L’homme d’affaires canadien d’origine congolaise Chekinah Olivier est le fondateur de OL Mining inc et de OL Consult Inc, deux sociétés de conseil, dont l’une est spécialisée dans le secteur minier. Pour Afrik.com il a accepté de livrer les leçons de son expérience en Afrique et sa vision de l’avenir économique du continent.
AFRIK.COM : Quels sont à vos yeux les atouts de l’Afrique aujourd’hui?
Chekinah OLIVIER : L’Afrique a des atouts gigantesques, que trop souvent elle ne se donne pas les moyens d’exploiter pleinement. Le premier de ces atouts, ce sont ses matières premières. Le continent africain est un formidable réservoir des matières premières dont le monde a besoin pour construire son avenir dans un nouveau modèle de croissance économique qui repose sur l’utilisation d’énergies renouvelables, et de minerais rares, dont le sol africain est parfois le seul à disposer. C’est un avantage considérable dans une économie mondialisée que de disposer des principales réserves de cobalt, par exemple, pour les batteries, ou de coltan, indispensable à toute la chaîne de valeur des industries numériques et des téléphones portables.
Au delà de ces deux minerais-phares du XXIème siècle, la RDC par exemple dispose de mines de cuivre, d’argent, d’uranium, de plomb, de zinc, de cadmium, de diamant, d’or, d’étain, de tantale, de tungstène, de manganèse… C’est colossal.
AFRIK.COM : comment tirer le plus grand profit de ces ressources?
Chekinah OLIVIER : En assurant une parfaite connaissance des richesses du sous-sol africain, pour que les Etats soient en position de force quand ils négocient leur exploitation avec les grands groupes miniers mondiaux. C’est précisément là que se situe l’action d’OL Mining Inc : débloquer et ’ouvrir le potentiel africain et des pays en développement en réalisant l’inventaire le plus exhaustif possible de ce qui est disponible et peut être exploité. Afin d’effectuer sur tous les continents ce recensement des ressources en minerais et des ressources énergétiques, comme le pétrole, nous travaillons avec une société espagnole, Xcalibur Multiphysics, numéro un mondial en la matière, et notre objectif prioritaire est d’établir la cartographie de toutes les ressources naturelles dont les pays africains regorgent, pour que les gouvernements aient toutes les cartes en main pour négocier avec les multinationales minières ou énergétiques. Ce service essentiel, nous le proposons bien sûr aussi, avec Xcalibur Multiphysics, aux sociétés minières privées qui doivent sécuriser leurs investissements.
Parmi les pays que nous privilégions il y a bien sûr la RDC qui a un potentiel énorme, mais sur lequel les seules informations et relevés fiables dont nous disposons encore aujourd’hui datent de l’époque coloniale, et ne sont évidemment pas complètes. Or nous sommes confrontés à la nécessité de quantifier les gisements, pour mieux négocier ce qui nous appartient. Le drame c’est que cette grande entreprise de cartographie, indispensable à la RDC, peine aujourd’hui à avancer, parce que nous n’avons pas un support suffisant de la part des autorités locales. Les directives gouvernementales tardent à se concrétiser, parce que les services ne comprennent pas l’importance de ce projet essentiel pour le pays. Réticences et suspicions, et parfois tout simplement impérities, s’opposent à l’avancée des travaux de relevé et de recueil des données.
AFRIK.COM : Comment se passe concrètement cette recherche sur un territoire immense comme celui du Congo démocratique?
Chekinah OLIVIER : C’est précisément l’expertise Xcalibur Multiphysics : il s’agit de croiser précisément les données que nous délivrent l’observation de la surface terrestre par les satellites et les relevés géologiques qui remontent à l’époque du Congo Belge : on fait le grand écart en termes de méthodologie entre une cartographie réalisée sur le terrain par les géologues belges de la première moitié du vingtième siècle et une analyse photographique des sites identifiés, réalisée grâce aux satellites. Puis, une fois les zones “critiques” précisées, nous avons des avions spécialement équipés qui survolent la zone concernée afin de collecter les données, en particulier les irrégularités physiques souterraines. Lorsqu’il y a le plus d’anomalies, donc le plus grand potentiel, des investigations sont menées sur place dans le sous-sol pour confirmer ou infirmer et enfin certifier l’existence d’un gisement et son ampleur.
