2ème épisode de la saga du procès Katumbi en Appel devant la Cour à Lumumbashi… Atmosphère pesante sur une première journée d’audience assombrie par l’ombre portée de la tragédie de la nuit précédente… Les juges sous pression…
Tragique. Et encore, ce mot est un peu faible pour qualifier le climat qui entoure le procès en appel de Moïse Katumbi à Lubumbashi dans la rocambolesque affaire immobilière qui lui a valu il y a un an une condamnation en première instance par la Tribunal de paix de Kamalondo.
Cette première journée d’audience a été consacrée à l’examen des exceptions soulevées par les avocats de la défense. Sans surprise, celles-ci ont toutes été rejetées. La notification de la convocation n’a pas été faite à la bonne adresse ? Exception rejetée par le tribunal. Une suspicion légitime pèse sur deux des trois juges amenés à se prononcer ? Exception rejetée également. Finalement, l’audience s’est conclue sur l’examen d’une troisième exception, en inconstitutionnalité, toujours en lien avec l’exception soulevée pour suspicion légitime… La séance a alors été suspendue!
Normalement, le juge constitutionnel devrait, suivant la procédure, être saisi. Mais les débats reprendront dès demain, mercredi 20 juillet, à neuf heures. Ainsi en a décidé le tribunal. « On voudrait donner un vernis judiciaire à une affaire strictement politique que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Aucune des règles fondamentales de procédure ne semble devoir s’appliquer en l’espèce, en particulier celles qui entourent les droits de la défense », déplore un professeur de droit de l’UniKin.
Décidément, rien ne se sera passé normalement en cette première journée d’audience. Quelques heures plus tôt, au matin, l’information selon laquelle le juge Jacques Mbuyi serait remplacé par le juge Mbulayi circule avant d’être rapidement confirmée. Or, ce dernier n’est autre qu’un proche parent de Néhémie Mwilanya, le directeur de cabinet de Joseph Kabila. Ledit juge rejoint donc les deux autres magistrats qui officieront dans cette affaire. En l’occurrence, Manda Lupula, le président du TGI de Lubumbashi, et la juge Feza. Un remplacement de magistrat qui, décidément, intervient à point nommé pour le pouvoir et dans des circonstances où le tragique le dispute au dramatique. En effet, le juge Mbuyi, réputé pour son intégrité et sa grande indépendance, a été admis cette nuit à l’Hôpital du Cinquantenaire de Lubumbashi, où il a été opéré en urgence suite à une agression d’une extrême violence à son domicile (lire à ce sujet notre précédent article).
Les faits se sont déroulés vers minuit ce mercredi 19 juillet dans le quartier Golfe. Plusieurs assaillants ont pénétré chez le juge, sous le prétexte de lui soutirer de l’argent. La suite est un déchainement d’une rare violence. Plusieurs balles, logées dans le ventre et les jambes du juge, ont été retirées. Celui-ci est toujours placé en soins intensifs. Son pronostic vital est, à cette heure, engagé. Sa famille, elle non plus, n’a pas été épargnée. Sa femme et ses filles auraient subies de très graves violences. Des faits de viol seraient à déplorer.
« Des pressions terribles sont exercées sur la Justice pour obtenir la condamnation de Moïse Katumbi. Pour parvenir à ses fins, le régime est prêt à tout, y compris aux pires extrémités », commente, de manière laconique, un très haut magistrat RD congolais, pour qui le commanditaire du crime ne fait aucun doute… Ces faits interviennent alors que le ministre de la Justice était ces derniers jours à Lubumbashi, que le Président Joseph Kabila s’y trouve actuellement et que l’ANR, l’Agence de renseignements RD congolaise, est à la manœuvre. « Les grands pontes du régime Kabila sont dans le Haut-Katanga, c’est dire s’ils se sentent menacés par Moïse Katumbi », nous confie une figure de l’opposition.
Les intenses pressions qui sont exercées sur la Justice par le régime de Joseph Kabila, la juge Chantal Ramazani Wazari, qui fut contrainte de signer l’acte de condamnation de Moïse Katumbi en première instance dans cette supposée affaire d’escroquerie immobilière, les avait dénoncées avec force il y a plusieurs mois. Grâce à l’aide de la FIDH et au concours d’ONG locales, cette magistrate, avait pu quitter in extremis la RDC pour se réfugier en Europe. Le juge Mbuyi et sa famille n’en ont, eux, malheureusement pas eu le temps…