Il est sans conteste l’un des twittos– le nom donné aux adeptes du réseau social Twitter – les plus influents sur la RDC. A travers son compte @MichaelTshi, il décrypte, avec beaucoup de pédagogie, les soubresauts de la vie politique congolaise. Michaël Tshibangu, juriste de formation et président de l’Association pour le développement et la démocratie au Congo (ADDC), donne aux lecteurs d’AFRIK.COM son éclairage sur l’utilisation des réseaux sociaux au Congo-Kinshasa, ainsi que sur la situation politique, toujours mouvante, dans ce pays-continent.
(Propos recueillis par Adrien Seyes)
AFRIK.COM : Vous avez tweeté le 29 avril dernier que « le pouvoir des médias sociaux (était) plus puissant que celui des médias ordinaires en RDC » ? Pourquoi ?
Michaël Tshibangu : La plupart des médias ordinaires en RDC sont très politisés. Ils se partagent entre médias pro-opposition et pro-pouvoir. On peut d’ailleurs parler de « presse d’opinion ». Par voie de conséquence, les informations sont souvent déformées en fonction des intérêts des uns et des autres. Les réseaux sociaux ont permis à la population congolaise de mieux faire entendre sa voix. Depuis Kinshasa, Lubumbashi, Goma etc., grâce aux médias sociaux, nous sommes connectés. Nous pouvons nous informer mutuellement en temps réel. Cela constitue un avantage considérable, notamment dès lors qu’il s’agit de se mobiliser pour défendre telle ou telle cause.
Quelles sont les personnalités politiques qui tirent le mieux partie des réseaux sociaux en RDC ?
Dans l’opposition, Moïse Katumbi et Vital Kamerhe comprennent parfaitement l’importance de la communication et sont, de loin, ceux qui tirent le mieux partie de l’expansion des réseaux sociaux dans notre pays. Au sein de la majorité au pouvoir, le Premier ministre Matata Ponyo et, dans une certaine mesure, Tryphon Kin-Kiey Mulumba, le ministre des Relations avec le Parlement de la RDC, sont ceux qui tirent le mieux leur épingle du jeu.
Y a-t-il une différence dans la façon dont la majorité présidentielle et l’opposition utilisent les réseaux sociaux au Congo-Kinshasa ?
Une chose est frappante, l’avenir du Président Kabila est le sujet de préoccupation numéro 1 des deux camps. L’opposition milite pour son départ et le strict respect de la Constitution. Dans la majorité,à l’inverse, certains prônent un dialogue politique, d’autres poussent plus ouvertement en faveur d’un nouveau mandat de Joseph Kabila. Mais d’une manière générale, c’est l’opposition qui tire le mieux partie des réseaux sociaux.
Facebook, Whatsapp, Youtube, Twitter, etc., quels sont les types de réseaux sociaux les plus utilisés en RDC ?
Facebook occupe la première place. Cependant, la popularité de Twitter ne cesse de croître. Quant à Youtube, il est surtout utilisé par la diaspora congolaise et les partis politiques.
Seul Moïse Katumbi a accepté, jusqu’à présent, d’échanger en direct avec les twittos, une pratique devenue fréquente ailleurs en Afrique. Pourquoi une telle frilosité de la part des autres personnalités politiques en RDC ?
La culture de la transparence et de la redevabilité est quelque chose d’encore trop rare en RDC. La plupart de nos hommes politiques oublient qu’ils sont censés être les serviteurs du peuple.
Pensez-vous que l’élection présidentielle puisse encore se tenir dans les délais prescrits par la Constitution (le 27 novembre 2016) ?
C’est difficile, mais pas impossible. C’est davantage un problème de volonté politique que de contraintes techniques. Si on le voudrait vraiment, on le pourrait en réalité.
Dialogue, glissement… quelle est, selon vous, la stratégie poursuivie à l’heure actuelle par la majorité présidentielle ?
Dans le contexte de la RDC, tous les chemins mènent à Rome. Rome, en l’occurrence, cela signifie conserver Joseph Kabila au pouvoir. Ses partisans ont essayé de réviser la Constitution, de retarder l’élection présidentielle en la liant au recensement, d’asphyxier financièrement la CENI, de redécouper les provinces afin de gagner du temps. Maintenant, c’est au tour du dialogue et de l’interprétation de l’article 70 devant la Cour constitutionnelle de jouer ce rôle dilatoire. Les partisans du glissement soutiennent également que le processus électoral devrait commencer par les élections locales. Bref, quels que soient les arguments utilisés, l’objectif reste le même : garder Kabila au pouvoir au-delà de son mandat.
Quelle serait, selon vous, la personnalité la mieux placée, dans la majorité présidentielle ou dans l’opposition, pour succéder à Joseph Kabila ?
Dans une élection présidentielle à un tour dans un pays aussi vaste que la RDC, qui s’assimile à un sous-continent de plus de 450 tribus, la personnalité qui peut rassembler le plus largement possible sera la mieux placée pour l’emporter. Dans l’opposition, il y a deux personnes qui peuvent y parvenir, Moïse Katumbi et Vital Kamerhe. Mais si l’on considère la capacité à rassembler, Moïse Katumbi dispose d’un avantage considérable. Il reste que le ticket « Katumbi-Kamerhe » serait souhaitable pour une victoire certaine. De mon point de vue, si l’on tient compte de toutes les qualités que doit cumuler un dirigeant moderne, Moïse Katumbi serait la personnalité la mieux placée pour succéder à Joseph Kabila.