RDC : le retour inattendu de Joseph Kabila en pleine crise sécuritaire


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Joseph Kabila
Joseph Kabila

Joseph Kabila annonce son retour imminent en RDC, en pleine crise sécuritaire à l’est du pays. Ce come-back surprise intervient à un moment hautement stratégique, alors que la ville de Goma est sous tension et que les tractations diplomatiques s’intensifient. Derrière l’annonce, une manœuvre politique se profile.

Après plusieurs années d’un silence pesant, l’ancien président Joseph Kabila a annoncé son retour imminent en République démocratique du Congo. Exilé en Afrique du Sud depuis un an, il justifie sa décision par la gravité de la situation sécuritaire et institutionnelle du pays. Ce retour, annoncé sans date précise, mais évoqué comme “imminent”, suscite déjà une vive controverse, alors que le pays est en proie à une crise majeure à l’est et à des tractations diplomatiques fondamentales au Qatar.

Un retour au moment le plus critique pour la RDC

L’annonce de Joseph Kabila intervient alors que la RDC traverse une phase particulièrement instable. À l’est du pays, le mouvement rebelle M23 contrôle toujours plusieurs zones stratégiques, dont la ville de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. C’est pourtant par cette région que l’ancien président envisage de faire son grand retour. Ce choix, à la fois symbolique et potentiellement explosif, interroge autant qu’il inquiète. Pour le politologue Christian Moleka, il ne s’agit en rien d’un hasard : “Le choix de cette date n’a rien d’anodin”, souligne-t-il, rappelant que le retour annoncé coïncide avec une rencontre diplomatique majeure entre le gouvernement congolais et les rebelles du M23 prévue à Doha.

Joseph Kabila n’a donné aucun calendrier clair pour son retour, mais son entourage évoque une arrivée “dans les prochains jours”. Ce flou entretenu alimente toutes les spéculations, notamment sur ses intentions réelles. Est-ce un geste patriotique, motivé par le besoin de “contribuer à une solution à la crise”, comme il le clame dans sa déclaration ? Ou une manœuvre politique calculée à un moment où le président Tshisekedi cherche à recomposer sa majorité et à former un gouvernement d’union nationale, proposition que le PPRD de Kabila a d’ailleurs rejetée ? Plus troublant encore, certains proches du “raïs” n’excluent pas une future collaboration avec Corneille Nangaa et l’AFC/M23, une hypothèse qui pourrait profondément bouleverser les équilibres déjà fragiles dans l’est du pays.

Un contexte régional et international sous tension

La déclaration de Kabila intervient alors que les regards internationaux sont de nouveau braqués sur la RDC. L’envoyé spécial des États-Unis pour l’Afrique, Massad Boulos, mène actuellement une tournée diplomatique dans la région, avec pour objectif déclaré de “favoriser une paix durable dans l’est de la RDC”. Pendant ce temps, plus de 40 000 Congolais ont déjà fui les violences vers l’Ouganda depuis janvier. Ce retour inattendu de Kabila, dans un tel climat, risque d’ajouter à la confusion. Officiellement, il dit avoir consulté des acteurs régionaux et internationaux avant de prendre sa décision, mais rien ne filtre sur les véritables appuis dont il disposerait pour cette nouvelle étape de son parcours politique.

Depuis qu’il a quitté le pouvoir en 2019, Joseph Kabila s’était effacé du paysage politique, se consacrant à une thèse sur les relations sino-congolaises. Son retour pourrait sonner le glas de cette retraite silencieuse. Le timing – à quelques mois d’une recomposition gouvernementale et au cœur d’un conflit armé majeur – laisse penser à une ambition plus large qu’un simple “devoir patriotique”. Tandis que le PPRD retrouve peu à peu de la vigueur, Kinshasa pourrait bien être le théâtre d’un nouveau bras de fer politique. Et cette fois, les cartes sont brouillées, les alliances incertaines, et les risques potentiellement déstabilisateurs pour toute la région.

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