En République Démocratique du Congo (RDC), une nouvelle décision des autorités sur le contrôle des médias a déclenché un vif débat. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), régulateur des médias, a décidé de suspendre pour une période de 45 jours renouvelables huit chaînes du bouquet Canal+. Les chaînes concernées sont : Canal+ POP, Canal+ Elles, E, SYFY, MTV, Canal+ ACTION, AB1 et Canal+ Cinéma.
Cette décision intervient après que le CSAC a accusé ces chaînes de diffuser des programmes jugés « immoraux », incitant la jeunesse congolaise à une « sexualité irresponsable » et contraire aux « bonnes mœurs » du pays. Les autorités congolaises affirment que ces chaînes, diffusées sur le territoire national, enfreignent les valeurs sociales et culturelles de la RDC. Selon le CSAC, certaines émissions véhiculent des messages inappropriés qui vont à l’encontre des normes et des pratiques acceptées dans le pays.
Des programmes jugés « immoraux » par les autorités
Ces programmes sont considérés comme ayant une influence néfaste, notamment sur la jeunesse, en promouvant des comportements sexuels jugés inappropriés ou déviants par les responsables du régulateur. La décision de suspension fait suite à une série de plaintes et d’observations faites par le centre de monitoring des médias, un organisme chargé de surveiller les contenus diffusés dans le pays. Selon Serge N’Djibu, rapporteur adjoint du CSAC, l’enquête du centre a révélé que certains programmes de Canal+ étaient en contradiction avec les normes culturelles de la RDC.
Des émissions de la chaîne Canal+ Elles, par exemple, ont été particulièrement pointées du doigt pour leur contenu jugé choquant. Dans un cas précis, une émission enseignait aux jeunes filles à gémir pendant l’acte sexuel, ce qui a été perçu comme une violation des valeurs traditionnelles du pays. Le CSAC avait déjà adressé plusieurs avertissements à Canal+, demandant à la chaîne de rectifier le tir et d’adopter une signalétique plus conforme aux réalités culturelles de la RDC.
Un geste pour « préserver l’ordre public »
Cependant, selon le régulateur, aucune amélioration substantielle n’a été constatée, ce qui a conduit à la suspension des chaînes concernées. Le CSAC insiste sur le fait que ces chaînes doivent maintenant se conformer aux attentes et aux standards culturels du pays, sous peine de sanctions supplémentaires. Les autorités congolaises justifient cette action par leur volonté de « préserver l’ordre public » et de protéger les bonnes mœurs dans le pays.
Le régulateur a exprimé à plusieurs reprises son opposition à la diffusion de programmes qui, selon lui, encouragent des comportements « immoraux » et qui ne respectent pas les traditions et les croyances de la population congolaise. Cette démarche s’inscrit dans une politique plus large de contrôle et de régulation des médias, afin d’assurer que les contenus diffusés soient en adéquation avec les valeurs locales et qu’ils ne portent pas atteinte à la moralité publique.
Une situation qui rappelle d’autres suspensions en Afrique
Le CSAC, dont la mission principale est de veiller au respect de la législation en matière de communication et de médias, a également souligné l’importance de promouvoir des émissions qui respectent les principes de décence et de responsabilité sociale. La suspension des huit chaînes représente donc une mesure symbolique forte dans ce cadre, mais aussi un avertissement clair pour d’autres chaînes susceptibles de diffuser des contenus jugés inappropriés par le régulateur.
La suspension de ces chaînes Canal+ en RDC n’est pas un cas isolé en Afrique. À travers le continent, plusieurs gouvernements ont pris des mesures similaires pour contrôler la diffusion de contenus qu’ils jugent contraires à leurs valeurs culturelles et sociales. Ces décisions font souvent polémique, car elles soulèvent des questions sur la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Plusieurs chaines suspendues au Mali et au Cameroun
En 2023, par exemple, les autorités du Mali ont suspendu plusieurs chaînes de télévision et radios étrangères, notamment pour des raisons politiques et de sécurité. Le gouvernement malien a accusé certains médias de diffuser des contenus subversifs et d’interférer dans les affaires internes du pays. Cette décision a été largement critiquée par des organisations de défense des droits de l’homme, qui ont dénoncé une atteinte à la liberté d’information.
De même, au Cameroun, la suspension temporaire de certaines stations de radio et chaînes de télévision a eu lieu sous des prétextes similaires, souvent liés à des préoccupations concernant la moralité publique ou la diffusion de discours politiques jugés nuisibles. Ces décisions montrent à quel point le contrôle des médias est un enjeu politique en Afrique, où les gouvernements cherchent à équilibrer la régulation des contenus et la préservation de l’ordre social tout en faisant face aux critiques internationales.
L’impact sur les médias africains
Cette tendance à suspendre des chaînes ou à contrôler les contenus diffusés soulève des questions sur l’indépendance des médias en Afrique. Si d’un côté, certains estiment qu’il est nécessaire de protéger les valeurs culturelles locales, d’autres considèrent que de telles décisions peuvent restreindre la liberté d’expression et freiner le pluralisme médiatique. En RDC, la suspension des chaînes Canal+ pourrait ainsi avoir des répercussions sur le paysage médiatique, notamment en termes d’accès à l’information pour les citoyens, surtout dans un contexte où les médias étrangers jouent un rôle important dans la diffusion d’informations indépendantes et diversifiées.
Dans ce climat de régulation des médias, la RDC rejoint un groupe de pays africains où les autorités exercent un contrôle renforcé sur les chaînes de télévision et les stations de radio. Cependant, la situation est souvent perçue comme un double tranchant : d’un côté, la volonté de préserver la culture locale et l’ordre public, et de l’autre, les risques d’étouffer le débat public et la diversité d’opinions.