La journée de ce samedi a été marquée par une flopée de réactions de la classe politique congolaise, à la suite de la publication, vendredi soir, de la liste de 82 candidats députés qui ont été retirés de la course par la Céni pour raison de fraudes. De la mouvance présidentielle à l’opposition, aucune partie n’est restée en marge de l’actualité.
La Commission d’enquête mise en place par la Céni a livré ses premiers résultats, vendredi soir. En conséquence, la Céni a éliminé de la course à la députation nationale et provinciale 82 candidats. Et cela a suscité de nombreuses réactions.
L’UDPS et l’UNC se désolidarisent de leurs candidats cités
Le parti de Félix Tshisekedi, l’UDPS, a publié ce samedi, un communiqué dans lequel il s’est désolidarisé de ses candidats épinglés dans l’affaire de la fraude et dont les suffrages ont été annulés. Il a en même temps félicité la Céni pour la démarche qu’elle a adoptée. Même réaction de la part du parti de Vital Kamerhe, l’UNC dont le secrétaire général, Billy Kambale, a tweeté : « Les regroupements A/A-UNC et A/VK2018 se désolidarisent de tous les candidats qui se sont illustrés dans la fraude et demandent à la Céni d’aller plus loin dans la démarche pour décourager ces anti-valeurs ».
Et le porte-parole du parti de renchérir : « Son Excellence Vital Kamerhe, autorité morale de l’UNC, prend acte de la décision de la Céni invalidant certains candidats pour tricherie et fraude électorales. Parmi ceux-ci figurent, fort regrettablement, 3 cadres de l’UNC. Parti pétri des valeurs républicaines, l’UNC ne peut que se désolidariser et féliciter la Céni pour sa vigilance et son professionnalisme ».
Dénégation des candidats députés concernés
Du côté des députés cités dans l’affaire de fraude, l’heure est à la dénégation systématique des faits à eux reprochés. « Je n’ai jamais, ni par moi-même ni par mes partisans, fraudé, posé le moindre acte de vandalisme et incité à la violence contre un seul agent de la Céni. C’est contraire à mes principes de vie. La Céni ne saurait apporter aucun fait qui prouve ces griefs. Le 20 déc. 023, après mon vote, par ailleurs, sans le moindre incident, je suis rentré me cloîtrer à ma résidence jusqu’à mon retour à Kinshasa. Surpris à l’instar de mes électeurs de voir mon nom figurer sur cette liste de délinquants électoraux ! », a protesté Sam Bokolombe.
Avant d’ajouter : « J’ai toujours été pour le principe de sanction par la Céni des « kulunas électoraux ». Mais, je n’en suis pas un. D’où vient que mon nom figure sur cette liste d’individus hors-la-loi que j’ai vu évoluer à Basankusu comme si l’État n’existait pas ? Dieu seul sait », s’est indigné l’ancien membre de l’UNC.
La rapporteure de l’Assemblée nationale, Colette Tshomba, également épinglée, n’a pas manqué de réagir elle aussi : « Je fais la politique pure et dure et je n’ai pas besoin de me rabaisser pour obtenir des voix ; j’ai une expérience électorale, la connaissance du terrain, depuis des années, et mes électeurs me sont fidèles et reconnaissants. Je les remercie encore pour leur confiance renouvelée. Ça ressemble à une chasse à l’homme. Seul Dieu est le juste juge ».
Tryphon Kin-Kiey Mulumba, lui, va plus loin. « Je jure que jamais je me serais rendu coupable de quoi que ce soit. Je jure que jamais je me serais trouvé avec une machine à voter, ni l’un des miens. La Céni doit apporter le moindre début de preuve ». Et de menacer : « J’attaque devant les tribunaux du pays cette décision en demandant à la Céni de m’apporter le premier élément de preuve sur qui m’aurait donné une machine à voter, quand je l’aurais utilisée, où on l’aurait trouvée ».
L’opposition attaque la Céni
Pendant que les candidats de la mouvance tentent tant bien que mal de se justifier, l’opposition, elle, plus que jamais, se braque. À l’occasion d’un point de presse qu’ils ont animé, ce samedi, les leaders de l’opposition – Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Denis Mukwege, Seth Kikuni et autres – ont qualifié le scrutin du 20 décembre de « simulacre d’élection ». Pour eux, le président de la Céni devrait être immédiatement traduit devant la justice tout comme les autres acteurs de la fraude, et le scrutin annulé dans sa totalité.
Puisque pour Martin Fayulu, qui a lu la déclaration commune, le principal responsable du chaos électoral du 20 décembre n’est que le président de la Céni, Denis Kadima. « Après avoir refusé l’audit du fichier électoral, Denis Kadima est dans la même logique, aujourd’hui, de se soustraire à une commission d’enquête indépendante, qui va déterminer sa propre implication ainsi que celle de tous ses complices dans la fraude et la tricherie électorales que nous avons toujours dénoncées et qui viennent d’être démontrées à la face du monde », soutient le candidat.
La publication de la liste des 82 candidats cités comme responsables d’actes frauduleux est, selon Martin Fayulu, la preuve que la fraude s’est généralisée sur tout le territoire dans le cadre de ces élections. Et l’opposant de faire observer que « les bénéficiaires des machines à voter sont tous globalement de la même famille politique de Monsieur Tshisekedi et ont des statuts étatiques ». Sur cette base, il ne comprend pas que la Céni en vienne à la conclusion selon laquelle ces irrégularités n’entachent que les Législatives et non pas la Présidentielle.
Soulignant une collusion certaine entre « la famille politique de Monsieur Tshisekedi, les organes de l’État et la Céni », Martin Fayulu conclut : « Cette situation démontre, de manière inévitable, que la Céni, à tous les niveaux, atteste de la tricherie qui a eu lieu. La Céni de Monsieur Kadima a prêté main forte à la tricherie, dès lors que le monopole de la détention des machines à voter relève exclusivement de sa responsabilité ».