Afrik.com s’est procuré la note de plaidoirie, datée du 20 juin 2016, des avocats d’Emmanouil Alexandros Stoupis, qui a porté plainte contre l’opposant et candidat déclaré à la présidentielle, Moïse Katumbi, dans une affaire d’expropriation immobilière remontant à plus de 40 ans…
Etonnante, cette affaire pour laquelle il a été condamné, en l’espace de quelques jours – un délai record en République Démocratique du Congo – et « par défaut » (contumace), à 36 mois de prison et à un million de dollars américains de dommages et intérêts.
Plusieurs éléments troublants ont émaillé cette procédure :
Moïse Katumbi a été condamné dans un dossier pour lequel à l’époque des faits, il n’avait que… 12 ans ;
Son frère ainé, Raphaël Katebe Katoto, a reconnu être le véritable propriétaire du bien, mais le tribunal n’en fait pas cas ; sur Twitter cette semaine, Carine Katumbi, la femme de Moïse, a ironisé : « partout ailleurs, le propriétaire apporte la preuve de ses droits. En RDC, on lui attribue un bien qui n’est pas à lui… pour le condamner » ;
l’un des trois magistrats a refusé de signer le jugement et ne l’a finalement fait que sous la pression des agents de l’Agence Nationale de Renseignements (voir notre article « RDC : une opposition de plus en plus unie ») ;
l’un des avocats du plaignant, Me Cyprien Mbere Moba, n’est autre que celui de Kalev Mutond, l’Administrateur général de l’ANR ; c’est déjà lui qui avait défendu le patron de l’agence de renseignements RD congolaise dans un dossier d’appropriation d’un immeuble situé à Lubumbashi et relevant du patrimoine de l’Etat (voir notre article : « RDC : spoliation d’un bien de l’Etat par un proche de Kabila ! ») ;
Dernier fait particulièrement troublant : dans la note de plaidoirie préparée par ses conseils (dont nous reproduisons ici la dernière page en fin d’article), Emmanuel Stoupis demande de « condamner (Moïse Katumbi) à l’interdiction pour cinq ans, après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité ». Quel intérêt a-t-il donc à le faire ? Surprenant pour le moins…
Une bien insolite requête
« Demander l’inéligibilité de quelqu’un dans une affaire d’expropriation immobilière est sans précédent », ironise un professeur de droit civil de l’UniKin, avant d’ajouter : « qui plus est, le Sieur Stoupis est un citoyen grec, qui n’a pas la nationalité congolaise. A quel titre viendrait-il donc s’ingérer dans les affaires politiques congolo-congolaises ? Cela n’a aucun sens », fait-il remarquer, avant de conclure : « c’est bien la preuve, d’une part, que le commanditaire de ce dossier est ailleurs ; et que, d’autre part, le véritable motif de toute cette procédure est d’écarter Moïse Katumbi de la course à la présidentielle en RDC ».
Stupéfaits, les avocats de l’opposant ont fait appel de ce jugement. Quant à Raphaël Katebe Katoto, qui a confirmé être le propriétaire du bien visé dans ce dossier, la chose est entendue : « cette condamnation ne vaut rien », a-t-il déclaré dans une interview à La Libre Belgique. Un point de vue partagé par nombre d’observateurs internationaux et par de nombreuses ONG de défense des droits de l’Homme présentes au Congo-Kinshasa.