Ministre d’Etat, Ministre du Budget, Pierre Kangudia a créé la surprise en refusant de démissionner de son poste, ainsi que le lui demandait Vital Kamerhe, Président de l’UNC, parti au titre duquel il avait été intégré au gouvernement de Bruno Tshibala Nzhenze. Pour nos lecteurs, il s’explique sans langue de bois sur les raisons pour lesquelles il a préféré continuer à remplir sa mission au service de l’Etat, plutôt que d’attiser des divisions politiciennes et dresse un tableau précis de l’amélioration de la situation économique du pays.
Ministre d’Etat, Ministre du Budget, Pierre Kangudia a créé la surprise en refusant de démissionner de son poste, ainsi que le lui demandait Vital Kamerhe, Président de l’UNC, parti au titre duquel il avait été intégré au gouvernement de Bruno Tshibala Nzhenze. Pour nos lecteurs, il s’explique sans langue de bois sur les raisons pour lesquelles il a préféré continuer à remplir sa mission au service de l’Etat, plutôt que d’attiser des divisions politiciennes.
AFRIK.COM : Monsieur le Ministre, Pourquoi ne pas avoir respecté le mot d’ordre de Vital Kamerhe, Chef de file de l’UNC, qui vous appelait à démissionner du Gouvernement ?
Pierre Kangudia : Comme j’ai eu à le dire lors de mon point de presse et je ne tiens pas à revenir longuement là-dessus, je ne voulais tout simplement pas, en homme d’Etat, créer inutilement une crise au sein du Gouvernement, pour satisfaire les intérêts égoïstes et personnels de certains acteurs politiques qui cherchent à déstabiliser les institutions du pays.
AFRIK.COM : Il n’y a eu aucune concertation préalable au sujet de votre départ du Gouvernement, contrairement à ce qu’a affirmé Vital KAMERHE dans son communiqué ?
Pierre Kangudia : Aucune concertation préalable entre Monsieur Vital KAMERHE et moi-même au sujet de la décision de mon retrait du Gouvernement dirigé par Bruno TSHIBALA NZHENZE n’avait eu lieu.
En effet, le lundi 23 octobre 2017 vers 12 heures 30, accompagné de quatre membres de mon cabinet, j’ai été reçu en audience par le Président de l’UNC en sa résidence située au quartier G.B à Kinshasa, pour m’informer de sa décision de me retirer à tout prix du Gouvernement afin de me mettre à l’abri de l’humiliation car, selon lui, les informations concordantes en sa possession faisaient état de ma révocation dans les heures qui suivaient. Et, comme il tenait à rendre publique sa décision à 18h30, je devais rédiger et déposer ma démission immédiatement.
Curieusement, à peine rentré à mon Cabinet, je découvrais qu’il avait déjà livré l’information à la presse et informé le Premier Ministre de mon retrait du Gouvernement, avec copie pour information au Président de la République !
Dans ce contexte d’empressement qui frise un acharnement sur ma modeste personne, peut-on déceler une quelconque concertation préalable ? Non.
AFRIK.COM : Vous quittez l’UNC. Est-ce à dire que vous quittez également l’opposition pour rejoindre la majorité ?
Pierre Kangudia : Le Gouvernement dont je fais partie est un Gouvernement d’Union Nationale qui comprend aussi bien les délégués de l’opposition signataires de l’Accord issu du dialogue de la Cité de l’Union Africaine que celui de la CENCO. Dès lors, étant signataire de l’Accord de l’Union Africaine en ma qualité d’opposant, je garde ce statut, même si je devais quitter l’UNC dont je suis par ailleurs un des fondateurs.
AFRIK.COM : Vous restez au Gouvernement. Est-ce à dire que vous croyez à l’action de l’Exécutif conduit par Bruno TSHIBALA auquel vous appartenez ?
