En dépit de l’annulation de la dette dans le cadre l’Initiative PPTE, l’économie congolaise peine à décoller. Que faut-il faire pour relancer réellement l’économie et réduire la pauvreté en RDC ? L’économiste congolais Oasis Kodila, en montrant les limites des solutions qui circulent en ce moment dans les milieux académiques et politiques, propose une piste alternative susceptible de générer rune croissance viable et réduire ainsi de manière durable la pauvreté.
Il y a déjà quelques mois qu’une bonne partie de la dette extérieure de la République démocratique du Congo, qui pesait lourdement sur les finances publiques, a été supprimée dans le cadre l’Initiative PPTE. Alors que beaucoup y plaçaient beaucoup d’espoir, croyant qu’une fois supprimée l’économie serait relancée et la pauvreté en recul, ils se rendent à l’évidence que leur optimisme était injustifié. Cela rappelle sans doute l’espoir qu’avaient nos aïeux et parents dans l’indépendance. Ainsi une question légitime se pose, que faut-il faire pour relancer réellement l’économie et réduire la pauvreté en RDC ?
Dans les milieux tant académiques que politiques, les spécialistes débattent. Plusieurs pistes émergent. Voici les plus en vue : la première croit à une « politique économique active », estimant que celle-ci peut exercer un effet pour relancer réellement l’économie. Illustration : une politique monétaire active peut impacter positivement la croissance par le canal du seigneuriage et des dépenses publiques. L’augmentation de ce « revenu » permettra à l’Etat congolais d’augmenter ses dépenses publiques et par ricochet accroître la productivité marginale du capital et donc in fine la croissance. Les tenants de ce discours insistent sur le fait que les dépenses publiques doivent être allouées aux investissements productifs, et non aux dépenses de consommation.
Cette piste ne rencontre pas d’assentiment auprès des économistes conservateurs. Ces derniers estiment qu’une politique discrétionnaire est très coûteuse, surtout en R.D. Congo. En effet, pour eux, la relation entre la masse monétaire et l’économie réelle est très étroite, au point où une augmentation de la première finirait par se répercuter négativement sur l’économie, en augmentant l’inflation et baissant la productivité marginale du capital, et in fine la croissance. Pire encore, dans une économie où il y a eu dans un passé récent des épisodes hyperinflationnistes et où maintenant l’inflation, bien que faible, reste très instable, il serait hasardeux d’utiliser les recettes du seigneuriage, au risque d’enflammer fortement l’économie ; donc faire plus de mal que de bien. La piste que ces économistes vantent donc est la passivité d’abord au niveau de la politique économique.
Si cette discussion est passionnante, l’effet global de l’accélération de la croissance est déterminé à court terme par l’effet qui va l’emporter (entre les effets des dépenses publiques et les conséquences négatives d’un surcroit de masse monétaire, l’inflation). Il existe donc une incertitude a priori quant aux effets de ces différentes pistes, à court terme.
Il y a un autre avis, qui lui n’a rien à voir avec la discussion précédente. Ses défenseurs voudraient faire du Congo la Chine, c’est-à-dire adopter ce qu’a fait l’Empire du Milieu. Ils soutiennent leur argument par ce que la Chine est devenu aujourd’hui, estimant que celle-ci doit son succès à une autocratie bienveillante. Déjà, faut-il reconnaître que cet argument est vide de sens dans la mesure où ses défenseurs ne précisent pas ce que le Congo doit adopter et ce qu’il ne doit pas adopter. Deuxièmement, il est en déphasage avec la réalité en ce sens qu’on est là en face d’un certain anachronisme. Ce qui importe pour l’instant est sans doute de mettre l’économie sur la voie et non lui faire brûler les étapes. Tertio, la Chine a fait l’expérience d’une autocratie et le pays de Lumumba également. Hélas, en RDC, les résultats sont plus que patents. C’est l’autocrate Mobutu qui a notamment contribué au déclin de l’économie congolaise. Et même pour la Chine, le succès de la composante « autocratie » est à relativiser. La composante « économie de marché » y est pour beaucoup. La dernière raison de l’insuffisance de cet avis est d’ordre institutionnel : les transplants institutionnels « top-down », les institutions copiées du haut vers le bas ne marchent pas toujours à la perfection, sinon créent même d’autres distorsions.
Dernière piste, la meilleure à notre avis, est celle qui considère minutieusement les contraintes de la croissance à court terme. Une fois décelées, on essaye de lever les obstacles qui freinent la croissance et d’amorcer celle-ci. Concrètement, on doit regarder les distorsions qui freinent l’utilisation optimale des ressources et donc leur productivité, en tenant également compte des interactions entre les effets des différentes distorsions, afin de minimiser la perte de bien-être résultant des effets induits de la diminution d’une distorsion. Une série d’études récentes (une a été présentée par la Banque mondiale et d’autres par nous) tendent à mettre en évidence les obstacles ci-après pour stimuler davantage la croissance : accès au financement, instabilité politique, manque d’infrastructures, lourdeurs administratives et corruption. On peut se rendre compte de tous ces problèmes, entre autres, en interrogeant les entreprises ou en regardant les indices de Transparency international, de Doing Bussiness, de Heritage Fondation et du Wall Street Journal, etc.
Solution : étant donnée l’incertitude liée aux deux premières pistes et à la forte insuffisance de la troisième piste, pour arriver à relancer l’activité économique et réduire la pauvreté, les entreprises doivent être une priorité, du moment où ce sont elles qui créent des richesses, qui embauchent… L’Etat congolais doit donc tout mettre en œuvre pour faire sauter les distorsions les plus importantes, afin de lever les obstacles à la croissance mais aussi devenir un véritable Etat de droit.
Oasis Kodila Tedika est un économiste congolais, analyste sur www.UnMondeLibre.org.
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org