L’acharnement judiciaire vis-à-vis de Moïse Katumbi ne connait plus de limite en République Démocratique du Congo. Après sa récente condamnation dans une obscure affaire immobilière, vieille de plus de 40 ans, le pouvoir de Kinshasa tente à nouveau de faire de cet opposant politique le commanditaire de rebellions supposées déstabiliser le pays, d’Est en Ouest.
« Ecarter Moïse Katumbi de la course à la Présidentielle est devenue l’obsession de Joseph Kabila », déplore un ex-membre du PPRD, le parti au pouvoir en RDC, qui a pris ses distances avec l’actuel Président, soupçonné de vouloir prolonger indument son mandat à la tête du Congo-Kinshasa. Candidat déclaré à l’élection présidentielle, Moïse Katumbia été condamné, mercredi 22 juin dernier, « par défaut » (contumace) à 36 mois de prison dans une sombre affaire immobilière remontant à plus de… 40 ans. Alors que le ministre de la Justice a évoqué un procès transparent, les avocats de l’opposant, qui ont immédiatement fait appel du jugement, ont eux dénoncé une condamnation politique. Raphaël Katebe Katoto, son frère aîné, qui a confirmé être le propriétaire du bien visé dans ce dossier, a qualifié de « surréaliste » cette affaire. « Cette condamnation ne vaut rien », a-t-il déclaré dans une interview à La Libre Belgique, avant d’ajouter, très déterminé : « ce n’est pas cette farce judiciaire qui peut arrêter Moïse Katumbi ».
Ce dossier mis entre parenthèses pour quelques jours, l’acharnement vis-à-vis du très populaire dernier Gouverneur de l’ex-Katanga est reparti de plus belle. « L’affaire des faux-mercenaires ayant fait pschit, on essaie désormais de faire de Moïse Katumbi le commanditaire de rebellions montées de toutes pièces », indique une source sécuritaire. Et cette fois-ci, le pouvoir ne lésine pas sur les moyens car il s’agit non pas d’une seule rébellion, mais de plusieurs.
Des rébellions d’Est en Ouest
La première, préparée de longue date, concerne l’Est du pays. Ce lundi 27 juin 2016, sur une photo diffusée sur le compte Twitter de Sonia Rolley, notre consœur de RFI, on pouvait voir « les mai mai Mazembe (défiler) dans la principale rue de Kimaka, à quelques kilomètres de Buleusa ». Comme l’a révélé Afrik.com il y a déjà plusieurs semaines, le scénario de cette rébellion était en réalité écrit de longue date (lire à ce sujet, nos articles : « RDC : comment l’entourage de Kabila compte décrédibiliser Katumbi » et « RDC : comment le sort de Moïse Katumbi a été scellé »). « Il ne s’agit que du dernier épisode d’un feuilleton censé décrédibiliser Katumbi aux yeux de l’opinion publique congolaise et de la communauté internationale », précise notre source.
En réalité, « tout est cousu de fil blanc dans le cadre d’un scénario digne des meilleures séries B américaines », indique-t-il. « Même le nom a été choisi en raison de son potentiel marketing : mai mai fait référence à rébellion dans l’esprit public et Mazembe permet de désigner Katumbi comme le véritable commanditaire de l’opération ».
Mais, en RDC, l’acharnement contre Moïse Katumbi ne connait pas de frontière. Après l’Est, au tour de l’Ouest. Ici, la pièce maîtresse du pouvoir est le Général Gabriel Amisi Kumba, alias « Tango Four ». Mis en cause dans de nombreux rapports de l’ONU pour vente d’armes aux rebelles dans l’Est du pays, il est tombé en disgrâce après avoir été suspendu de ses fonctions. Réhabilité, il commande aujourd’hui la zone de défense Ouest en RDC, comprenant Kinshasa et sa région, ainsi que les provinces du Bandundu, de Bakongo et de l’Equateur.
« Désormais, il n’est plus seulement chargé de remettre de l’ordre à Kinshasa et aux alentours. Il a été missionné afin de recruter les anciens Kadogos », ces enfants soldats, devenus aujourd’hui adultes, révèle notre source proche des services de sécurité. L’objectif ? « Les recruter afin de fomenter des rebellions, dans l’Ouest du pays cette fois-ci, qui seront attribuées à Moïse Katumbi », indique-t-il. Ainsi la boucle sera bouclée, « le pouvoir tente de persuader l’opinion publique que Moïse Katumbi cherche à déstabiliser l’ensemble du pays », conclut notre source.
« Si ce n’est toi, c’est donc ton frère »
Mais le régime de Kinshasa voudrait aller encore plus loin. Comment ? En mettant également en cause son frère aîné, Raphaël Katebe Katoto. « Il est question de l’accuser de collusion avec le Général Tshibangu en vue de vouloir fomenter une rébellion dans l’Est du pays ». Une affaire qui, pour le frère de Moïse Katumbi, en rappelle étrangement une autre. Alors candidat à l’élection présidentielle, il avait été accusé, il y a quelques années, des mêmes faits. Décidément, en RDC, les faits sont têtus et l’Histoire tend fâcheusement à se répéter…
Dans une interview parue ce jour dans l’hebdomadaire Jeune Afrique, Raphaël Katebev Katoto a déclaré, de façon prémonitoire : « ce n’est pas fini. Le pouvoir va continuer à utiliser ces méthodes pour diaboliser Moïse Katumbi. Comme moi il y a quelques années, Moïse Katumbi sera bientôt accusé d’entretenir une rébellion pour déstabiliser le pays ».
Le scénario, semble-t-il, est écrit d’avance…