RDC : perquisition dans une concession de Kabila, sur fond de tensions croissantes avec Tshisekedi


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Joseph Kabila
Joseph Kabila

Une vaste opération de perquisition est en cours depuis le mardi 15 avril dans une concession appartenant à l’ancien Président Joseph Kabila, située dans la commune de Limete à Kinshasa.

L’opération, menée conjointement par les services de renseignements civils et militaires, intervient dans un climat politique particulièrement tendu en République Démocratique du Congo, où les tensions entre le Président Félix Tshisekedi et son prédécesseur se sont ravivées ces dernières semaines.

Une perquisition inédite, dans un lieu non résidentiel

La concession visée n’est pas une résidence privée, mais un complexe abritant des bureaux, dépôts et conteneurs. Selon plusieurs sources proches de la famille Kabila, certains de ces conteneurs appartiendraient à des hommes d’affaires indo-pakistanais, tandis que d’autres seraient liés à des entreprises proches de l’ancien Président. La perquisition, entamée sans mandat officiel selon ces mêmes sources, s’est poursuivie le lendemain, mercredi 16 avril, avec la présentation d’un ordre de mission. Quatre militaires sont en stationnement permanent sur le site depuis le début de l’opération.

Les enquêteurs affirment rechercher du matériel militaire présumé volé, possiblement lié à des activités clandestines de soutien à des groupes armés actifs dans l’Est du pays. Des documents administratifs relatifs à plusieurs véhicules ont été exigés sur place. L’avocat de la famille Kabila était présent lors des opérations de mercredi.

Un climat de suspicion renforcé par le dossier M23

Cette perquisition survient dans un contexte de forte détérioration des relations entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi. Lors de la Conférence sur la sécurité à Munich, en février dernier, le Président Tshisekedi a publiquement accusé son prédécesseur d’être le « véritable commanditaire » du mouvement rebelle M23, qui poursuit son offensive dans l’est de la RDC avec le soutien avéré du Rwanda. Cette déclaration, inédite dans sa virulence, a été perçue comme une rupture définitive entre les deux anciens alliés de la coalition FCC-CACH.

Le M23 continue de contrôler des zones stratégiques dans le Nord-Kivu, malgré les appels à un cessez-le-feu et les sanctions internationales contre Kigali. Dans ce contexte, l’évocation du nom de Joseph Kabila comme soutien indirect ou occulte au M23 marque une nouvelle escalade dans le conflit politique congolais.

Un retour de Kabila qui inquiète le pouvoir

Cette perquisition intervient également quelques jours après l’annonce par Joseph Kabila de son retour imminent sur le sol congolais. Depuis son départ du pouvoir en janvier 2019, l’ancien Président s’était fait discret, partageant son temps entre ses résidences au Congo et en Afrique du Sud. Le 9 avril dernier, dans une allocution depuis Johannesburg, il a annoncé vouloir « contribuer à la pacification de l’est du pays », une déclaration perçue par les proches du pouvoir comme une tentative de repositionnement politique à l’approche des prochaines échéances électorales.

Du côté de l’Union sacrée, coalition présidentielle, certains cadres y voient un « retour déguisé d’une ambition présidentielle ». Dans les cercles plus critiques, on soupçonne même Kabila de vouloir déstabiliser le régime actuel à travers ses réseaux politiques, économiques et, désormais, militaires.

Un usage controversé de la justice et des services de sécurité

Ce n’est pas la première fois que des propriétés liées à Joseph Kabila sont perquisitionnées. En 2023, la société Egal, liée à son épouse Olive Lembe, avait été ciblée par une opération similaire. Des biens appartenant à son frère, Zoé Kabila, ou encore à la Fondation Laurent-Désiré Kabila ont également été perquisitionnés dans les trois dernières années. La multiplication de ces opérations judiciaires contre les membres du clan Kabila suscite des critiques quant à une éventuelle instrumentalisation de la justice.

Des ONG et organisations de la société civile s’interrogent sur la régularité des procédures, tandis que certains juristes dénoncent un climat de harcèlement politique. La défense de Kabila, elle, parle d’un acharnement sans fondement destiné à détourner l’opinion publique des défaillances du gouvernement dans la gestion du conflit à l’Est.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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