Coups, insultes, viols… les prostituées de la ville de Mbuji Mayi en République démocratique du Congo (RDC)ne sont pas épargnées. Rejetées par la population et brimées par leurs clients, les professionnelles du sexe ont trouvé un soutien auprès du Collectif pour le Développement économique, social et culturel intégré (Codesci). Cette organisation tente, par des campagnes de sensibilisation, de conscientiser la communauté sur les droits de ces femmes.
Jeannette se prostitue depuis cinq ans dans les rues de Mbuji Mayi, une localité située dans la province du Kasaï-Oriental, au sud de la RDC. Cette femme âgée de 40 ans vend son corps pour un dollar afin de subvenir à ses besoins alimentaires. Ce métier, « elle ne l’a pas choisi ». Avant, Jeannette était mariée et vivait avec ses quatre enfants. Mais après son divorce, jetée dehors et sans ressources, elle a été contrainte de se prostituer. En RDC comme dans beaucoup de pays en Afrique, les professionnelles du sexe servent souvent de boucs émissaires. « On me frappait, on m’insultait. C’était très difficile à supporter », confie-t-elle. Jeannette n’est malheureusement pas un cas isolé. Sur les 400 femmes qui se prostituent dans la ville de Mbuji Mayi, la majorité a été victime d’agressions sexuelles et de violences physiques et psychologiques. Et ceci dans l’indifférence générale. Il n’est pas rare que des clients les contraignent à avoir des relations sexuelles non protégées avec eux, ou les frappent sans que la police n’intervienne.
Vers le respect des femmes prostituées
« Les professionnelles du sexe n’ont pas de valeur. Pour la population, elles appartiennent à une catégorie inférieure», explique Patrick Cibangu, le coordinateur du Collectif pour le Développement économique, social et culturel intégré (CODESCI). Depuis 2009, cette organisation lutte contre ces préjugés et essaye de faire valoir les droits de ces femmes. Par des campagnes de sensibilisation, le Codesci tente de conscientiser la communauté sur le respect du travail des professionnels du sexe et de leurs droits en tant que femmes et personnes humaines. « Les gens ignorent qu’elles ont des droits et que les violenter est puni par la loi du 20 juillet 2006 », poursuit le coordinateur.
Face à ce constat, le Codesci a décidé en octobre 2009 d’organiser une journée de plaidoyer à Mbuji Mayi en faveur des professionnelles du sexe. Et les résultats sont plutôt probants. L’action qui a mobilisé les autorités politico-administratives, policières et judiciaires, les leaders religieux, les membres de la société civile et les prostituées semble avoir porté ses fruits. « Pour la première fois, je me suis sentie encouragée par la population, je suis sortie de ma clandestinité. Même les policiers sont maintenant intraitables avec les clients qui nous maltraitent », note Jeannette. Mais des progrès restent encore à faire. Célestin Mbaga, le conseiller chargé des Droits Humains, engagé auprès du Codesci, ne cesse de préconiser l’instruction « des policiers patrouilleurs nocturnes pour qu’ils changent leur comportement vis-à-vis des femmes prostituées» et « des magistrats et les officiers de police judiciaire à prendre au sérieux les plaintes des professionnelles du sexe ». « Il reste encore beaucoup de travail de fond à faire pour que les mentalités changent », observe Célestin Mbaga.
Des prostituées âgées de 14 ans
Un processus long et difficile, ralenti par le manque de moyens financiers dont dispose le Codesci. C’est pour cette raison d’ailleurs que l’action de l’ONG n’a pas pu être menée dans les quatre sites de mines de diamants, situés aux environs de Mbuji Mayi. Là-bas, 40 à 100 professionnelles du sexe travaillent et vivent dans des maisons closes. La plupart sont des mineures âgées de 14 à 18 ans. Selon Jeannette, les trois quarts seraient des orphelines qui auraient été abandonnées à elles-mêmes. « Le scénario est assez classique, elles n’ont pas de famille. Elles ont été attirées par une amie et se sont laissées embrigader », observe Patrick Cibangu. Pour l’heure, la prostitution des mineures se passe en toute impunité malgré la signature d’un arrêté par le gouverneur de province et le vote d’un édit pour décourager la présence des jeunes filles dans les sites miniers.