RDC, Katumbi sur Twitter : « Je suis candidat et j’irai jusqu’au bout »


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Il a choisi une date symbolique pour l’organiser. Ce 19 août 2016, soit un mois jour pour jour avant le 19 septembre, date prévue par la Constitution pour la convocation du corps électoral en vue de l’élection présidentielle en RDC. Mais que retenir, au final, de cette nouvelle séance de questions-réponses de Moïse Katumbi sur Twitter ? Trois thèmes ont émergé : le drame de Beni, les mesures à prendre pour le développement du pays et, surtout, les questions politiques, prédominantes en cette période pré-électorale.

Quand Moïse Katumbi rentrera-t-il au pays ? Que faire si Joseph Kabila tente de se maintenir au pouvoir ? Et quid d’une possible candidature unique de l’opposition ? Voici, en quelques tweets, les principales réponses de l’un des grands favoris de l’élection présidentielle à venir au Congo-Kinshasa.

Symboliquement, cette nouvelle session de questions-réponses #AskMoïse, un exercice auquel seul Moïse Katumbi se livre au sein de la classe politique RD congolaise, s’est ouverte sur Beni, ville meurtrie de l’Est de la RDC dont la population est victime de massacres à répétition depuis octobre 2014 dans des circonstances très troubles. « Avant tout, je compatis encore avec la population. Il faut en finir avec l’armée business » qui « compte des officiers véreux », s’est-il exclamé avant d’ajouter que « seule une armée républicaine, avec des soldats bien payés et des officiers intègres, restaurera la paix », disant ainsi tout haut ce qu’une bonne partie de la classe politique, y compris au sein de la majorité présidentielle, pense tout bas. Mais pas de véritable sécurité sans justice. « Les coupables doivent être condamnés », avertit Moïse Katumbi. « Nous allons saisir les instances nationales et internationales pour cela, la CPI notamment qui doit enquêter », a-t-il précisé avant de conclure : « le djihadisme est une menace mondiale mais non, il n’y en a pas en RDC comme le fait croire le gouvernement ». Un constat que les experts de la région considèrent comme d’évidence.

L’esquisse d’un projet de société

Les questions de fond, relatives à son projet de société, qui préfigurent sans doute les contours d’un futur programme de campagne, ont elles aussi été abordées de manière préférentielle. « L’élection présidentielle est pour bientôt. Il est normal, compte tenu de ce calendrier, de voir les candidats éventuels affiner leur programme. Ne pas le faire serait acter, voire cautionner, un glissement du calendrier électoral qui est inconstitutionnel », analyse un professeur de sciences politiques kinois. Justement, quelles sont les priorités de Moïse Katumbi pour assurer le développement de la RDC ? Education, emploi, entrepreneuriat, infrastructures de transport, logements sociaux, traitement des déchets (une question redevenue prégnante à Kinshasa depuis quelque temps), tout y passe ou presque. Les réponses sont précises et assurées, en dépit de la limite des 140 signes imposée par Twitter (en particulier sur la gratuité de l’enseignement primaire, la construction de logements sociaux ou la salubrité publique).

Concrètement, Moïse Katumbi entend « construire une société plus juste et pacifiée dans laquelle chaque Congolais doit pouvoir penser, s’exprimer, voter, entreprendre librement. Cela passe notamment par l’instauration de l’Etat de droit, un meilleur partage des richesses, la lutte contre la corruption, l’accès aux services de bases (eau, énergie, santé, école), la diversification de l’économie, l’industrialisation, l’accès à l’éducation, à la microfinance ou encore à l’emploi ». Et le président du Tout Puissant Mazembe de préciser : « nos richesses doivent être mieux exploitées et mieux partagées, au bénéfice du plus grand nombre. Il faut trouver le bon équilibre entre investissements internationaux et opérateurs nationaux, en réservant notamment la sous-traitance aux jeunes du pays ». En somme, l’efficacité économique combinée à la justice sociale.

Voilà pour l’objectif. Quant à la méthode, Moïse Katumbi s’est évertué à rappeler celle qui a fait son succès lorsqu’il était Gouverneur. « Au Katanga, nous avons signé des contrats de nantissement de nos recettes entre l’Etat, les sociétés minières et les entrepreneurs afin de réaliser de grands travaux. Nous pouvons reproduire ce modèle au niveau national avec tout type d’entreprise, exploitantes de bois ou de pétrole par exemple. Le préfinancement est possible avec un gouvernement crédible et responsable. Nous l’avons expérimenté au Katanga ». Katumbi a enfin rappelé le rôle économique moteur que pourrais jouer, demain, les secteurs de l’agriculture et du tourisme dans une RDC pacifiée, tout en insistant sur la place à faire aux femmes et aux jeunes (développement de l’enseignement technique et professionnel, de l’esprit entrepreneurial, etc.).

