
Les troupes de la SADC ont entamé leur retrait de Goma, marquant la fin de leur mission militaire en RDC face au M23. Ce retrait, négocié avec les rebelles, reflète un échec stratégique après plusieurs pertes humaines. Kinshasa, confrontée à une insécurité persistante, espère relancer les négociations.
Les troupes de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ont entamé leur retrait de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Cette décision marque la fin anticipée d’une mission militaire lancée en décembre 2023 pour contrer la progression du groupe rebelle AFC/M23, qui a pris le contrôle de Goma depuis janvier. Ce retrait, selon un porte-parole de la SADC, a été négocié avec les rebelles, sans toutefois préciser le nombre de soldats évacués pour des raisons de sécurité.
Le départ s’effectue par voie terrestre, via la frontière avec le Rwanda, et devrait se poursuivre jusqu’à fin juin. Si les effectifs de la mission (connue sous le nom de SAMIDRC) n’ont jamais été officiellement communiqués, les analystes estiment qu’environ 1 300 soldats y participaient, provenant principalement de l’Afrique du Sud, du Malawi et de la Tanzanie. Ces forces avaient pour mandat de soutenir l’armée congolaise face à la montée en puissance du M23.
Un mandat écourté sur fond de revers militaires
Le retrait de la SAMIDRC fait suite à un sommet extraordinaire de la SADC tenu le 13 mars 2025, au cours duquel les dirigeants régionaux ont mis fin au mandat de cette mission. Ils ont exprimé leur « grave préoccupation » face à la dégradation de la situation sécuritaire, notamment avec la perte récente de Goma et de Bukavu au profit des rebelles. Le retrait reflète un échec stratégique, d’autant plus que la mission avait remplacé la force de l’EAC (Communauté de l’Afrique de l’Est), que Kinshasa jugeait trop conciliante avec le M23.
Malgré une volonté initiale de fermeté, la SAMIDRC a été rapidement immobilisée, notamment après que ses troupes se soient retrouvées confinées dans une base de la Monusco à Goma, sans possibilité d’intervention. L’Afrique du Sud, qui assurait la majeure partie de l’effectif, a vu 14 de ses soldats tués sur un total de 18 pertes, provoquant une vive controverse dans le pays sur l’implication militaire au Congo. L’opposition sud-africaine a dénoncé une opération coûteuse et inefficace.
Réactions et incertitudes à Kinshasa
Le Président congolais Félix Tshisekedi a salué l’engagement de la SADC, tout en se retrouvant confronté à une équation complexe : comment contenir la progression rebelle sans soutien militaire régional significatif ? Kinshasa espère désormais s’appuyer sur des initiatives diplomatiques, notamment menées par l’Angola, pour relancer les processus de paix de Luanda et Nairobi. Une médiation angolaise pourrait ouvrir la voie à des négociations directes avec le M23, une option que Tshisekedi avait jusque-là exclue.
Parallèlement, la communauté internationale surveille étroitement l’évolution du conflit. Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 2773 pour encourager une solution politique durable. Mais sans nouvel engagement militaire ou levée de l’impasse politique, l’est de la RDC pourrait continuer à sombrer dans l’instabilité.
Appel de Kabila pour un recentrage sur les solutions congolaises
Joseph Kabila, ancien Président de la RDC, a profité de la situation pour faire entendre sa voix. En mars, depuis la Namibie, il a appelé au retrait total des troupes étrangères de l’Est du pays. Selon lui, seule une solution initiée et dirigée par les Congolais eux-mêmes pourra rétablir la paix. Il a rappelé l’expérience de 2001, lorsque, à son arrivée au pouvoir, la décision de faire partir toutes les forces étrangères avait permis de lancer un processus de paix interne.
Kabila a insisté sur le fait que les Congolais connaissent mieux que quiconque les enjeux de leur pays, et que les médiateurs extérieurs, aussi bien intentionnés soient-ils, ne peuvent pas prétendre comprendre les dynamiques locales mieux que les acteurs nationaux. Il a également pointé du doigt la complexité du conflit actuel, impliquant sept armées, des mercenaires et des centaines de groupes armés, ce qu’il qualifie de « situation plutôt indésirable ».
Plaidoyer pour une solution africaine
Dans un discours aux accents panafricanistes, Joseph Kabila a souligné l’importance de voir l’Afrique comme un tout, au-delà des intérêts strictement nationaux. Il a exhorté les dirigeants africains à faire preuve de bonne volonté, à prendre des décisions souveraines et à rechercher des garanties concrètes pour que les efforts de paix ne soient pas vains. Il a notamment critiqué l’Afrique du Sud pour son soutien militaire à ce qu’il qualifie de « régime tyrannique » de Tshisekedi, appelant Pretoria à cesser d’envoyer ses troupes.
Kabila a également mis au défi le Président congolais de reconnaître que la crise actuelle est aussi politique, sociale, morale et éthique, et qu’elle nécessite une approche globale, pas seulement militaire. Selon lui, ignorer les causes profondes du conflit ne mènera qu’à des solutions superficielles.