Ce 21 novembre marque la clôture officielle de l’année académique 2019-2020 en République Démocratique du Congo. Cette fin de cursus universitaire, pour certains, relance le débat sur la priorité de nombreuses filles qui doivent faire désormais face à la pression sociale.
« Trouver un mari ou un emploi » après leur cursus universitaire, nombreuses filles sont à la croisée des chemins, face à la pression sociale. C’est le cas, ce 21 novembre, date marquant la clôture officielle de l’année académique 2019-2020, sur l’ensemble du territoire national. Reportage.
La matinée de ce 21 novembre est mouvementée devant plusieurs institutions supérieures et universitaires en République Démocratique du Congo. Aucun respect des mesures barrières malgré l’annonce de la deuxième vague des cas du Covid-19, sourire aux lèvres, cris de joie, belles coiffures, visages rayonnant, … Rien d’étonnant, c’est un samedi spécial pour ceux qui vont recevoir leurs diplômes de licence (Bac+5) et de Grade (Bac+3). Mais pas que ! C’est aussi le début d’un cycle de dilemme pour nombreuses filles qui se retrouvent au centre de l’attention de plus d’un curieux.
« Trouver un mari ou emploi », pour Marceline B., le choix est clair, « c’est l’heure de murir les ambitions professionnelles après plus de 20 ans de scolarité. Selon cette fille qui vient de recevoir son diplôme de Licence (Bac+5) en Sciences Economiques, l’emploi demeure une priorité au regard du coût de la vie ».
Difficulté d’accéder à l’emploi
Dans la culture congolaise, généralement, finir les études renvoie soit à la vie professionnelle ou à la vie conjugale. S’agissant de la première vie, plusieurs statistiques montrent que nombreux jeunes font face au chômage. Dans son étude sur « l’évolution récente de l’emploi des jeunes en RDC », le Chercheur Sumata Claude note que, entre la période de 2002 à 2018, seuls moins de cent étudiants sur neuf mille sortant du système universitaire, chaque année, parviennent à trouver un travail décent. Des chiffres qui mettent à nu la difficulté d’accéder à un emploi après les études.
Pour Zawadi, 25 ans, « après le cursus universitaire, l’idéal serait de fonder une famille et s’orienter dans l’entreprenariat ». Avec son diplôme de Licence (Bac+5) en Sciences Sociales en main, elle soutient son point de vue par « le taux élevé de chômage, le clientélisme, la corruption et le trafic d’influence qui entourent le marché de l’emploi ».
De son côté, Dorothée, Licenciée en Sciences Appliquées, relativise. « Après le parcours académique, la vie professionnelle et la vie conjugale doivent marcher de pair ». Elle reconnait que « les deux vies sont un tremplin vers son épanouissement ». Pour Yvette, qui ressent déjà la pression sociale, en dépit de ses 23 ans d’âge et son diplômé de Grade (Bac+3) en Santé Publique : « Mon cursus universitaire étant à son épilogue, mon attention est désormais fixée vers ma future vie conjugale ».
Le coût élevé de la dot
Et trouver un mari n’est pas évident. Depuis quelques décennies, en RDC, le coût de la dot reste très élevé au regard du taux de chômage. Dans de nombreuses familles, le montant de la dot est fixé en fonction du niveau d’instruction de la fille. Par exemple, pour celle qui a un diplôme de Licence (Bac+5), le montant de la dot varie entre 1 500 et 3 000 dollars américains (800 000 FCFA et 1,6 million), sans compter d’autres biens de valeurs qui doivent accompagner cette somme. Pourtant, au-delà du taux élevé de chômage, sont à compter du bout des doigts, ces employés congolais qui perçoivent 500 dollars américains à la fin du mois.
Visiblement, certains parents, qui vivent dans la précarité socioéconomique, pour la majorité, attendent beaucoup de leurs filles, après les études. « Trouver un emploi décent est la priorité pour nous, le mariage vient en second lieu », indique M. Bahaya, 60 ans. Pour Madame Sakina, 55 ans : « Autant la vie académique rimait avec celle du célibat, autant la vie professionnelle doit rimer avec celle conjugale ».
Ne pas céder à la pression sociale
Pour l’Assistante Berthine Nyunga, professeure de Mathématiques à l’Université de Kinshasa et Master en Intelligence Artificielle, face aux défis socio-économique, « lorsque la fille se marie en ayant déjà un emploi, elle sera en mesure d’assumer certaines charges, et cela pourra contribuer à la stabilité financière du couple ».
Entre se marier et trouver un emploi, le Sociologue et Activiste des droits Humains Didier Nkunzi coupe la poire en deux. Pour lui, les filles qui viennent fraichement de finir leurs études doivent faire preuve de maturité. « Le mariage et l’emploi faisant partie des facteurs nécessaires pour une vie épanouie, les jeunes filles doivent faire leur choix sur la base de leur aspiration. Elles ne doivent pas céder à la pression sociale », déclare-t-il.