« Si les Congolais me font confiance, je leur montrerai qu’une RDC meilleure, plus juste, prospère et démocratique, est possible », a-t-il promis, rappelant au passage son bon bilan en tant que Gouverneur de la plus riche des provinces en RD Congo : « notre action au Katanga a permis à la province de redevenir le poumon économique du pays grâce à la promotion de la bonne gouvernance ». D’ailleurs, « quand je suis arrivé au Katanga, il n’y avait rien. Nous nous sommes mis au travail sans nous plaindre et sommes devenus les premiers contributeurs » au budget national, répondant ainsi aux accusations de l’actuel gouverneur du Haut-Katanga, Jean-Claude Kazembe. Pour cet expert de la vie politique congolaise, « qu’on partage ou pas ses idées, au moins Katumbi en a et les met en avant. Il avait un bilan à la tête du Katanga. Il a désormais un programme pour diriger la RDC. En tout cas, si sa candidature était confirmée, Moïse Katumbi semblerait fin prêt à diriger la RDC ».

L’après 19 décembre ?

D’avenir politique, il en a été question. Beaucoup même. C’est d’ailleurs surtout sur ces questions que Moïse Katumbi, contraint temporairement à l’exil pour des raisons médicales et judiciaires, était attendu. Et il n’a visiblement pas déçu à en juger aux multiples réactions de soutien sur Twitter. « Que faire si Joseph Kabila cherche à se maintenir au pouvoir au-delà de 2016, au mépris de la Constitution ? », lui ont demandé plusieurs twittos. « Notre Constitution a prévu l’alternance. Si le Président Kabila ne la respecte pas, nous activerons l’article 64 qui nous oblige à faire échec à la dictature ». Des mots forts. Mais que faire dès lors en pareille situation ? « Nos actions pour éviter cela ont commencé et se poursuivent. Il est encore temps pour Joseph Kabila de partir, de sortir par la grande porte. Sinon, avec la population, nous le feront plier. » Mais, insiste-t-il, « nous avons besoin de la mobilisation du peuple et d’une lutte pacifique. Le sang a assez coulé en RDC », rappelant ainsi que sa lutte était pacifique et qu’elle s’inscrivait dans le cadre de l’Etat de droit.

Vers une candidature unique de l’opposition ?

Et quid d’une éventuelle candidature unique de l’opposition ? « Le mieux placé nous amènera à la victoire. La priorité est de mettre l’intérêt du pays devant celui des individus », tranche-t-il. Au passage, Vital Kamerhe a-t-il fait défection de l’opposition ? « Défection ? Je ne pense pas. L’UNC avec Jean-Bertrand Ewanga était bien représentée à Genval dans le cadre du Rassemblement », a-t-il fait remarquer. Au sujet du dialogue, le Rassemblement a d’ailleurs « fixé les conditions de notre participation. Le dialogue doit porter sur l’organisation de l’élection présidentielle ». Point.

N’éludant aucune question, il confirme qu’il n’y a « jamais eu de deal » avec Joseph Kabila en vue d’une éventuelle transmission du pouvoir entre les deux hommes. « Nous espérions que ce deuxième et dernier mandat serait bénéfique pour la population et le pays mais hélas… ». Une allusion qui ne laisse aucune place au doute, avant un petit tacle à l’adresse du porte-parole du Gouvernement : « mon éducation de base ne me permet pas d’entrer dans de telles bassesses », en référence aux nombreuses petites phrases distillées dans le débat public par le ministre RD congolais de la Communication, qui font naître la polémique. « Les insultes sont les armes des faibles. Le grand frère Mende doit savoir qu’il y a une jeunesse qui nous regarde et nous juge. Montrons le bon exemple », a-t-il sagement rappelé à celui dont l’expression publique est parfois – certains diront souvent – déplacée.

Quand rentrerez-vous ?

Enfin, « quand rentrerez-vous au pays ? », lui ont demandé les twittos avec insistance ? « Je reviens bientôt », a-t-il répondu tout de go. Mais ne redoute-t-il pas en ce cas d’être jeté en prison ? « Le procès politique et grotesque n’affecte ni ma candidature ni mon prochain retour au pays », a-t-il prévenu, martelant : « je suis candidat et j’irai au bout. C’est mon droit de citoyen congolais ». Et d’insister : « je serai bientôt de retour ».

Au final, deux heures et des réponses claires et tranchées qui ont permis à celui que Joseph Kabila considère comme l’opposant le plus dangereux d’afficher toute sa confiance et sa détermination. Mais aussi, au passage, de faire taire les rumeurs sur son état de santé (« je vais bien. Comme promis, je rendrai publics les résultats le moment venu », en faisant référence à l’agression à la seringue infectée dont il a été victime en juin dernier).

« Nous sommes un grand peuple qui sommeille. L’heure du réveil a sonné. J’ai foi en notre avenir en tant que nation ! », a conclu celui dont la popularité ne semble guère avoir été entachée par cet exil subi. Avant d’ajouter : « je suis accessible comme cette séance de questions-réponses le montre. J’aime l’échange direct ». En RDC, le bras de fer en vue de l’élection présidentielle se poursuit. Et le régime du Président Kabila n’aura pas la partie facile. De la démocratie virtuelle à la démocratie réelle, il n’y a qu’un pas que Moïse Katumbi semble bien décidé à faire franchir à son pays… dans les délais.

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