Pierre Kangudia : Etant membre du Gouvernement, l’action de l’exécutif conduit par le Premier Ministre est notre action commune ; je ne peux qu’y croire. Autrement ce serait absurde pour moi de vouloir y poursuivre ma mission ! Je crois que nous faisons du bon travail !
AFRIK.COM : Le grand sujet de préoccupation à l‘heure actuelle en RDC est la date de l’élection présidentielle. La CENI a annoncé il y a quelques jours un report d’au moins 504 jours à l’issue des opérations d’enrôlement en cours. Certains partis politiques jugent ce délai excessif. Comment se justifie-t-il ?
Pierre Kangudia : Comme vous le savez, en RDC, la CENI est la seule institution habilitée, de par la loi, à élaborer le calendrier relatif à l’organisation des opérations électorales. Il ne m’appartient pas, en tant que Ministre du Budget, de me prononcer sur les délais communiqués par la CENI, qui évoque certaines contraintes liées à l’organisation de ces élections.
AFRIK.COM : Mais justement, comme Ministre du Budget, comment comptez-vous financer le processus électoral, particulièrement onéreux ?
Pierre Kangudia : La CENI avait exprimé les besoins financiers pour les opérations électorales, lesquels besoins sont prévus dans la loi de finances de l’exercice 2017, au niveau des dépenses exceptionnelles, à hauteur de 1.110 milliards de FC, sur ressources propres, et de 58 milliards de FC, sur ressources extérieures.
Le Gouvernement s’efforce à mettre ces moyens à la disposition de cette institution d’appui à la démocratie, et ce, en dépit des contraintes financières du moment.
AFRIK.COM : La BAD vient de hisser la RDC au rang de pays le plus riche d’Afrique francophone, à tout le moins celui dont le PIB est le plus important (devant la Côte d’ivoire et le Cameroun). Est-ce le fruit d’une évolution mécanique (augmentation de la population, taille du pays) ou le fruit des réformes mises en œuvre au cours des dernières années ?
Pierre Kangudia : Les ressources naturelles et humaines dont la RDC est dotée constituent indéniablement des atouts majeurs pour son développement. Mais, il est tout aussi indéniable que la croissance, tout comme le développement, n’est pas une génération spontanée. Elle est le fruit d’une bonne exploitation de ces ressources.
Au demeurant, c’est depuis 15 ans que la RDC met en œuvre des réformes structurelles dans plusieurs domaines, notamment dans le domaine économique et financier. L’objectif poursuivi est de maintenir durablement l’économie dans une trajectoire de croissance économique positive, en vue de hisser le pays au rang de pays émergents dans l’avenir le plus proche possible.
C’est ainsi que sous le leadership du Chef de l’Etat, le pays s’est lancé résolument dans la construction et la réhabilitation des infrastructures de base, l’amélioration du climat des affaires, la révision de plusieurs lois datant de plus de 30 ans etc…
En appui à des politiques budgétaire et monétaire prudentes, ces réformes ont permis de mettre un terme à toute une décennie d’hyperinflation et de récession, et d’enclencher un cercle vertueux de croissance positive du PIB et de stabilité relative du taux de change et des prix. De la sorte, il n’est pas exagéré d’affirmer que sur le plan économique notamment, la RDC va beaucoup mieux par rapport à la décennie 90.
Aussi le classement de la BAD vient naturellement rendre compte de cette spirale positive que nous travaillons à renforcer encore. La RDC a des atouts, elle en tire le meilleur parti. C’est ce que révèle ce classement.
AFRIK.COM : A l’instar de nombreux pays d’Afrique Centrale, la RDC a sollicité l’aide du FMI. Pourquoi ? Pensez-vous que cette aide vous sera octroyée.
