
En République démocratique du Congo, la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) d’interdire toute diffusion ou relais des communications émanant du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) provoque une onde de choc. Cette mesure, qui vise directement l’ancien président Joseph Kabila et ses partisans. La décision est décriée par les défenseurs de la liberté de la presse et les organisations de la société civile.
À l’heure où le climat politique se tend, cette interdiction est perçue par beaucoup comme un dangereux précédent pour la démocratie congolaise.
Une suspension médiatique aux allures de censure politique
Le 3 juin, le CSAC a annoncé une mesure inédite. Tous les médias ont interdiction, pour 90 jours, de relayer les propos du PPRD et de Joseph Kabila. Cela concerne aussi bien les médias publics, privés que numériques. Officiellement, cette décision viserait à prévenir des déclarations jugées subversives, notamment après le déplacement de Kabila à Goma et son appel à un « pacte citoyen » dans une région déjà fragilisée par la crise du M23. Le président du CSAC, Christian Bosembe, assure que cette interdiction ne concerne que les communications politiques liées au parti suspendu. Pourtant, la frontière entre information et opinion devient ici particulièrement floue.
RSF et la société civile dénoncent un glissement autoritaire
Reporters sans frontières (RSF) s’est rapidement insurgé contre cette mesure. L’organisation a dénoncé une atteinte grave à l’équilibre de l’information. Selon Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique de l’organisation, cette décision du CSAC confirme une tendance inquiétante en RDC : celle d’une censure administrative de plus en plus arbitraire. Depuis avril 2024, l’organe de régulation multiplie en effet les restrictions. ll a interdit la couverture de l’actualité à l’Est sans validation par des sources officielles. Pour RSF, la suspension des activités d’un parti ne devrait pas se traduire par un effacement total de sa parole dans l’espace médiatique.
Une décision jugée illégale et discriminatoire
L’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho) va plus loin encore. Son président, Jean-Claude Katende, dénonce une décision « arbitraire » et « un règlement de comptes contre un camp politique ». Il rappelle que le PPRD, bien que suspendu, n’est pas dissous. Il affirme également que ses membres ont toujours le droit de s’exprimer sur la vie politique nationale. En restreignant leur accès aux médias, le CSAC ne fait pas que limiter, selon lui, la parole politique.
Vers une démocratie à géométrie variable ?
Cette interdiction intervient dans un contexte où Joseph Kabila voit son immunité parlementaire levée et où des poursuites pour crimes de guerre ou trahison sont évoquées. Pour de nombreux observateurs, le timing de cette suspension médiatique ne doit rien au hasard. La manœuvre semble viser à étouffer toute riposte politique de l’ancien président. Dans une démocratie déjà fragilisée par les tensions régionales et les accusations de collusion entre élites et groupes armés, cette décision du CSAC fait craindre un basculement vers une communication à sens unique, au détriment du débat public.