Alors que le conflit au Nord-Est de la République Démocratique du Congo (RDC) s’intensifie, la récente visite du roi des Belges dans le pays et son déplacement au Nord-Kivu font office de caisse de résonance. Le Prix Nobel de la Paix Denis Mukwege a profité de sa rencontre avec le monarque pour dénoncer l’implication du Rwanda dans les attaques subies par la RDC.
Le 13 juin dernier, le roi des Belges Philippe et la reine Mathilde ont achevé leur visite en République Démocratique du Congo. Symbole de la nouvelle dynamique des relations congo-belges, cette visite a été l’occasion de revenir sur les « blessures » profondes du passé et d’aborder les défis actuels.
Une « visite d’espoir » pour le docteur et Prix Nobel de la Paix Denis Mukwege qui a reçu le cortège royal à Panzi. « Votre présence au Kivu, cette province meurtrie depuis plusieurs décennies avec des milliers de morts et des femmes violées, est un signe qui témoigne de votre humanisme » a-t-il déclaré.
Le Nord-Est congolais, théâtre d’un conflit armé
Depuis quelques mois, la situation au Nord-Est de la RDC s’est aggravée, renforçant la symbolique de la visite du roi des Belges. « Cette visite royale est un acte de courage exceptionnel (…), nous rendre visite en ce moment, où le Congo est victime d’une énième agression, est un acte humanitaire fort », a souligné le Dr Mukwege.
En effet, dans la province du Nord-Kivu, les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) du président Félix Tshisekedi combattent la faction rebelle du M23 qui, battue en 2013, a rouvert le feu le 28 et 29 mars 2022 sur les FARDC.
Lundi 13 juin, le conflit a pris une toute autre tournure. Le groupe a franchi la frontière congolaise pour occuper la ville de Bunagana, son ancien fief dont il a été délogé en 2013 et important carrefour de commerce entre la RDC et son voisin ougandais. Dans un communiqué, le général de brigade congolais Sylvain Ekenge a déclaré que la cité de Bunagana sera défendue « peu importe ce que cela devrait coûter ». De son côté, le ministère congolais de la Communication et des Médias a condamné fermement « la participation des autorités rwandaises dans le soutien, le financement et l’armement » du M23. Un fait également dénoncé par le Dr Mukwege à la presse, à Bukavu, juste avant qu’il ne reçoive le couple royal dans son hôpital à Panzi : « L’agression du Rwanda à travers le M23, ce n’est pas une nouvelle chose. Le M23 ce n’est pas un mouvement spontané. L’agression est claire. »
Pour Félix Tshisekedi, « il n’y a pas de doute, le Rwanda a soutenu le M23 pour venir agresser la RDC »
Même si Kigali et son président Paul Kagamé nient tout soutien au mouvement rebelle en qualifiant le conflit au Nord-Kivu d’« intra-congolais », les accusations du président Tshisekedi, qui a d’ores et déjà pris des mesures en suspendant les vols de la compagnie RwandAir, s’appuient sur des faits documentés.
Dans une lettre du 26 juin 2012, adressée au Président du Conseil de sécurité de l’ONU, le Président du Comité du Conseil de sécurité concernant la République démocratique du Congo écrivait : « Depuis les premières étapes de la création du M23, le Groupe [d’experts sur la République démocratique du Congo] a rassemblé des informations sur l’appui militaire et politique systématique que les autorités rwandaises prêtent au groupe rebelle » en précisant que « les FDR ont procuré du matériel militaire, des armes, des munitions et des fournitures générales aux rebelles du M23 ».
Créé en 2012, le M23 (pour Mouvement du 23 mars) fait référence à l’accord de paix signé le 23 mars 2009 entre le gouvernement congolais et le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) créé par Laurent Nkunda en 2006 et dont l’objectif est la défense de la communauté tutsie congolaise. Selon le M23, cet accord, destiné à mettre fin à la guerre du Kivu, n’aurait pas été respecté par le gouvernement congolais.
Aujourd’hui accusé de violences envers les populations locales et les ONG et suspecté de trafic de minerais, le M23 serait directement responsable de près de 75 000 déplacés et 11 000 réfugiés depuis son retour en RDC. Majoritairement composé de soldats tutsis, le M23 accuse également le gouvernement congolais de tenir volontairement cette ethnie à l’écart.
Pour Thierry Vircoulon, chercheur à l’Institut français des Relations Internationales (IFRI), l’intérêt du Rwanda dans ce conflit est avant tout financier. L’enjeu pour Kigali serait « de garder la main mise sur le Nord-Kivu [un territoire] que les Rwandais exploitent depuis des années », notamment pour ses matières premières. Le chercheur rappelle que le Rwanda exporte plus de matières premières (en particulier minières) qu’il ne peut en produire.