En République Démocratique du Congo, les élections aux postes de gouverneurs et de vice-gouverneurs des nouvelles provinces, prévues le 26 mars prochain, font couler beaucoup d’encre. La publication des listes des candidats autorisés à s’y présenter par la commission électorale nationale indépendante (CENI) a provoqué un tollé dans les rangs de l’opposition, G7 et Dynamique de l’opposition en tête, ainsi qu’auprès de certaines organisations de la société civile qui dénoncent une CENI inféodée la majorité présidentielle.
L’objet du litige est une lettre adressée par Aubin Minaku, le Président de l’Assemblée nationale et responsable de la majorité, « enjouant » la CENI à invalider un certain nombre de candidatures de l’opposition, en particulier celles issues des rangs du G7. Pour ce faire, il s’appuie sur l’article 34 des mesures d’application de la loi électorale qui dispose qu’«un parti politique membre d’un regroupement politique (comme la majorité) ne peut présenter de liste de candidats dans une circonscription électorale dans laquelle le regroupement (des partis) a (déjà) présenté une liste.»
L’opposition, dès lors, crie au scandale. Est-ce à la Commission électorale de s’ériger en censeur à la place de la majorité elle-même qui aurait pu sanctionner ceux qui se présentent sans son consentement, se demande-t-elle ? Rejetant l’argumentaire développé par la Majorité, le G7 et la Dynamique de l’opposition, dans un communiqué de presse conjoint, dénoncent l’attitude de la CENI qui « démontre par cette décision son inféodation complète au pouvoir en place. Ce qui confirme », poursuit le communiqué, « le doute sur son indépendance ».
Forts soupçons sur l’indépendance de la CENI
Alors que ses appels à réviser le calendrier électoral afin de respecter les délais constitutionnels pour la tenue des élections sont restés lettre morte, l’opposition fustige l’attitude de la CENI qui « a préféré obtempérer aux injonctions de la majorité présidentielle et a sollicité indument, en août 2015, l’avis de la Cour constitutionnelle sur la mise en œuvre de ce calendrier dans le seul but de permettre au Gouvernement de bloquer le processus électoral et de mettre toute l’administration territoriale au service de la famille politique du Président Kabila avec la caution de la Cour constitutionnelle ».
Par ailleurs, relève le communiqué, la CENI « s’est lancée contra legae dans une campagne médiatique en faveur du dialogue convoqué par le Président Kabila ». Au demeurant, cette instance défend « la révision du fichier électoral qui devra durer, selon elle, au minimum 16 mois », note l’opposition, ce qui contrevient frontalement aux dispositions de la Constitution congolaise.
Lors d’un point presse organisé mardi 1er mars, Christian Mwando, le Président exécutif du G7, dont la figure de proue est le très populaire Moïse Katumbi, a enfoncé le clou. « La CENI a outrepassé ses compétences », a-t-il déclaré. Par son attitude, elle achève de démontrer « qu’elle n’est pas impartiale », qu’elle n’est « qu’un instrument entre les mains de la majorité ». Bref, elle n’aurait plus d’indépendante que le nom. D’ailleurs, selon Christian Mwando, cette instance se comporte comme si elle était « la commission de discipline de la majorité parlementaire », ce qui est « intolérable et inacceptable ». Et le président exécutif du G7 d’ajouter : « la communauté nationale et internationale est témoin que nous nous battons pour la démocratie ».
Christian Mwando a également mis à profit cette conférence de presse pour condamner à nouveau l’interpellation des jeunes militants de la Lucha dont la peine pourrait encore être alourdie en appel. De son côté, Olivier Kamitatu, le vice-président du G7 et l’une des voix les plus écoutées au sein de l’opposition congolaise, a posté ce commentaire sur Twitter : « pour survivre, le régime (du Président Kabila) porte un coup fatal à la cohésion nationale ». En RDC, les nuages sur la démocratie s’accumulent. Avis de tempête annoncé.
Post scriptum : L’opposition a décidé de se pourvoir en justice dans cette affaire. Sur son compte Twitter, Moïse Katumbi a déclaré : « Alors que s’ouvre le procès des candidats invalidés par une CENI inféodée, notre justice doit demeurer indépendante pour sauver la démocratie ».