RDC : étrange cérémonie d’obsèques pour les 28 victimes des inondations de Kinshasa


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Après plus d’un mois d’attente, c’est finalement hier, lundi 13 janvier, que les dernières 28 victimes des inondations ayant frappé Kinshasa à la suite des pluies diluviennes qui se sont abattues sur la ville, dans la nuit du 25 au 26 novembre 2019, ont été inhumées. Tout s’est passé sous le contrôle strict de l’Etat qui a tenu à l’écart les proches des victimes, augmentant ainsi la douleur déjà vive chez les familles endeuillées.

Ils étaient au total 54 personnes à avoir péri dans les inondations et les éboulements qui ont frappé la capitale congolaise, dans la nuit du 25 au 26 novembre 2019. Quelque 26 parmi elles avaient été inhumées par leurs proches, quelques jours après la catastrophe. Mais les autorités avaient mis la main sur les 28 derniers corps gardés à la morgue, avec interdiction pour leurs familles de s’en approcher. Ce sont ces autorités qui ont décidé d’organiser les funérailles hier, lundi. Là encore, les choses ne se sont pas passées comme l’auraient souhaité les familles. « On n’était même pas prêts. On nous a informés aujourd’hui. Cela nous fait mal », a confié un des membres d’une famille de victimes.

Pis, l’attente a été très longue en cette journée du lundi 13 janvier pour ces familles de victimes sous des tentes installées au funérarium du centre de formation de la police militaire. Alors qu’elles attendaient depuis le début de la journée, ce n’est qu’en milieu d’après-midi que quatre camions de la police ont fait leur apparition avec à bord les 28 cercueils, sous l’escorte d’agents de la Croix-Rouge, bouche et nez protégés. « Les corps sont déjà en état de décomposition, ils étaient mal conservés, ils ne doivent plus traîner ici », a laissé entendre un de ces agents.

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Tout se passe très vite. Allocutions du vice-ministre de l’Intérieur et du vice-gouverneur de Kinshasa. Dépôt de gerbes par les autorités, les éléments de la Croix-Rouge, devant les familles des victimes à qui ce privilège a été refusé. Un père de famille qui a perdu deux filles dans la catastrophe fulmine, sa gerbe en main : « Ces gens sont fous ou quoi ? Ils nous interdisent même de déposer ne fût-ce que des fleurs. Donc on pleure des gens qu’on ne voit même pas. Rien ne nous prouve que ce sont les nôtres qui sont dans ces petits cercueils, les ont-ils jetés dans le fleuve ? On ne sait pas ».

Partout, c’était la colère et la désolation parmi les proches des victimes. « L’Etat a trop mal organisé. Nous étions prêts nous-mêmes à inhumer nos proches et voilà comment ça se passe : des cercueils de pacotille pour des gens qui nous sont chers. Nous sommes en train de pleurer des gens que nous ne voyons pas. Ce sont peut-être d’autres gens, qui sait ? Nous ne sommes pas du tout contents », a lâché une jeune dame hors d’elle.
C’est au cimetière de Mbenseke que l’inhumation a été effectuée par les éléments de la Croix-Rouge, au soleil couchant. A la fin de cette cérémonie expéditive et curieuse, aucune des autorités présentes n’a voulu se confier à la presse.

En général, lorsque la famille prend sur elle d’organiser les obsèques de ses enfants victimes d’une catastrophe, c’est pour leur rendre hommage et les honorer. Mais dans le cas de ces 28 morts, rien n’a été normal, depuis la conservation des corps jusqu’à l’ultime cérémonie qui a précédé la mise en terre. Toutes les autorités se sont fait représenter: le ministre de l’Intérieur et le gouverneur de Kinshasa, chacun par son adjoint.

Pourquoi l’Etat congolais a-t-il alors pris sur lui d’organiser les obsèques si c’est pour augmenter la douleur des familles ? N’aurait-il pas mieux fait de laisser les parents de ces 28 victimes procéder à l’inhumation de leurs proches comme cela a été le cas pour les 26 premières personnes enterrées ?

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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