
Le décès brutal d’un détenu dans l’enceinte de la prison centrale de Makala relance le débat sur les conditions de détention en République Démocratique du Congo (RDC).
Un nouveau drame s’est produit à la prison centrale de Makala déjà tristement célèbre pour les conditions exécrables de détention des pensionnaires. Un parmi ces derniers est passé de vie à trépas, ce lundi. Selon la Fondation Bill Clinton pour la paix, qui a donné l’information, le prisonnier aurait été sauvagement passé à tabac par des gardiens de la prison sur ordre de la direction, après avoir été trouvé en possession d’un téléphone portable. L’homme n’a pas survécu à ses blessures.
Un drame évitable dans une prison surpeuplée et mal gérée
Les faits se sont déroulés au pavillon 4B, l’un des plus surpeuplés de cette prison emblématique de la capitale congolaise. D’après Emmanuel Adoucole, président de la Fondation Bill Clinton pour la paix, l’affaire est d’une gravité extrême : « À Makala, au pavillon 4B, il y a un détenu trouvé avec un téléphone. Le directeur a donné l’ordre de le tabasser. Il en est mort. On aurait pu lui confisquer l’appareil et prendre une sanction disciplinaire. Au lieu de ça, on a choisi la violence ». Ce témoignage éclaire une réalité bien connue mais rarement dénoncée avec autant de clarté : la brutalité institutionnalisée dans certains établissements pénitentiaires congolais.
La prison centrale de Makala est tristement célèbre pour ses conditions de détention inhumaines. Conçue à l’origine pour accueillir quelque 1 500 prisonniers, elle en a abrité récemment jusqu’à 15 300 avant la campagne de désengorgement enclenchée par le ministre de la Justice, Constant Mutamba, il y a quelques mois. Le drame supplémentaire, c’est que l’écrasante majorité des prisonniers sont en détention préventive, parfois depuis des années sans procès. L’absence de formation adéquate pour les gardiens, le manque de ressources, la corruption endémique et l’impunité qui règne à tous les niveaux de la chaîne pénitentiaire forment un terreau propice à des abus réguliers.
Le téléphone portable : un luxe dangereux en prison
Dans les prisons congolaises, la possession d’un téléphone est souvent vue comme un privilège acquis illégalement, parfois au prix de pots-de-vin versés aux gardiens eux-mêmes. Si leur utilisation est officiellement interdite, ces téléphones sont parfois tolérés ou utilisés comme source de chantage et de contrôle informel.
Dans ce contexte, le fait qu’un détenu soit sévèrement puni, jusqu’à la mort, pour un simple téléphone, interroge : s’agissait-il d’un excès de zèle ou d’un avertissement envoyé à d’autres détenus ? Était-ce une tentative de masquer d’autres dysfonctionnements internes ? L’ouverture d’une enquête, comme le demande Emmanuel Adoucole, apparaît indispensable.
Un système carcéral à réformer d’urgence
Au-delà de ce drame, cette affaire soulève des questions fondamentales sur le respect des droits humains en milieu carcéral. Détention arbitraire, violences physiques, conditions sanitaires déplorables, nourriture insuffisante : la liste des violations est longue. Les ONG locales et internationales dénoncent régulièrement la situation, mais leurs alertes restent souvent lettre morte.
« Les violations des droits de l’homme sont constantes dans nos prisons, et encore plus dans les cachots clandestins. Il faut une réforme profonde du système pénitentiaire », insiste Adoucole. L’organisation demande que les responsabilités soient clairement établies. Si le directeur de la prison est effectivement impliqué dans cette décision ayant conduit à la mort du détenu, il devra être traduit en justice. Un signal fort est attendu de la part des autorités judiciaires et politiques.
Des organisations comme la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), la MONUSCO, ainsi que la société civile congolaise, sont appelées à se saisir de ce dossier afin de pousser à une réforme structurelle du système pénitentiaire. Ce drame doit être l’occasion de briser le silence autour des pratiques violentes dans les prisons congolaises. Car au-delà du cas individuel, c’est tout un système qui est mis en accusation. Un système où l’on peut encore mourir pour avoir simplement possédé un téléphone.