Quels enseignements tirer de l’interview donnée par Moïse Katumbi à France 24 à l’occasion de l’Africa CEO Forum ? Toujours aussi déterminé et combatif, le dernier gouverneur de l’ex-Katanga lève le voile sur certaines des questions les plus fondamentales pour l’avenir de la RDC. S’il laisse toujours planer le doute sur son éventuelle candidature à l’élection présidentielle, le très populaire « chairman » du Tout Puissant Mazembé affiche une certitude : quoi qu’il arrive, après le 19 décembre 2016, Joseph Kabila ne sera plus Président de la RDC.
Il est manifestement plus déterminé que jamais dans son combat politique. Moïse Katumbi s’applique à lui-même les consignes données aux joueurs du TPM, son équipe de football : ne jamais rien lâcher. C’est ce qui transparaît clairement des propos qu’il a tenus lors d’une interview donnée à France 24, la semaine dernière, à Abidjan. Morceaux choisis.
Pourquoi avez-vous quitté la majorité ?
« Si j’ai démissionné, c’est parce que ma vision ne correspondait plus à celle de la majorité. Celle-ci veut à tout prix retarder les élections en ne respectant pas les délais constitutionnels… C’est pourquoi je fais des consultations avec l’ensemble des membres de l’opposition pour que nous puissions respecter le calendrier électoral dans notre pays. Si l’on regarde le programme de l’OIF, il est possible d’organiser les élections cette année… Et, au sein de l’opposition, nous nous organisons pour avoir un candidat unique ».
Avez-vous l’intention de fonder un parti politique ?
« Pour le moment, je travaille avec tout le monde. Je négocie avec tout le monde pour que l’opposition soit unie… Avant que je ne quitte la majorité, il était très difficile à l’opposition de signer une déclaration commune. Aujourd’hui, on le fait ensemble. C’est une très grande réussite. J’espère que nous allons continuer comme cela ».
Que pensez-vous de la volonté du Président Kabila de se maintenir au pouvoir ?
« Aujourd’hui, on me donne raison. A l’époque (quand j’ai dit cela), on avait dénoncé un procès d’intention. Ce que je donnerais comme conseil au Président Kabila, c’est de respecter la Constitution et de ne pas suivre tous ces gens qui sont en train de lui donner de mauvais conseils et lui dire de repousser son mandat au-delà du délai constitutionnel. Ce serait pour lui un suicide parce que c’est lui qui a amené la démocratie dans notre pays. Je crois qu’il y a une vie après la présidence et le Président Kabila peut revenir. Nous ne pouvons pas hypothéquer l’avenir du Président Kabila. Les bons conseillers ne sont pas les conseillers qui pensent à leurs postes. Ce sont des conseillers qui pensent à l’avenir du pays ; et notre avenir, c’est la démocratie et la paix. Je continuerai toujours à défendre notre population. Les élections sont demandées par 98% de la population congolaise ».
Que pensez-vous de l’attitude de la CENI dont l’impartialité est remise en cause ?
« La CENI doit faire très attention. Je lui donnerais un conseil : »Le pouvoir appartient au peuple. La plus grande armée dans chaque pays, c’est le peuple ». La CENI est là pour organiser les élections et respecter les délais constitutionnels. Ce que la CENI a fait est inacceptable (consulter la Cour constitutionnelle après avoir constaté son incapacité à organiser les élections dans les délais). La CENI n’est pas au-dessus de la Constitution. Ce qu’elle est en train de faire est anticonstitutionnel. Je demande au Président Kabila de peser de tout son poids pour que la CENI puisse respecter le calendrier électoral ».
Y a-t-il un risque de regain de violence en cas d’absence d’élection ? Le dialogue peut-il être un remède ?
« Plutôt que de dialogue, je parlerais de la tripartite entre la CENI, la majorité et l’opposition. Nous n’avons pas besoin d’être distraits. Nous devons aller à l’essentiel, c’est-à-dire les élections. Si elles n’ont pas lieu dans les délais, il y aura un regain de violence parce que le 19 décembre 2016, le Président Kabila ne sera plus président de la République. Il y aura un autre Président qui va faire l’intérim et nous ne voulons pas rater la première alternance dans notre pays, car cela peut le plonger dans le chaos. Il faut que l’on copie les bons exemples ailleurs, comme récemment au Bénin ou en Côte d’Ivoire… Quand vous rentrez dans des turbulences, il est très difficile de redresser votre pays. Nous sommes tous des Congolais. Le Président doit suivre la volonté du peuple congolais et respecter les deux mandats qui lui ont été donnés par le peuple ».
Que pensez-vous de l’action de la communauté internationale en RDC ?
Je félicite la communauté internationale, en particulier l’Union Européenne, mais aussi les Etats-Unis ou encore la Chine. Aujourd’hui, si nous voulons que l’Afrique puisse aller de l’avant, il faudrait que nous puissions aider la RDC. La RDC est à genoux aujourd’hui et nous devons tout faire pour sauver la RDC et l’Afrique Centrale… Vous savez, je suis un ancien gouverneur. J’ai dirigé une province pendant huit ans. Je connais les conséquences. S’il n’y a pas d’élections, il n’y aura pas de paix durable ».
Que pensez-vous du retrait, souhaité par le pouvoir, de la MONUSCO ?
« Pourquoi faire partir la MONUSCO en ce moment, alors qu’il y a des élections ? Est-ce pour continuer à tuer, à arrêter illégalement les gens ? Je ne suis pas d’accord. On a encore besoin de la MONUSCO. Sa présence est très importante pour le Congo ».
Vous êtes victimes de menaces et d’intimidations. Comment réagissez-vous ?
J’ai ma conscience tranquille. Je continuerai à défendre mon pays, l’intérêt du peuple congolais. Si le Président Kabila organise la première alternance en RDC dans les délais constitutionnels, nous allons tous applaudir.
Voir l’interview de Moïse Katumbi sur France 24 :https://www.youtube.com/watch?v=2iS1lI7gVto&sns=tw
Serez-vous candidat à la prochaine élection présidentielle en RDC ?
« Aujourd’hui, le problème, ce n’est pas d’être candidat mais de demander au pouvoir d’organiser les élections dans les délais constitutionnels. Je me bats pour que le pays gagne. Pour que nous puissions avoir une opposition forte, une opposition unie et, pour cela, peut-être aller au primaire. Je suis en train de consulter les autres membres de l’opposition pour aboutir à une candidature unique… Ce qui tue l’Afrique, c’est le politicien africain (qui ne pense qu’à son propre intérêt)… S’il y a un opposant qui gagne les élections, c’est toute l’opposition qui gagne ».