La signature de l' »arrangement particulier » dans le cadre des négociations directes entre majorité et opposition se fait toujours attendre en RDC. Quatre principaux points de blocage persistent. Conséquence : la mise en oeuvre de l’accord politique du 31 décembre 2016 se fait toujours attendre. Au grand dam de la population et de l’opposition RD congolaises et pour le plus grand bonheur de la MP et… du Président Kabila, principal bénéficiaire – et responsable – de ce « glissement dans le glissement ».
En RDC, la MP joue avec les nerfs de l’opposition. Quatre points de blocage subsistent. De fait, ils interdisent la mise en oeuvre effective de l’accord de la Saint Sylvestre, signé aux forceps, qui a permis jusqu’à présent d’éviter le scénario du pire en RDC.
Quels sont les points de divergence entre majorité et opposition ?
Le premier concerne le mode de désignation du Premier ministre. Selon l’accord du 31 décembre, celui-ci est désigné dans les rangs du Rassemblement et nommé par le Président. Mais la majorité insiste pour que l’opposition présente cinq candidats, à charge pour le chef de l’État de désigner l’heureux élu.
Le second point de désaccord porte sur la répartition des portefeuilles ministériels, notamment des postes régaliens (intérieur, défense, justice, affaires étrangères) mais aussi d’autres tout aussi stratégiques (mines, finances).
Le troisième point de dissensus entre MP et opposition – et non des moindres – est la question du maintien de la Cenco comme médiateur. La majorité souhaite que le travail des évêques s’arrête après la mise en place de l’accord de la Saint Sylvestre. Pour l’opposition, la Cenco doit accompagner la transition comme modératrice jusqu’à la tenue effective des élections.
La quatrième point de blocage a trait au chronogramme de la mise en oeuvre de l’accord : de la mise en place des mesures de decrispation politique jusqu’à la tenue des élections, en passant par l’installation du nouveau gouvernement, du comité de suivi de l’accord, etc. L’opposition fait tout pour tenir les délais. La MP, à l’inverse, s’ingénie à gagner du temps.
Qui sont les responsables du blocage ?
À Kinshasa, certains voudraient rejetter la faute de ces atermoiements sur la classe politique dans son ensemble. Une manière de faire porter le chapeau à l’opposition. D’autres se montrent plus précis et pointent la responsabilité de la MP et de son aile dure en particulier. « En réalité, l’unique responsable de cette perte de temps est le Président Kabila lui-même. La MP ne fait qu’exécuter ses volontés », analyse un Ambassadeur en poste dans la capitale RD congolaise.
De fait, à qui profite le crime ? À Joseph Kabila lui-même. D’une part, ces manoeuvres dilatoires lui permettent de jouer la montre et de se maintenir au pouvoir au-delà des délais impartis. D’autre part, le fait de constater un « échec » dans les négociations au sein de la « classe politique » (comme s’il n’en faisait pas partie…) lui permet de remettre au goût du jour sa grande idée : organiser un référendum ; officiellement, pour débloquer la situation ; officieusement, pour pouvoir briguer un nouveau mandat.
Pour parfaire ce stratagème, une réunion s’est tenue hier après-midi à l’Hôtel du fleuve de Kinshasa en présence notamment de Lambert Mende, d’Emmanuel Shadary Ramazani, d’André Kimbuta ou encore d’Aubin Minaku. L’objectif : s’accorder sur la stratégie de blocage à mettre en oeuvre le soir afin de ne pas signer l’arrangement particulier, suivant la volonté du Président Kabila lui-même. Le chef de l’État RD congolais qui, au passage, a refusé de rencontrer les évêques de la Cenco en dépit de leurs demandes d’audience répétées. « Le Président est dans une tour d’ivoire. Il refuse d’écouter – et même de voir – toute personne qui ne plaide pas dans le sens de l’organisation d’un référendum », s’inquiète un de ses proches. Le Président congolais Denis Sassou Nguesso, qui tente de faire entendre raison à son homologue, l’a vérifié à ses depens il y a quelques jours. Présent à Kinshasa dans le cadre d’une visite privée, Joseph Kabila a tout bonnement refusé de le recevoir…
En attendant, deux proches de Joseph Kabila, Kikaya Bin Karubi, son sherpa, et Solange Ghonda, une ex-ambassadrice des enfants auprès de la présidence, tentent de convaincre sur le terrain diplomatique les partenaires de la RDC de la pertinence d’un référendum pour décanter la situation.
Et maintenant ?
Il y a trois scenarii possibles.
Le premier est un dépassement des divergences entre la MP et l’opposition et la conclusion d’un arrangement dans une semaine, après la reprise par la Cenco de sa médiation.
Le second scénario possible, qui a les faveurs du Président Kabila, verrait la MP gripper les négociations pour parvenir à un point de rupture dans les négociations avec l’opposition. Dans l’esprit de ses promoteurs, la seule option possible pour sortir de la crise serait alors un recours au peuple par la voie du référendum.
La troisième option, quant à elle, serait la mise en oeuvre par l’opposition de l’article 64 de la Constitution et l’appel à la mobilisation populaire pour faire échec à ce projet de référendum et contraindre le pouvoir à appliquer les dispositions de l’accord de la Saint Sylvestre. En parallèle, la Communauté internationale renforcerait ses sanctions à l’encontre des dignitaires du régime de Kinshasa.
Climat tendu à nouveau
« Le climat économique est inquiétant », s’inquiète un dirigeant d’une grande banque en poste à Kinshasa. « Les investissements sont gelés et les Congolais ont perdu 30 % de pouvoir d’achat à cause d’un taux de change franc congolais-dollar très défavorable. Mais », conclut-il, « il y a pire. Le climat politique est, lui, carrément angoissant ». En effet, Joseph Kabila ne semble pas décidé à quitter le pouvoir. Pour cela, il apparaît de plus en plus clairement qu’il mettra tout en oeuvre pour torpiller l’accord politique du 31 décembre 2016.