RDC : vers un nouveau regard de la communauté internationale sur la situation sécuritaire à l’Est ?


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Des réfugiés
Des réfugiés

En RDC, la visite du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, d’un camp de déplacés dans la ville de Goma, ce mercredi, défraie la chronique. L’homme s’est dit très touché de voir « un peuple chassé maintes fois de chez lui et plongé dans une situation précaire sur ce site ». Avance-t-on ainsi vers un changement de regard de la communauté internationale vis-à-vis de la RDC ?

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a tiré la sonnette d’alarme sur la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC. Une énième sonnette d’alarme, puisque les autorités du pays, même la cheffe de la MONUSCO n’ont jamais cessé de crier à la face du monde le drame que vit la population de la partie orientale de la RDC. Ce mercredi, le Haut-Commissaire des Nations unies a effectué une visite à Goma, une ville encerclée par les rebelles du M23.

Cette visite l’a conduit dans un camp de réfugiés, celui de Bulengo, où il a pu constater de visu les conditions de vie exécrables des personnes déplacées en raison de l’insécurité à l’Est du pays. Il était, pour la circonstance, accompagné de la cheffe de la MONUSCO, Bintou Keïta. Le site de Bulengo visité compte 37 770 ménages, 506 blocs dans 32 zones dont chacune héberge 750 ménages, selon des chiffres rapportés par le site Mediacongo.net.

« Quand il pleut, nous souffrons »

Les témoignages des déplacés du camp visité par Volker Türk sont glaçants. « Ils ont tiré des balles qui ont traversé la tente. Regardez les conditions dans lesquelles nous vivons, quand il pleut ici, nous souffrons ; regardez où nous dormons, quand il pleut nous plions nos matelas », a confié l’une des réfugiées du camp, une mère de quatre enfants partie de Masisi, localité située dans la province du Nord-Kivu. La déplacée évoque également des cas de viols dans le camp impliquant des militaires, des actes d’ailleurs documentés par des enquêtes. « Nous allons mourir ici, les gens sont même violés. Il y a donc plusieurs cas d’abus causés par les militaires », ajoute-t-elle.

Face à ce qu’il a vu et entendu, Volker Türk n’a pas caché son désarroi. « Ça me brise le cœur de voir un peuple chassé maintes fois de chez lui et plongé dans une situation précaire sur ce site », a déclaré le haut fonctionnaire des Nations unies. « Ces déplacés veulent la paix et retourner chez eux. Que ce conflit et ces violences s’arrêtent. Et que tout homme qui a de l’influence sur les parties et les hommes armés le fasse pour que ces violences s’arrêtent », a insisté Volker Türk.

Le silence complice et coupable de la communauté internationale

Cela fait plus de deux décennies que la crise a commencé à l’Est de la RDC. Une crise dont la résolution dépasse manifestement les différents gouvernements congolais, depuis Joseph Kabila jusqu’à Félix Tshisekedi. En 2020, on a dénombré sans exhaustivité 122 groupes armés actifs qui sèment la mort et la désolation dans la région. Avec ces données, il est facile d’imaginer l’ampleur du drame social qui se déroule au nez et à la barbe de tous, autorités congolaises comme communauté internationale. Tenez ! « Deux années de conflit cyclique dans les territoires de Rutshuru et de Masisi au Nord-Kivu ont forcé plus de 1,3 million de personnes à fuir leurs maisons en RDC, conduisant à un total de 5,7 millions de personnes déplacées à l’intérieur des provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri », a confié à la presse à Genève le porte-parole du HCR, Matthew Saltmarsh, fin mars 2024.

Des chiffres alarmants – les milliers de morts n’ont pas été pris en compte – qui devraient susciter indignation et réaction forte de par le monde. Mais, rien n’y fit. En dehors de quelques timides condamnations, on ne voit aucune action concrète et efficiente non seulement à l’échelle africaine, mais également au plan mondial. D’où les propos du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme : « Il est clair que nous devons prendre cette situation très au sérieux. Nous avons beaucoup de conflits dans le monde et j’ai parfois l’impression que nous oublions la situation d’ici », fait-il observer.

Et l’avocat autrichien d’enchaîner : « Je suis venu pour attirer l’attention de la communauté internationale sur la tragédie qui se déroule ici ». L’appel de Volker Türk sera-t-il enfin entendu ? C’est là tout le souhait des millions de Congolais qui ne rêvent que de pouvoir retrouver leurs maisons pour y mener une vie décente, comme des humains.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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