
Le gouverneur de la province du Sud-Kivu, Jean-Jacques Purusi Sadiki, tire la sonnette d’alarme face à la situation dramatique que vit sa région. Selon ses dires, des dizaines de personnes périssent par jour dans cette province en partie contrôlée par les rebelles du M23.
Dans une interview accordée, ce mardi 15 avril 2025, à Média Congo Press, Jean-Jacques Purusi Sadiki révèle que sa province enregistre en moyenne 42 morts par jour, dont 23 à Bukavu, capitale provinciale désormais sous occupation militaire. Dans un discours mêlant colère, détermination et appel à l’unité, il promet que le peuple congolais finira par triompher de cette nouvelle agression.
Un quotidien rythmé par la mort
Au téléphone, la voix du gouverneur Jean-Jacques Purusi Sadiki est ferme, mais chargée d’émotion. Dans une déclaration sans détour, il livre un témoignage glaçant : « Aujourd’hui, le Sud-Kivu enregistre au moins 42 morts par jour, Bukavu 23 cadavres quotidiennement », déclare-t-il à Média Congo Press.
Depuis plusieurs semaines, la ville de Bukavu vit sous l’ombre de la peur. Deux mois après sa prise par les forces du M23, les rapports de meurtres ciblés, d’affrontements, d’exécutions sommaires et d’enlèvements se multiplient. La population, acculée, tente de survivre dans un climat d’insécurité absolue. « La population résiste et elle va continuer à résister », martèle le gouverneur. « Ils (les rebelles, ndlr) n’atteindront pas leur objectif ».
Le M23, une résurgence meurtrière
Le Mouvement du 23 mars (M23), formé en 2012 à la suite d’un accord de paix avorté, est réapparu sur la scène militaire en 2021, profitant des fragilités structurelles de l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Depuis, il a mené une offensive fulgurante, occupant plusieurs localités du Nord-Kivu, avant d’étendre ses opérations au Sud-Kivu.
Les autorités congolaises accusent Kigali de soutenir activement ce groupe rebelle, dans le but de maintenir un contrôle indirect sur les riches ressources minières de la région. Le Rwanda, de son côté, nie toute implication. Mais pour Jean-Jacques Purusi Sadiki, il ne fait aucun doute que le conflit est piloté de l’extérieur : « Cette guerre que nous avons aujourd’hui est la 117ᵉ que le Rwanda nous impose, et ils n’en ont jamais gagné une seule », affirme-t-il, en invoquant l’histoire.
« La plupart de leurs rois ont été liquidés par le roi de Bushi. Donc, nous allons gagner cette guerre politiquement, diplomatiquement et militairement », insiste le gouverneur. Et d’ajouter : « Les quinze dernières années, il y avait le M23, le CNDP, le RCD… Ils étaient parvenus jusqu’à Goma et Bukavu. Est-ce qu’ils y sont restés ? Non. Donc, ils finiront par quitter le sol congolais ».
Un appel à la mémoire et à la mobilisation
Le discours du gouverneur prend des accents historiques, presque épiques. Il fait appel à la mémoire collective et à la résistance congolaise pour galvaniser la population. Pour lui, l’issue de ce conflit ne fait aucun doute, d’autant que le pays, selon lui, a désormais un Président déterminé à affronter les vérités les plus dures. « Pour la première fois, nous avons un chef de l’État, Félix Tshisekedi, soutient-il, qui a le courage de dire la vérité en face ».
Au-delà des armes, le gouverneur mise sur l’unité des peuples de la région des Grands Lacs. Malgré l’ampleur du conflit, il garde foi dans un avenir commun entre Congolais, Rwandais, Burundais et Ougandais. « Si des citoyens rwandais, ougandais et burundais veulent la paix, nous allons tous nous mettre ensemble pour que la paix revienne. Parce que nous sommes voisins à vie et nous devons continuer à vivre ensemble », martèle-t-il.
L’ombre persistante des conflits dans les Kivu
Depuis plus de deux décennies, l’est de la RDC est ravagé par des conflits à répétition. Après les grandes guerres africaines des années 1990 et 2000, la région n’a jamais connu de paix durable. Plusieurs groupes armés locaux et étrangers — dont les FDLR, les ADF ou les Maï-Maï — continuent d’y semer la terreur. Le M23, malgré sa prétendue dissolution en 2013, a toujours été en embuscade. Son retour en force ces dernières années marque l’échec des processus de paix successifs, et souligne l’incapacité des Nations Unies, dont la MONUSCO est toujours présente, à stabiliser la région.
Le cri d’alarme du gouverneur Jean-Jacques Purusi Sadiki est un témoignage de la souffrance d’un peuple, mais aussi de sa résilience. Face à ce qu’il qualifie de nouvelle agression rwandaise, il refuse la résignation. Il promet que, comme par le passé, l’occupant sera chassé, et que le peuple congolais se relèvera.