Dans le Sud-Kivu, à Uvira, des pêcheurs n’hésitent pas à contraindre les vendeuses de poissons à avoir un rapport sexuel avec eux pour leur vendre leur marchandise. Un chantage que beaucoup d’entre elles acceptent pour subvenir aux besoins de leur famille. Mais en s’adonnant à de telles pratiques, elles risquent de contracter des grossesses non désirées et le virus du sida.
« Avant que les pêcheurs acceptent de nous en vendre, il faut coucher avec eux. » Ce témoignage d’une vendeuse de poisson au marché d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu, en République démocratique du Congo, n’en est qu’un parmi d’autres, rapporte l’agence de presse Syfia grands lacs. Prêtes à tout pour survenir aux besoins de leurs familles, elles sont nombreuses à se prostituer pour que les pêcheurs leur livre la marchandise.
« On ne vend qu’à celle qui a donné »
L’argent n’est pas toujours le nœud du problème. Qu’elles en aient ou non, les pêcheurs n’hésitent pas à mener leurs clientes à la baguette. « Parfois, on se présente chez les pêcheurs avec de l’argent. Mais malgré cela, la plupart d’entre eux nous demandent un rapport sexuel, sans lequel nous ne pouvons pas avoir de marchandise. N’ayant pas d’alternatives, certaines d’entre nous obtempèrent », explique une vendeuse. Il arrive également parfois que certaines d’entre elles, n’ayant pas le budget nécessaire pour acheter leur marchandise, la prennent à crédit. « C’est lorsqu’elles n’ont pas de quoi honorer leurs dettes que nous leur proposons l’activité sexuelle pour ne pas laisser la dette impayée », raconte un pêcheur qui préfère rester anonyme. « On ne vend qu’à celle qui a donné », ironise un autre. Les pêcheurs étant peu nombreux sur le marché face à la marée de vendeuses de poissons, ils usent délibérément de cet avantage pour les contraindre à satisfaire leur moindre désir.
N’ayant pas les moyens nécessaires pour se lancer dans une autre activité, les vendeuses de poissons, qui vivent dans une très grande précarité, cèdent au chantage. C’est le cas de Nabutu qui indique que ce métier qu’elle « exerce maintenant depuis quatre ans contribue à assumer certaines charges de ménage : achat de vivres, de vêtements et frais scolaires pour les enfants ». « Alors, si j’abandonne, qui prendra soin de moi et de ma famille ? », questionne-t-elle.
Grossesses non désirées et sida
En s’adonnant à de telles pratiques, ces femmes risquent aussi de contracter des grossesses non désirées ou le virus du sida, les rapports n’étant pas protégés. Elles se voient ainsi rejeté par la société, et répudiée par leur conjoint. En août dernier, une femme du quartier Songo, à Uvira, s’est retrouvée enceinte d’un pêcheur. Désemparé, son mari l’a congédiée, précise Syfia. « Les femmes et les hommes qui s’adonnent à ce genre de pratique courent le risque d’attraper le sida car ce sont des rapports inopinés et non protégés », prévient le docteur Claude, d’un centre hospitalier d’Uvira.
Des associations et ONG d’Uvira tente de mettre un terme à ces pratiques depuis deux mois en menant des campagnes de sensibilisation. L’ONG Cadre d’action pour le développement communautaire (CAADEC) est allée à la rencontre de 80 femmes et pêcheurs pour les inciter à s’engager dans une autre voie. L’objectif est de les emmener à gagner leur vie autrement. Un conseil que la vendeuse de poisson Vicky a suivi. Elle a abandonné ce travail estimant « déshonorant de devoir se prostituer ». Elle s’est désormais reconvertie dans l’agriculture. « Je demande toujours à mes amies de ne plus céder aux caprices des pêcheurs. Elles doivent être prêtes à abandonner le métier pour s’occuper d’autres histoires, car la vie ce n’est pas seulement vendre les poissons. »
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