RDC : Kinshasa appelle à l’action après l’annonce du cessez-le-feu du M23 à Goma


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Des rebelles du M23
Des rebelles du M23

Les autorités congolaises ont réagi vivement à l’annonce du cessez-le-feu unilatéral décrété par le M23, et appelé à des actions concrètes. Kinshasa insiste sur le retrait immédiat des rebelles de la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC).

Ce cessez-le-feu, proclamé pour des raisons humanitaires après deux semaines de combats acharnés pour le contrôle de Goma, a suscité de vives critiques de la part du gouvernement congolais, qui exige des garanties réelles avant de pouvoir envisager une désescalade.

Le M23 annonce un cessez-le-feu sous condition

Le lundi 3 février 2025, les rebelles du M23 ont annoncé un cessez-le-feu à partir du 4 février, justifié par des considérations humanitaires. Leur objectif déclaré était de permettre l’accès humanitaire et de faciliter la fourniture d’aide aux populations touchées par les combats. Toutefois, les autorités congolaises demeurent sceptiques face à cette déclaration, non sans souligner que des actions concrètes doivent suivre les paroles. La ministre des Affaires étrangères de la RDC, Thérèse Kayikwamba Wagner, a insisté sur la nécessité de preuves tangibles que ce cessez-le-feu ne soit pas une solution de façade.

Interrogée par la chaîne sud-africaine Newzroom Afrika, la ministre a précisé que la démilitarisation de Goma et le retrait des forces rebelles et rwandaises seraient les premières étapes nécessaires pour instaurer une réelle paix. Elle a également mis en évidence les effets dévastateurs du conflit, notamment le blocage des infrastructures essentielles comme l’approvisionnement en eau et en électricité. Le gouvernement congolais accuse le M23 et les forces rwandaises de couper toutes les routes menant à Goma, ce qui exacerbe la crise humanitaire dans la région.

Le scepticisme du gouvernement congolais

Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, n’a pas tardé à qualifier le cessez-le-feu du M23 de « communication mensongère », estimant que cette annonce ne changeait rien à la situation sur le terrain. Pour lui, la seule chose qui puisse ramener la paix à Goma est le retrait complet des forces rebelles. Les affrontements entre l’armée congolaise et les rebelles du M23 ont déjà fait un lourd bilan : plus de 900 morts et près de 3 000 blessés, selon les Nations unies.

Le M23, groupe rebelle composé principalement de Tutsis congolais, s’est déjà illustré dans le passé par sa capacité à déstabiliser la région du Kivu, en particulier depuis sa reprise des hostilités en 2022. L’un des éléments clés du conflit reste l’implication présumée du Rwanda, accusé par Kinshasa de soutenir activement le M23 dans le but de sécuriser l’accès aux ressources naturelles stratégiques de la région.

Le rôle du Rwanda dans le conflit

Le Président rwandais Paul Kagame a, de manière récurrente, nié les accusations de soutien militaire au M23, et ce, malgré les rapports des Nations unies qui pointent l’implication directe de Kigali dans le financement et l’approvisionnement des rebelles. Interrogé lors d’une interview avec CNN, Kagame a déclaré ne pas savoir si des troupes rwandaises étaient présentes en RDC, mais il a affirmé que le Rwanda serait prêt à se protéger si ses intérêts étaient menacés. Cette réponse ambiguë a alimenté les tensions entre les deux pays voisins.

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Le Rwanda, de son côté, se défend en affirmant que le M23 est avant tout un mouvement interne congolais, dirigé par des Congolais, bien que ses membres parlent principalement le kinyarwanda. Kigali met en avant le fait que le M23 est issu des frustrations des Tutsis congolais face aux discriminations et persécutions qu’ils subissent en RDC, tout en rejetant l’idée d’une ingérence rwandaise dans les affaires internes congolaises.

Aux origines du M23 et ses ambitions

Le M23 a été formé en 2012 par des militaires dissidents de l’armée congolaise, après une série de révoltes liées à des problèmes internes au sein des forces armées congolaises. Après une brève offensive, le groupe a été repoussé en 2013 grâce à l’intervention des Casques bleus de la MONUSCO et de l’armée congolaise. Cependant, le groupe a repris les armes en 2022 et a rapidement conquis plusieurs localités dans le Nord-Kivu, notamment autour de Goma, une zone stratégique en raison de ses ressources naturelles et de sa proximité avec les frontières du Rwanda et de l’Ouganda.

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Kinshasa et ses alliés accusent régulièrement le Rwanda de soutenir les rebelles du M23 dans une tentative de prendre le contrôle des ressources minières de l’Est de la RDC, une région riche en minerais précieux comme le coltan, le cobalt et l’or. Ces accusations se basent sur des rapports d’agences onusiennes et des témoignages de déserteurs rwandais qui ont révélé des liens directs entre les autorités de Kigali et le M23.

Une paix fragile à Goma

Le conflit en RDC ne se limite pas aux seuls affrontements entre l’armée congolaise et les rebelles du M23. L’implication d’autres acteurs régionaux comme le Rwanda, mais aussi l’Ouganda et le Burundi, contribue à rendre plus complexe une situation déjà explosive. Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Jean Patrick Nduhungirehe, a récemment accusé que la RDC était en train de bâtir une large coalition contre le Rwanda, en incluant des milices comme les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), un groupe hutu rwandais accusé de génocide.

En attendant le retrait des rebelles et la mise en œuvre effective du cessez-le-feu, la situation à Goma reste précaire. Le cessez-le-feu annoncé par le M23 est attendu pour faire ses preuves. Kinshasa, pour sa part, demeure inflexible dans sa demande de retrait total des rebelles.

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