
Le général-major Nyitetessya Nzambe Dieu Gentil Alengbia, commandant de la 34e région militaire des FARDC, est décédé ce mercredi 16 avril au camp Tshatshi, à Kinshasa, alors qu’il était détenu dans le cadre d’un procès historique devant la Haute Cour militaire. En cause : la débâcle de l’armée congolaise face à l’avancée des rebelles du M23/AFC à Goma, en janvier dernier. L’un des officiers les plus gradés impliqués dans cette affaire de fuite devant l’ennemi disparaît alors que le procès, très suivi par l’opinion publique, était encore en cours.
Le général Nyitetessya Nzambe Dieu Gentil Alengbia n’assistera pas à la fin du procès dans lequel il se retrouve avec quatre autres frères d’armes alors qu’ils sont tous accusés de fuite devant l’ennemi au moment de la prise de Goma par le M23.
Un décès soudain en pleine procédure judiciaire
Selon les précisions de son avocat, Maître Tshitsha Bokolombe, le général Alengbia a été victime d’un malaise et transféré trop tardivement à l’hôpital où il a succombé. Incarcéré depuis février 2025, il était accusé de plusieurs fautes lourdes : fuite devant l’ennemi, violation des consignes militaires, perte d’équipement stratégique, et incitation à la désertion. Il est notamment reproché à Nyitetessya Nzambe Dieu Gentil Alengbia d’avoir quitté précipitamment Goma à bord d’un bateau avec plusieurs officiers, laissant ses hommes sans commandement alors que les rebelles du M23 progressaient rapidement vers la ville. Sa disparition soulève des interrogations sur les conditions de détention des hauts gradés poursuivis, mais elle ne change rien, pour l’instant, au cours de la procédure judiciaire visant les quatre autres coaccusés.
Retour sur les événements : la chute éclair de Goma
Le 26 janvier 2025 marque un tournant dans le conflit qui oppose les FARDC aux rebelles du M23, soutenus selon Kinshasa par le Rwanda voisin. Après des semaines de pression militaire, les rebelles ont réussi à prendre le contrôle de la ville stratégique de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, sans réelle résistance. Selon plusieurs sources militaires et onusiennes, la défense de Goma avait été affaiblie par des ordres contradictoires, un moral en berne et une désorganisation dans la chaîne de commandement. Les officiers aujourd’hui poursuivis auraient quitté la ville sans en informer l’ensemble des troupes, provoquant une débandade généralisée.
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Le gouvernement avait alors décidé de frapper fort pour donner un signal d’exemplarité : cinq généraux, tous membres de l’état-major dans l’est du pays, ont été arrêtés et présentés devant la Haute Cour militaire.
Les autres prévenus : profils et responsabilités
Outre le général Alengbia, les quatre autres prévenus sont :
- Le général de brigade Sylvain Kaghoma : chef des opérations de la 34e région militaire. Il aurait validé la fuite collective malgré les consignes strictes de défense jusqu’au bout. Il est également accusé de s’être soustrait à son devoir de coordination sur le terrain.
- Le colonel Jean-Baptiste Kasereka : responsable logistique. Il aurait participé à l’évacuation des stocks d’armes mais dans des conditions chaotiques, entraînant la perte de matériel stratégique désormais aux mains du M23.
- Le lieutenant-colonel Moïse Ndambwe : chef du renseignement. Il est accusé de ne pas avoir relayé les alertes de progression du M23, aggravant ainsi la surprise stratégique subie par les FARDC.
- Le commandant Patrick Mbadu : officier de liaison avec les forces partenaires. Il est poursuivi pour abandon de poste et non-transmission des directives de l’état-major général.
Les auditions ont révélé des tensions internes, des rivalités de commandement et de graves dysfonctionnements logistiques.
Une portée politique et symbolique forte
L’affaire dépasse le seul cadre militaire. Elle est devenue un symbole du désarroi de l’État congolais face à la dégradation sécuritaire dans l’est du pays. Le Président Félix Tshisekedi, alors candidat à sa propre succession pour un nouveau mandat, avait promis de « restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire ». La chute de Goma a donc été un camouflet majeur pour son administration. Lui qui, déjà au cours de son premier mandat, avait déclaré être prêt à verser son sang pour la pacification de l’est de son pays.
Le procès des officiers est perçu comme une tentative de restaurer la confiance au sein de l’armée et dans l’opinion publique. Il cristallise aussi les débats sur la responsabilité des élites militaires dans l’inefficacité de la riposte contre le M23. Mais la mort du général Alengbia pourrait fragiliser le processus judiciaire. Plusieurs ONG de défense des droits humains demandent déjà une enquête indépendante sur les conditions de sa détention. D’autres craignent que les vrais décideurs ne soient jamais inquiétés.