À quelques mois de la Présidentielle de décembre en RDC, la loi sur la « congolité », déjà agitée puis rangée en juillet 2021, est ramenée au-devant de la scène. La chambre basse du Parlement a même prévu de l’examiner. Comme la dernière fois, cette proposition de loi a provoqué une levée de boucliers.
Appelée « loi Tshiani », du nom de son initiateur, le candidat malheureux à la Présidentielle de 2018, Noël Tshiani, cette proposition de loi stipule que seuls les Congolais de père et de mère peuvent briguer la magistrature suprême, occuper des postes stratégiques comme ceux de Premier ministre, président de la chambre basse du Parlement ou du Sénat, etc.. Après une première tentative qui a fait long feu, en juillet 2021, les défenseurs de cette proposition de loi sont revenus à la charge, cette année, en réussissant à la faire inscrire dans le programme de la session parlementaire en cours à la chambre basse du Parlement. Et comme en 2021, les réactions d’hostilité ne manquent pas.
Difficile de ne pas voir dans cette loi une volonté d’exclusion de candidats gênants
En tête des protestataires, il y a l’Association des métis au Congo (ASMECO) qui, vendredi dernier, avait organisé une manifestation devant le siège du Parlement congolais. Dans leur mémorandum, les membres de cette association ont protesté contre une loi qu’ils jugent « discriminatoire », « injuste » et « ambiguë ». Selon eux, la « loi Tshiani » a pour but de « nuire à une catégorie de Congolais ». C’est la raison pour laquelle les députés doivent la rejeter s’ils veulent « préserver la paix, la concorde, la tranquillité et la cohésion entre Congolais ».
Les métis ne sont pas les seuls à s’élever contre la loi sur la « congolité ». L’Église catholique a fait entendre sa protestation à travers l’instance suprême des évêques, la CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo). Le secrétaire général de l’instance, l’abbé Donatien Nshole, a attiré l’attention sur une « loi dangereuse » qui « menace la paix sociale ».
Même son de cloche du côté du parti Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, personnalité qui semble particulièrement visée par cette loi. Avec cette dernière, « on nous interdit de nous marier avec les ressortissants d’autres nationalités, on veut faire passer l’idée selon laquelle les enfants issus de mariages mixtes ont un sang dénaturé. C’est inadmissible », s’indigne Mike Mukebay, député provincial et membre du parti de Moïse Katumbi. L’ancien gouverneur du Katanga est, en effet, l’un des candidats déclarés, les plus sérieux de la prochaine Présidentielle. L’un de ceux qui peuvent faire tanguer l’actuel chef de l’État congolais, Félix Tshisekedi qui, au-delà de tout, rêve d’un second mandat.
Laisser l’essentiel pour perdre le temps sur des questions clivantes
Il est difficile de penser que pendant que les populations congolaises manquent de tout alors qu’elles vivent dans l’un des pays les plus riches en ressources de toute la Terre, les pouvoirs politiques s’attardent plutôt sur des questions non essentielles au bien-être des Congolais. Que les candidats à l’élection présidentielle soient de père et de mère congolais ou non, ce n’est certainement pas la préoccupation urgente des populations du Nord-Kivu qui ne peuvent plus vivre tranquillement chez elles, du fait des nombreux groupes rebelles qui sèment la mort et la désolation dans cette partie du pays.
Alors que le temps devrait être à l’union sacrée pour vaincre l’ennemi commun, le M23 principalement, qui défie impunément les FARDC, les politiciens congolais préfèrent gloser sur des sujets sources de discorde pour fragiliser davantage le pays. C’est comme si l’exemple de la Côte d’Ivoire, qui a été déchirée par une guerre atroce à cause d’une loi similaire, n’inspire rien aux politiciens congolais.