’émanciper au siècle dernier en Europe, j’espère que nous parviendrons à faire la même chose dans la région ».