La situation sécuritaire à Goma, une ville clé de l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), continue de se détériorer. Ce vendredi, Médecins sans frontières (MSF) a annoncé la mort d’un de ses membres, tué par une balle perdue dans le cadre des affrontements en cours. Goma, qui a récemment été prise par les rebelles du M23 après plusieurs jours de combats, est désormais le théâtre de violences incessantes et de tensions croissantes.
Natalia Torrent, responsable du programme MSF à Goma, a exprimé la profonde consternation de l’ONG : « Nous sommes profondément attristés d’annoncer qu’un de nos collègues, travaillant avec une équipe d’urgence, a perdu la vie suite à une balle perdue. C’est un incident tragique, et il est regrettable que de tels événements continuent à se produire dans cette région », a-t-elle déclaré. Elle a également précisé que bien que la situation sécuritaire dans la ville semble légèrement se stabiliser, des escarmouches sporadiques continuent de se produire dans certaines zones.
Un hôpital submergé par les blessés
L’impact du conflit sur la population civile est évident, comme le révèle le nombre élevé de blessés pris en charge à l’hôpital de Kyeshero à Goma. Selon Natalia Torrent, cet établissement a récemment accueilli 142 blessés, une moitié étant composée de civils, l’autre de militaires. Parmi les civils, la majorité sont des femmes, un fait qui met dénote de l’ampleur de l’atteinte aux droits humains et la brutalité du conflit. L’ONG avait déjà indiqué que l’hôpital était submergé par les blessés, et que son personnel, malgré la situation complexe, continuait de fournir des soins dans la mesure du possible.
Cependant, la situation reste extrêmement difficile. « Goma est un point de transit crucial pour l’approvisionnement, et nous rencontrons actuellement des difficultés pour faire sortir des fournitures médicales et du carburant de la ville en raison du manque de moyens de transport », a ajouté Natalia Torrent. Cette impossibilité d’acheminer l’aide à ceux qui en ont besoin aggrave encore la crise humanitaire qui touche la région.
Le contrôle de Goma par le M23
La prise de Goma par les rebelles du M23 marque une nouvelle étape dans l’escalade du conflit dans l’Est de la RDC. Selon des rapports, plus de 100 personnes auraient perdu la vie dans les combats, dont 17 soldats de la paix. Le M23, qui avait déjà pris le contrôle de plusieurs localités dans la région en 2022, revendique désormais le contrôle de Goma. Ce qui représente une lourde défaite pour l’armée congolaise et pour la stabilité de la région.
La RDC accuse le Rwanda de soutenir activement le M23, un groupe rebelle composé principalement de Tutsis, dans le but de sécuriser un accès aux ressources minières de la région. Ces accusations sont soutenues par plusieurs rapports d’agences onusiennes, qui pointent un soutien militaire direct de Kigali au M23. En réponse, le gouvernement rwandais a rejeté ces allégations, affirmant que le M23 est un mouvement exclusivement congolais, dirigé par des Congolais. Kigali nie également les conclusions des rapports des Nations Unies, soulignant qu’il a désarmé les rebelles du M23 en 2012-2013 et les a remis aux autorités congolaises.
Des déplacements massifs et des tensions croissantes
L’offensive du M23 a provoqué des déplacements massifs de populations. Des milliers de civils ont fui vers le Rwanda, et de nombreux membres d’organisations internationales, y compris des employés de l’ONU et de la Banque mondiale, ont également été contraints de quitter la ville. Ces départs témoignent de l’intensité du conflit et de la menace qui pèse sur la vie des civils et du personnel humanitaire.
Le conflit dans l’Est de la RDC, alimenté par les luttes de pouvoir et les intérêts régionaux, a atteint des proportions alarmantes. Le M23, créé en 2012 par des militaires dissidents de l’armée congolaise, a connu une première défaite en 2013, mais a repris les armes en 2022. Depuis lors, il s’est progressivement emparé de plusieurs territoires dans la province du Nord-Kivu, une zone riche en ressources naturelles et stratégiquement située à la frontière avec le Rwanda et l’Ouganda.
Des accusations mutuelles
Le Rwanda considère la situation de la région comme une menace pour sa propre sécurité, notamment en raison de la présence de groupes armés hostiles à son régime opérant dans l’Est de la RDC. Toutefois, les accusations de soutien du Rwanda au M23 continuent de diviser la communauté internationale. Pour Kinshasa, ce soutien est une forme d’ingérence étrangère inacceptable, et toute négociation avec le M23 est exclue.
Le gouvernement rwandais, pour sa part, insiste sur le fait que le M23 est avant tout un mouvement congolais, bien que la langue kinyarwanda, parlée au Rwanda, soit couramment utilisée par les membres du groupe. Selon le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Jean Patrick Nduhungirehe, la RDC, en raison de l’assimilation du M23 au Rwanda, a formé une large coalition militaire, comprenant des soldats burundais et des mercenaires européens, pour lutter contre le Rwanda. Selon Kigali, cette coalition viserait à déstabiliser son gouvernement.