Depuis plusieurs mois, le M23, un groupe armé soutenu par le Rwanda, exerce une pression de plus en plus forte sur la province du Nord-Kivu, située à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Ce groupe a non seulement étendu son emprise sur de vastes territoires, mais il contrôle désormais une part significative de l’économie minière locale, notamment la production de coltan. La prise de la ville stratégique de Goma, en novembre 2022, a marqué un tournant dans le conflit, qui oppose les forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) aux insurgés du M23.
Le coltan, un minerai rare utilisé dans la fabrication de condensateurs pour les téléphones mobiles et les ordinateurs, est une ressource extrêmement précieuse. Avec la prise de la mine de Rubaya, en avril 2024, le M23 a mis la main sur l’une des plus grandes sources mondiales de coltan, représentant environ 15% de la production mondiale. Ce contrôle a permis au groupe armé de se constituer une véritable base financière, en percevant des taxes sur l’extraction et la vente du minerai. En parallèle, il a imposé un système de régulation parallèle, en attribuant des permis d’exploitation et supervisant les transactions minières.
Une administration parallèle et une économie de guerre
Les rapports des experts des Nations Unies ont révélé l’ampleur du contrôle exercé par le M23 sur l’exploitation des ressources minières dans le Nord-Kivu. L’une des conclusions de leur enquête en janvier 2025 est que le groupe armé a instauré une administration parallèle qui gère tous les aspects de la production et du commerce du coltan dans la région. Les creuseurs locaux et les opérateurs miniers doivent désormais se soumettre aux règles imposées par le M23, qui délivre des permis d’exploitation en échange de redevances.
En outre, le groupe armé veille à ce que le coltan extrait ne soit vendu qu’aux acheteurs qu’il a lui-même désignés. Les routes menant des zones minières à la frontière rwandaise sont également sous son contrôle, et le minerai extrait illégalement du Congo est ensuite mélangé à celui produit au Rwanda. Ce système de commercialisation parallèle permet au M23 de s’assurer un revenu considérable tout en alimentant le marché international de manière illégale. Les experts des Nations Unies estiment que ce réseau criminel constitue la « plus grande contamination des chaînes d’approvisionnement en minéraux 3T » (étain, tantale, tungstène) enregistrée dans la région des Grands Lacs au cours de la dernière décennie.
Les enjeux financiers et géopolitiques
L’impact économique de cette prise de contrôle est considérable. Selon les estimations des experts, le M23 génère près de 800 000 dollars par mois en revenus issus des taxes et des paiements pour l’exploitation du coltan. Ce montant représente une ressource vitale pour le groupe armé, qui utilise ces fonds pour financer ses activités militaires et ses opérations sur le terrain. En revanche, la province du Nord-Kivu, privée de ces ressources, subit des pertes mensuelles estimées à 7 millions de dollars, ce qui exacerbe la crise économique et humanitaire dans cette région déjà fragilisée.
Ce contrôle économique pose le débat sur le rôle du Rwanda qui est régulièrement pointé du doigt. Le soutien du Rwanda au M23 a alimenté les tensions diplomatiques avec la RDC, qui accuse son voisin de fournir des armes et un soutien logistique au groupe armé. En réponse à cette situation, la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a demandé, en janvier 2025, au Conseil de sécurité de l’ONU de prendre des mesures fermes. Elle a notamment réclamé un embargo total sur les exportations de minerais étiquetés comme rwandais, en particulier le coltan et l’or.
L’impact sur les populations locales
Outre les conséquences économiques, la situation dans le Nord-Kivu a un impact dévastateur sur les populations locales. Les combats incessants entre les FARDC et le M23, ainsi que les exactions commises par ces groupes armés, ont provoqué des déplacements massifs de civils. Des milliers de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers, cherchant refuge dans les camps de déplacés où les conditions de vie sont souvent précaires. La violence et l’insécurité ont également entraîné une grave crise humanitaire, avec une insuffisance d’aide alimentaire, médicale et de services de base pour les populations vulnérables.
La guerre et l’exploitation illégale des ressources naturelles privent les communautés locales de leurs moyens de subsistance tout en alimentant un cycle de violence et de dépendance économique vis-à-vis des groupes armés. Le contrôle du M23 sur les mines, qui représentent une part importante de l’économie du Nord-Kivu, contribue à maintenir cette dynamique de conflit et de précarité.