
L’ancien Président congolais, Joseph Kabila, est arrivé ce vendredi à Goma, capitale du Nord-Kivu, marquant son retour officiel en République démocratique du Congo après plus d’un an passé en Afrique australe. Un retour hautement symbolique, dans un contexte marqué par une grave crise sécuritaire à l’est et une crispation politique croissante à Kinshasa.
Comme annoncé il y a quelques semaines, Joseph Kabila est rentré dans son pays. C’est à Goma, capitale du Nord-Kivu sous contrôle du M23 qu’il a déposé ses valises.
Un retour annoncé dans un climat de crise
Dans une déclaration datée du 8 avril, transmise notamment à RFI, Joseph Kabila avait annoncé son retour « sans délai » au pays. Il justifiait cette décision par « la dégradation de la situation sécuritaire » et « la déliquescence » des institutions congolaises. « Il y a péril en la demeure », avait-il affirmé, indiquant vouloir entamer son retour par l’est du pays, région historiquement instable et aujourd’hui à nouveau le théâtre de combats intenses.
Selon des sources proches de l’ancien Président, Joseph Kabila a transité par Kigali avant de rejoindre Goma. Son arrivée a été confirmée à Actualite.cd et RFI par son entourage, qui précise qu’il devrait y rester plusieurs jours, voire plus, afin de « prendre le pouls » de la situation.
Nord-Kivu : une région en feu
Le Nord-Kivu est actuellement en proie à de violents affrontements entre les FARDC et les rebelles de l’AFC/M23, soutenus selon Kinshasa par le Rwanda voisin. Goma, ville stratégique, est aujourd’hui sous tension permanente, avec des milliers de déplacés, une économie locale en berne, et un climat d’incertitude permanent.
Le retour de Joseph Kabila dans cette zone sensible soulève de nombreuses interrogations plus ou moins légitimes. Pour ses partisans, il s’agit d’un geste fort, d’un « retour au front » pour un homme qui se présente comme un défenseur de l’unité nationale. Pour ses détracteurs, ce retour pourrait attiser les tensions et alimenter la méfiance, alors que le spectre d’un lien supposé entre Kabila et les groupes armés, notamment le M23, continue de planer.
En mars dernier à Johannesburg, l’ex-chef d’État avait fermement rejeté ces accusations, les qualifiant d’« infondées ». Face à l’ancien Président sud-africain Thabo Mbeki, il avait plaidé pour une « approche endogène » de la résolution de la crise congolaise, critiquant la dépendance de Kinshasa aux médiations étrangères.
Un retour aux ambitions politiques ?
Le retour de Joseph Kabila intervient alors que son parti, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), vient de célébrer son 23e anniversaire. Bien que largement affaibli depuis la défaite électorale de 2018, le PPRD affiche désormais une volonté de relance. Plusieurs figures historiques du mouvement ont récemment multiplié les apparitions publiques, et des comités locaux ont été réactivés à travers le pays.
Ce timing interroge. Certains observateurs y voient les prémices d’un retour en force sur la scène politique de celui qui avait jusqu’ici choisi de se mettre en retrait, après avoir passé 18 ans à la tête de l’État. D’autres y perçoivent une manœuvre pour peser sur les futures échéances électorales ou pour se poser en recours face à un pouvoir qu’il accuse désormais d’échec.
Kabila – Bemba : une rivalité ravivée
Cette réapparition de Joseph Kabila dans l’arène nationale survient alors que les tensions entre Jean-Pierre Bemba, ancien vice-Premier ministre chargé de la Défense et figure influente du régime de Félix Tshisekedi, et lui s’exacerbent. En déplacement à Kikwit il y a quelques jours, Jean-Pierre Bemba a frontalement accusé l’ancien Président d’implication dans les violences armées à l’est, promettant de « dévoiler des preuves irréfutables ».
Ces accusations relancent une rivalité ancienne entre les deux hommes, déjà adversaires à l’élection présidentielle de 2006. Si Bemba incarne aujourd’hui l’un des piliers du pouvoir en place, Kabila pourrait tenter de réactiver ses réseaux politiques, militaires et économiques pour reconquérir une influence significative dans les mois à venir.
Un tournant pour la RDC ?
Le retour de Joseph Kabila à Goma s’inscrit dans un moment charnière pour la RDC. Entre l’enlisement du conflit dans l’est, les tensions politiques à Kinshasa et une économie en difficulté, le pays semble à la croisée des chemins. La figure de Kabila, clivante et controversée, pourrait bien rebattre les cartes d’un jeu politique déjà instable.
Reste à savoir si son retour sera celui d’un homme d’État soucieux de contribuer à la paix, ou celui d’un ancien Président en quête de revanche.