Pierre Kangudia : Vous savez que la RDC est membre du FMI depuis le 28 septembre 1963. En tant que tel, elle bénéficie régulièrement de l’assistance technique des services du FMI, notamment en matière de réforme des finances publiques. Actuellement, le Ministère du Budget, en étroite collaboration avec le Centre Régional d’Assistance Technique pour l’Afrique Centrale, « Afritac Centre », qui est un centre du FMI basé à Libreville, œuvre pour la mise en place des outils devant faciliter la migration vers la « budgétisation par programme » à l’horizon 2019. C’est un travail qui peut paraître technique, mais il constitue une modernisation importante de la gestion de l’Etat et j’y suis personnellement attaché car elle montre que nos procès budgétaires sont désormais au niveau des pays les plus avancés !
S’agissant de l’assistance financière, conformément au statut du FMI, tout pays membre est en droit de solliciter l’appui de ce dernier en cas de déséquilibre de sa balance des paiements. C’est le cas pour la RDC qui traverse, comme de nombreux pays dans le monde, et ce depuis 2016, une crise en la matière. Les dernières discussions avec cette institution financière laissent présager la possibilité pour le pays de bénéficier d’une assistance d’urgence.
AFRIK.COM : La RDC est riche de ses matières premières. Mais son économie demeure peu diversifiée. Est-ce une fatalité ?
Pierre Kangudia : Il est établi qu’à cause de la forte dépendance de la RDC à l’exploitation de ses ressources naturelles, il est impérieux de diversifier son économie pour la mettre à l’abri des soubresauts de la conjoncture économique internationale et ainsi de la rendre résiliente. Cette situation n’est pas nouvelle, et elle tend plutôt à s’améliorer.
C’est dans cette perspective que le Gouvernement s’emploie notamment à promouvoir l’agriculture et l’industrie, et bien sûr à améliorer le taux de desserte en électricité. La nouvelle loi sur l’agriculture pour attirer l’actionnariat privé dans le secteur, le développement des parcs agro-industriels et la libéralisation des secteurs de l’électricité et des assurances, en sont des illustrations.
Dans ce cadre, le Gouvernement travaille également à l’affectation des recettes issues du secteur des ressources naturelles vers ces secteurs vecteurs de la diversification de l’économie nationale. Il n’y a pas de fatalité en économie, les choix que nous faisons préparent l’avenir de notre économie!
AFRIK.COM : Peut-on s’attendre en 2018 à une relance des investissements publics (grands travaux, etc.) ou bien s’agira-t-il plutôt d’une année de transition ?
Pierre Kangudia : Les axes prioritaires de la politique budgétaire pour 2018 seront rendus publics une fois que le projet de loi de finances sur lequel nous travaillons actuellement sera adopté par le Conseil des Ministres. Vous les connaîtrez bientôt. En tout état de cause, les investissements publics demeureront une des priorités du Gouvernement.
AFRIK.COM : L’inflation atteint des niveaux préoccupants en RDC. Quelles mesures avez-vous pris ou comptez prendre pour en atténuer l’ampleur ?
Pierre Kangudia : C’est une des actions prioritaires sur lequel le gouvernement est mobilisé. Les mesures mises en place pour stabiliser le taux de change et l’inflation, et ainsi créer les conditions de relance économique, commencent à porter leurs fruits. Nous sommes plus que tout attentifs à maîtriser les grands équilibres pour ne pas connaître de dérapage.
Sur le plan de la gestion des finances publiques, l’action consiste d’abord à renforcer la gestion sur base caisse, en évitant autant que faire se peut, tout déficit budgétaire. Cela a déjà contribué à la stabilisation progressive du taux de change qui tourne depuis plus d’un mois autour de 1.560 FC le dollar, contre plus de 1.700 FC il y a quelques mois. Les effets de cette relative stabilité du taux de change se ressentent déjà sur le niveau des prix des biens et services qui se sont également stabilisés. Sur le plan des activités économiques, les données disponibles confirment l’amélioration de la situation. En effet, sur la base des réalisations de la production à fin juin, le taux de croissance du PIB réel est estimé à 3,2% en 2017 contre 2,4% en 2016. Cela signifie que notre économie repart vers une croissance soutenue, et que les tensions inflationnistes vont s’atténuer, puisque nos fondamentaux sont bons.