Surprise à la lecture de la dépêche de l’Agence TASS sur son fil “defense” le 5 mars 2024 : le gouvernement russe approuve un accord cadre de défense avec la République Démocratique du Congo. Est-ce l’arrivée d’un nouveau crocodile qui s’invite dans le marigot congolais ?
C’est l’expectative qui prévaut en Occident après l’annonce-choc de la ratification par Moscou de ce protocole d’accord militaire entre RDC et Russie, qui intervient peu après l’organisation de manifestations hostiles devant les représentations diplomatiques occidentales à Kinshasa. Tshisekedi a-t-il franchi une nouvelle étape dans son chantage vis-à-vis des Américains et des Européens ?
Rétropédalage ou confusion ?
La présidence congolaise a immédiatement minimisé les conséquences concrètes de cette ratification : il ne s’agirait que d’un “projet d’accord approuvé” par le pays de Vladimir Poutine résultant, selon le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, d’une démarche initiée par les deux parties en 1999…
« C’est à peine que le gouvernement russe donne son approbation pour examiner le contenu de ce texte. Ce qui ouvre la voie à des discussions qui pourraient conduire à la signature éventuelle d’un accord », a-t-il expliqué. À l’heure actuelle, précise Kinshasa, il n’y a aucune discussion bilatérale entre les deux parties pour la mise en œuvre effective de ce projet d’accord.« Dans les conditions actuelles, la République démocratique du Congo n’en envisage aucune non plus », rassure Patrick Muyaya.
Plusieurs appels du pied de Kinshasa à Moscou
Il reste que cette ratification russe fit suite à plusieurs appels du pied de la RDC : lors de la 10ème conférence de Moscou sur “la sécurité internationale”, du 15 au 18 août 2022, le ministre congolais de la Défense avait, en effet, plaidé en vue d’obtenir un appui multiforme de la Russie à son armée.
Les propos, rapportés par nos confrères de Jeune Afrique (le 24 août 2022), du ministre congolais Gilbert Kabanda Kurhenga à l’endroit du ministre russe Alexander Fomin, n’étaient pas passés inaperçus : « La Fédération de Russie, en bonne amie, s’est toujours abstenue de nous faire des chantages, des blâmes ou des sanctions subjectives », avait-il notamment souligné…
Plus récemment, l’ambassadeur de la Russie en RDC, au sortir de l’audience que lui avait accordée le vice-premier ministre, ministre de la Défense, Jean-Pierre Bemba, jeudi 20 avril 2023 à Kinshasa, avait détaillé l’aide que son pays était prêt à apporter à la RDC dans des propos rapportés par Radio Okapi : « Nous sommes très intéressés. Et on parle aussi de l’intérêt de la partie congolaise pour la promotion de notre coopération militaire ». Alexey Sentebov rappelait par ailleurs que la Russie avait octroyé « une aide très importante à la RDC, par un lot très important d’armes et de munitions utilisées actuellement par les FARDC dans l’Est ». Le protocole d’accord ratifié le 5 mars par Moscou s’inscrit donc en droite ligne de ce rapprochement annoncé.
Wagner en embuscade
La configuration congolaise attise à l’évidence la convoitise du Groupe Wagner, très présent en République centrafricaine, et dont la coopération militaire s’appuie systématiquement sur une contrepartie minière. Or, l’accès aux minerais congolais est l’objet d’une concurrence vive, dont les régions limitrophes du Rwanda et de l’Ouganda payent trop souvent le prix.
L’arrivée de troupes russes ou la coopération de mercenaires du Groupe Wagner transformeraient les combats qui s’y déroulent en affrontement géostratégique, l’approvisionnement en coltan des multinationales de la téléphonie, du numérique et de l’industrie spatiale ayant été défini par Washington comme “stratégique”… depuis la seconde guerre mondiale, tandis que le cobalt, dont la majeure partie des réserves connues se trouve en RDC, est désormais vital pour la confection des batteries des automobiles électriques dans le monde !