RDC : le M23 continue d’avancer malgré le cessez-le-feu


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Rebelles du M23 actifs en RDC
Des rebelles du M23

Depuis les premières heures du dimanche 4 août 2024, le cessez-le-feu conclu à Luanda entre la RDC et le Rwanda est entré en vigueur. Mais, force est de constater que les affrontements continuent et que le M23 avance toujours.

Mercredi 7 août 2024. Dans le territoire de Rutshuru, province du Nord-Kivu, l’enclave de pêche de Nyakakoma tombe aux mains des rebelles M23. Selon la presse locale, il n’y a eu que quelques échanges de tirs entre les rebelles et les éléments de la marine congolaise appuyés par des combattants Wazalendo avant que l’enclave située sur la côte est du lac Édouard, à 48 km de Nyamilima et 28 km de Ishasha (localités déjà prises par le M23), ne tombe elle aussi aux mains du groupe armé.

Cette nouvelle prise du M23 entraîne déjà des déplacements de populations craignant d’être prises entre deux feux. « Plusieurs habitants se déplacent et traversent le lac en utilisant des pirogues. Ils prennent la direction de Talyha, Kamandi, Mubana, Kiserera, Lunyasenge », a témoigné une habitante de Nyakakoma. Avant d’ajouter : « Quelques habitants préfèrent rester dans la cité. Les Wazalendo ont pris la direction du parc alors que les éléments de la force navale ont traversé le lac. Nous qui restons dans la cité, avons peur, nous ne savons pas d’où viendra la solution. Nous préférons y rester seulement ».

Les autorités gouvernementales appelées à la rescousse

Et chez ceux qui sont restés sur place, c’est l’inquiétude. « C’est inquiétant parce que le cessez-le-feu tant attendu n’est pas respecté. On est vraiment dans la merde », a confié l’un d’entre eux. Avant de lancer un appel au gouvernement : « Voilà pourquoi, nous ne cessons de demander au gouvernement de s’investir dans cette question parce qu’on est vraiment en difficulté totale ». L’appel au gouvernement ne vient pas que des populations. Dans un communiqué publié ce jour, la CENCO a insisté sur la nécessité de renforcer la cohésion nationale indispensable pour le retour de la paix.

Les prélats ont également invité les deux parties signataires de l’accord de cessez-le-feu à tout mettre en œuvre pour son respect intégral afin que la sécurité et le retour des personnes déplacées depuis le début du conflit soient garantis. Ce communiqué est donc publié alors que l’entrée en vigueur du cessez-le-feu n’a jusque-là pas changé grand-chose à la situation initiale. Mais, cette violation flagrante du cessez-le-feu constitue-t-elle une surprise pour autant ?

Le M23 avait annoncé les couleurs

La violation du cessez-le-feu est loin d’être une surprise. D’abord en raison des expériences passées qui ont démontré que les cessez-le-feu signés dans le cadre de la guerre à l’Est de la RDC peinent généralement à être respectés. Ensuite, tout juste après l’annonce de la signature de l’accord du cessez-le-feu, les responsables du M23 sont montés au créneau pour signifier qu’ils ne se sentent pas « automatiquement » liés par cet accord. Ce qui importe à leurs yeux, c’est un dialogue direct avec les autorités de Kinshasa. « La seule voie pour la résolution pacifique du conflit en cours est le dialogue politique direct avec le gouvernement de Kinshasa, qui traite les causes profondes des conflits récurrents à l’Est de la RDC », avaient-ils déclaré. Depuis lors, le mouvement continue d’avancer dans l’Est de la RDC comme s’il n’y avait même pas de cessez-le-feu en vigueur.

Alerte en Ituri

Si une bonne partie du Nord-Kivu est déjà effectivement aux mains du M23, la province voisine de l’Ituri pourrait être la prochaine étape du groupe rebelle soutenu par le Rwanda. D’ores et déjà, les autorités militaires de l’Ituri donnent l’alerte. Selon elles, le M23 nourrit le projet de faire son incursion en Ituri à partir du lac Albert, frontière naturelle avec l’Ouganda. C’est le porte-parole du gouverneur militaire de la province, le lieutenant Jules Ngongo, qui a tiré la sonnette d’alarme : « Les informations en notre possession renseignent que le M23 est déjà en liaison avec la milice Zaïre que dirige Thomas Lubanga, président du parti politique Union des patriotes congolais (UPC) qui vit actuellement en cachette, autrefois prisonnier à la Cour pénale internationale. Et ils veulent prendre le contrôle du littoral du lac Albert et entrer par Tchomia et Kasenyi ».

Ce n’est pas la première fois qu’une alerte de cette nature est donnée dans la province de l’Ituri. Le lieutenant Ngongo appelle donc les habitants de la province à « se désolidariser des manipulateurs et renforcer la collaboration avec les Forces armées de la République Démocratique du Congo ». Et d’ajouter : « cela va permettre de barrer la route à cette tentative de prise de l’Ituri par le M23 qui ne marchera pas ».

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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