Les événements se sont précipités en République démocratique du Congo depuis début janvier. Ce jeudi, un processus d’intégration d’anciens rebelles tutsi congolais du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) au sein des forces gouvernementales a démarré. Même si la méfiance semble demeurer entre les deux parties, elles se sont accordées à poursuivre conjointement, avec l’appui de l’armée rwandaise, leur combat contre les rebelles hutus des Forces démocratique de libération du Rwanda (FDLR).
L’ancien champ de bataille s’est transformé en terrain de réconciliation. Encore ennemis il y a à peine un mois, rebelles et forces gouvernementales congolais ont déposé les armes et se sont fait l’accolade. Ce jeudi, une cérémonie symbolique d’intégration des soldats du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) au sein des Forces armées de la république démocratique de Congo (FARDC) s’est tenue au camp militaire de Rumangabo.
Pas plus tard qu’en octobre dernier, les deux parties se sont affronté dans de violents combats le contrôle de ce même lieu. Mi janvier, contre toute attente, les rebelles, désormais menés par le général Bosco Ntangada [Bosco Ntaganda est recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour enrôlement d’enfants en 2002-2003 en Ituri, district voisin du Nord-Kivu.]], ont annoncé la « fin de la guerre » qui les opposaient depuis plusieurs années au gouvernement congolais, abandonné leur chef historique, [Laurent Nkunda qui sera arrêté le 22 janvier dernier au Rwanda, et se sont lancés dans une opération militaire conjointement menée par la RDC et le Rwanda contre des rebelles hutus rwandais dans le Nord Kivu.
La cérémonie de ce jeudi marque le début de l’intégration officielle de ces rebelles au sein de l’armée régulière. « Onze éléments du CNDP ont défilé, en ligne impeccable, vers une table où des uniformes verts des FARDC leur ont été remis, sous les applaudissements et les cris de représentants de la société civile », rapporte l’AFP. Les représentants du gouvernement et ceux du CNDP, dont le général Bosco Ntangada et le colonel Claude Micho, tous deux à l’origine de la fin de la guerre, étaient présents. Les rebelles ont ensuite été examinés par deux médecins de l’armée puis se sont fondus dans un groupe des FARDC. Les Patriotes résistants congolais (Pareco), une milice progouvernementale Maï-Maï, aussi concernés par ce processus, assistaient à la cérémonie.
Un certain climat de méfiance
Au total, quelque 6200 soldats du CNDP devraient intégrer les FARDC avec l’appui de l’ONU. Mais cette insertion sera-t-elle effective ? Selon notre confrère de l’AFP, présent au camp militaire de Rumangabo, « un certain climat de méfiance était perceptible entre les anciens ennemis ». Pourtant, depuis le 20 janvier dernier, les troupes du CNDP participent aux côtés des soldats rwandais et congolais à l’opération conjointe enclenchée par Kigali et Kinshasha contre les Forces démocratique de libération du Rwanda (FDLR) dans le Nord-Kivu. La présence, dans l’Est de la RDC, de ces rebelles hutus rwandais dont une partie aurait participé au génocide de 1994 contre les Tutsi rwandais, a été l’une des principales raisons de l’entrée en rébellion de Laurent Nkunda et des tensions entre la RDC et le Rwanda.
Ce jeudi, une semaine après le lancement de cette opération anti-FDLR, le gouverneur du Nord Kivu, Julien Paluku, reste optimisme. Il estime que cette opération a des chances de réussir en raison de la campagne de sensibilisation des populations qui l’accompagne, écrit Radio Okapi. La Mission de l’Onu en République démocratique du Congo (Monuc) a, pour sa part, annoncé, mercredi, qu’elle allait « donner un appui logistique » aux troupes rwandaises et congolaises. Ce soutien s’organisera autour de deux axes. D’abord, la Monuc va fournir à l’armée congolaise un appui pour le transport de troupes et une assistance médicale. Ensuite, elle veut participer au processus d’intégration des rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), dont l’ancien chef Laurent Nkunda maintenu en résidence surveillée depuis la semaine dernière dans la ville rwandaise de Gisenyi pourrait être extradé vers la RDC. Le Rwanda et la RDC mènent des discussions dans ce sens. Mais le gouvernement rwandais avait déjà exprimé sa volonté de trouver une solution politique et non juridique à ce cas.
Une opération « militairement impossible »
Alors que ces tractations diplomatiques se tiennent parallèlement aux opérations militaires conjointes contre les rebelles hutus rwandais dans le Nord Kivu, Crisis groupe fait part de ses inquiétudes. Cette organisation non gouvernementale, spécialisée dans la prévention et la résolution des conflits, estime que les opérations menées conjointement par les armées congolaise et rwandaise ne viendront pas à bout des 6 000 rebelles du FDLR. Selon son directeur Afrique interrogé par Radio Okapi, « ce n’est pas une opération militaire même intensive, sur un territoire qui va du nord Katanga à Walikale, qui va pouvoir les capturer [les rebelles du FDLR ; Ndlr] en quelques semaines ou en quelques mois. Militairement, c’est une opération qui me paraît tout à fait impossible. L’opération militaire peut effectuer une pression sur les éléments les plus durs et convaincre les autres de se porter volontaire pour le désarmement. » D’après lui, la création d’une structure pour accueillir ceux qui auront déposé leurs armes, est nécessaire. Cette même structure pourrait également se charger du rapatriement de ces combattants vers le Rwanda.
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Photo: Radio Okapi