Joseph Kabila capitalise sur les résultats de négociations de Pretoria. Il avait promis la paix pour 2002. C’est fait chose faite. In extremis. Une paix que tout le monde attendait mais qui laisse encore en suspend d’importantes questions pratiques.
L’homme le plus heureux après la signature de l’accord de Pretoria se nomme Joseph Kabila. Fils de son père, Laurent Désiré Kabila, celui-là même qui avait signé les accord de Lusaka, savoure les fruits du processus de paix. » L’année 2002 sera l’année du retour à la paix » avait-il promis ou prophétisé. C’est pratiquement fait. Promesse tenue. La paix va pouvoir revenir, quatre années après une guerre atroce et meurtrière. Les Congolais attendent de voir pour y croire. Des signes d’une probable désescalade poussent déjà à l’optimisme.
A Kinshasa, le dollar a connu une dégringolade en passant, mercredi dernier de 400 à 340 francs congolais. Signe d’une chute de tension politique. Derrière sa petite table, Jadot Mansoni, un jeune cambiste avoue ne rien comprendre du lien qui existerait entre les événements politiques et le taux du dollar: » Depuis deux semaines, dit-il, le dollar ne faisait que monter, au jour le jour, alors que les politiciens allaient de blocages en blocages à Pretoria. Depuis vingt-quatre heures, d’une manière inexpliquée, le même dollar perd sa valeur pratiquement à la même vitesse. On dit que c’est à cause de ce qui se passe à Pretoria « . L’accord prévoit une période de transition de deux ans au bout de laquelle se dérouleront des élections à tous les niveaux. Joseph Kabila reste président de la république. Il sera secondé par quatre vice-présidents qui chapeauteront chacun une série de ministères. L’accord a été obtenu à l’arrachée après plusieurs prolongations. Il était 2 heures du matin, le 17 décembre 2002 à Pretoria.
L’intérêt de la nation
Beaucoup de Congolais doutaient de la capacité des hommes politiques à privilégier les intérêts de la nation par rapports à leur propres intérêts. La longue et pénible marche vers la paix a commencé à Lusaka après que chacun des belligérants ait fait le constat que la solution à la crise congolaise n’était plus militaire. D’où la série des négociations politiques dans différentes villes : Gaborone (Botswana), Addis-Abeba (Ethiopie), Sun City (Afrique du Sud) et enfin, Pretoria. » La pression pesait tellement sur nos les épaules « , a déclaré Vital Kamhere, le chef de la délégation gouvernementale à Pretoria. » Pression intérieure exercée par notre propre conscience et par la population qui a tant souffert des quatre années de guerre, mais aussi pression extérieure des bailleurs des fonds qui subordonnaient la libération des fonds aux résultats des négociations politiques. Au gouvernement, nous n’avions pas beaucoup de choix « .
Quatre années de guerre ajoutées aux deux années de la guerre dite de libération qui a renversé le maréchal Mobutu ont fini par fatiguer les Congolais. A Zongo, une petite bourgade située à 1 500 km de Kinshasa, province de l’Equateur sous occupation du Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, l’attention de la population était également focalisée sur Pretoria. » Pourvu qu’ils signent l’accord « , avait déclaré, lundi, le maire de la ville, M. Julien Zonga. » Quatre années de brousse, loin de nos familles à Kinshasa, c’est trop « . L’accord est maintenant signé. Le pays est logiquement réunifié.
Tout de même sceptiques
Reste le côté pratique. En dépit d’un optimisme généralisé, beaucoup de Congolais ne cachent pas leur scepticisme quant à l’applicabilité de l’accord sur le terrain. Ils craignent que le schéma politique adopté à Pretoria ne se révèle être qu’un cheval de Troie introduit dans la ville de Kinshasa. » La question de la réunification de l’armée n’a pas été résolue, s’inquiète Esdras Bahekwa, un lieutenant de Mbusa Nyamwisi, patron du RCD/ML, une aile dissidente du RCD/Goma. Cela pose un problème de sécurité dans la ville de Kinshasa où ces différentes armées ne chercheront à obéir qu’à leurs chefs hiérarchiques respectifs « . A Pretoria, on a plus pensé postes politiques que stratégie de gouvernement. La problème de l’armée n’a en effet pas encore trouvé de solution claire. Il a été confié aux états-majors de chacune des armées pour étude.