C’est à partir de ce moment-là que les gouvernements peuvent de manière certaine négocier les contrats avec les investisseurs. Et dans le même temps, ce premier travail de prospection et de certification permet d’attirer les capitaux susceptibles d’investir dans le domaine minier, ressources naturelles et hydrocarbures, pétrole, gaz. Le but est aussi d’identifier les ressources en minerais, cuivre, diamant, or, cobalt, coltan et terres rares aujourd’hui stratégiques.
Nous avons achevé le travail en Angola, ce qui a permis à ce pays de découvrir des gisements de cuivre et de cobalt et d’aménager des mines, notamment par le groupe minier britannique Anglo-American. Le but de notre action est de débloquer des potentiels inconnus jusque là. On pourrait aussi parler de la Zambie…
AFRIK.COM : Vous vous intéressez aussi aux ressources énergétiques renouvelables, comme l’hydro-électricité?
Chekinah OLIVIER : Absolument! L’Afrique peine à développer son potentiel énergétique et la RDC dispose d’une ressource colossale : la puissance du fleuve Congo. C’est pour réaliser ce potentiel que j’ai introduit à Kinshasa la plus grande société minière australienne Fortescue Future Industries, très fortement investie dans le développement des énergies renouvelables, dans le but de développer le projet stratégique du Grand Inga. Un MOU a été conclu, des travaux de préfaisabité sont mis en oeuvre, mais le contrat n’a pas encore été signé. En réalité le partenaire australien que nous avons motivé à venir investir en RDC est le plus sérieux et le plus pragmatique, il dispose des moyens financiers et techniques pour développer ce grand projet structurant dans le domaine de l’énergie. Et c’est une énergie propre, par nature non carbonée et renouvelable à perpétuité, qui constitue un enjeu décisif pour la production électrique en Afrique centrale, et pas seulement pour la RDC. Il est essentiel pour la Région que cet immense chantier démarre vite.
AFRIK.COM : Au-delà des enjeux miniers et énergétiques, quels sont selon vous les grands rendez-vous que l’Afrique ne doit pas manquer?
Chekinah OLIVIER : Je suis un grand supporter de la ZLECAF : l’Afrique a un potentiel économique énorme et il est stratégique de développer les échanges à l’intérieur de l’Afrique par l’instauration de cette Zone de Libre EChange continalentale. Le premier frein à la croissance africaine, c’est le protectionnisme. Si on observe le modèle européen, on peut faire encore mieux que l’Union Européenne en Afrique, en faisant tomber les barrières douanières et en développant les échanges commerciaux qui nourrissent la croissance. C’est le marché intérieur africain qui peut être le moteur interne de l’amélioration des conditions de vie en Afrique par un enrichissement endogène du continent.
Une Afrique intégrée connaîtra une croissance plus rapide et deviendra un acteur important du développement économique mondial. Quand vous observez les Etats-Unis, vous voyez qu’un Etat comme le Nouveau Mexique est reconnu pour son industrie pétrolière et pétrochimique, alors qu’il ne produit pas de pétrole : il le raffine. Tout le pays profite ainsi de l’économie pétrolière, parce qu’au Texas on extrait, tandis qu’au Nouveau Mexique on raffine. Certains pays ont un grand potentiel naturel, d’autres n’en ont pas, mais leur développement peut être mutuellement bénéfique, s’il est pensé de manière cohérente et intégrée, en sortant d’une logique de conflit.
Plutôt que de maintenir des barrières protectionnistes et des divisions internes qui l’obligent à se tourner vers l’extérieur, l’Afrique doit se donner les moyens de sa croissance en développant le libre échange en son sein!
Propos recueillis par Khaled Elraz.