Matungulu Mbuyamu, sauveur des finances congolaises ou traître à la nation. Choqué par les quolibets des parlementaires et surtout par lâché par ses pairs, l’ancien ministre a préféré claquer la porte. Evénement très rare en RDC.
Il n’est sûrement pas chose aisée d’être ministre des Finances dans un pays sous perfusion des Institutions financières internationales. Frédéric Matungulu Mbuyamu vient de l’apprendre à ses dépens. Accusé de traîtrise à la nation pour avoir présenté un budget dit » non conforme aux préoccupations sociales de la population « , le ministre s’est senti poussé vers la sortie. Visiblement pris de court, les Congolais sont partagés entre l’admiration. Au Congo, les ministres ne démissionnent pas. Surtout pas un ministre des Finances. Et pourtant.
C’est à Lubumbashi, siège du Parlement, à l’occasion de la présentation du budget 2003, devant le Parlement congolais, que l’ancien ministre des Finances s’est vu accusé, le souffle coupé, de rouler plus pour la Banque Mondiale que pour son pays. Les députés ont exigé sa démission: » Parce qu’il est en train de mener une politique économique fictive qui n’a rien à
voir avec le vécu quotidien du Congolais, a déclaré, depuis Lubumbashi, M.Yosa Ngudi, un député, membre de la commission économique et financière du Parlement ». Ce que dément catégoriquement l’accusé qui renvoie la balle au pouvoir qui l’aurait forcé de signer des
dépenses incompatibles avec les réalités financières du pays.
Victime de l’Etat
» A mon arrivée à l’aéroport, j’ai été interpellé par les services de sécurité et on m’a demandé de signer des dépenses dont l’ampleur dépassait ce que la situation financière actuelle pouvait permettre. » Entré dans le gouvernement pour relancer les finances chancelantes du pays à l’appel du jeune président Joseph Kabila, en fait sur instigation de la Banque Mondiale, Frédéric Matungulu Mbuyamu passe, du jour au lendemain, du faiseur des miracles au traître à la nation.
Au retour de Lubumbashi où il avait justement été défendre le budget de l’année il dit ne pas comprendre comment même ses pairs se désolidarisent de lui alors qu’un budget engage le gouvernement tout entier en tant que corps constitué : » Nous avons discuté le budget au sein du gouvernement qui l’avait approuvé et j’avais reçu mandat de l’amener au
Parlement. », s’étonne-t-il.
Un budget de 864 milliards de dollars
Le projet du budget congolais, pour l’année 2003, dont il est question est chiffré à 864 millions de dollars. Un budget dont les dépenses, selon le ministre, sont destinées à la lutte contre la pauvreté et à l’amélioration des conditions sociales de la population. Où se trouverait alors la pomme de discorde ? Dans la rue à Kinshasa, les fonctionnaires, en colère, ont vite fait le raccourci. » Ce budget ne représente rien en effet quand je considère que le ministre des Finances n’a prévue que 13 dollars pour le plus bas salaire du fonctionnaire congolais, s’insurge José Nzumbuko, cadre au ministère des Transports. Celui des cadres que nous sommes ne doit se situer tellement loin « .
Pour Mabaya Hilaire, analyste financier, l’ancien ministre des Finances a réellement sauvé la RDC en rompant l’isolement financier et diplomatique dont elle souffrait sur le plan international et en la ramenant au niveau des pays fréquentables. » En 18 mois de travail, il a réussi non seulement à stopper le super-inflation des 1997-2001 et à amorcer une certaine croissance économique. Si certains allègements financiers sont consentis à la RDC, c’est tout de même parce ce que celle-ci a atteint les critères de performance exigés pour être éligible à certaines faveurs des institutions financières internationales. Ce n’est pas rien « .
Les Congolais qu ne comprennent sûrement rien à la chose financière ne savent pas comment apprécier la situation actuelle. D’une part, ils souffrent comme jamais auparavant des méfaits de la crise économique, de l’autre, ils ne peuvent pas ne pas remarquer l’amorce d’une reprise avec l’ouverture de certains chantiers routiers, aussi bien sur l’axe vitale Matadi-Kinshasa que sur certaines artères principales de la capitale.