L’Assemblée nationale de la RDC vient de se doter d’une loi visant à protéger les peuples autochtones du pays. Adoptée à l’issue d’un vote massif par les députés, cette proposition devra passer l’étape de la Commission socio-culturelle avant d’être votée en plénière et promulguée par le chef de l’Etat.
Populations vivant dans les forêts d’Afrique Centrale et réparties entre presque tous les pays de cette sous-région, les peuples autochtones péjorativement appelés « Pygmées » font, depuis longtemps, l’objet de stigmatisations, étant pratiquement considérés comme des citoyens de seconde zone, des parias, dans leurs pays. Les actions des organisations de défense des droits humains ont conduit, dans plusieurs pays d’Afrique Centrale, à l’adoption de lois pour assurer le respect des droits de ces peuples. C’est dans cette perspective que l’Assemblée nationale congolaise vient d’adopter une proposition de loi.
Une proposition de Ruben Rachidi Bukanga adoptée à la quasi-unanimité
C’est le lundi 30 septembre 2019 que le député Ruben Rachidi Bukanga, un ancien militant des droit des peuples autochtones, a soumis au Parlement sa proposition de loi visant la protection des droits des peuples autochtones. « Aujourd’hui, c’est un grand jour pour moi, parce que je viens d’atteindre le plus haut niveau de ma lutte que j’avais amorcée depuis que je militais au sein de la société civile congolaise, celle de plaider pour les peuples autochtones qui sont victimes de graves injustices, de discrimination et de marginalisation », avait déclaré le député en ce jour-là, avant d’énoncer quelques-unes des injustices subies par les membres de cette communauté : « Dans certains coins du territoire national de la RDC, les enfants pygmées ne peuvent pas étudier dans les mêmes écoles que ceux d’autres tribus, les femmes pygmées ou les hommes pygmées ne peuvent pas se marier avec des conjoints ou conjointes de leur choix… ».
Depuis le vendredi 5 juin, l’élu de Kindu voit que son combat est en train de porter ses fruits. Il n’a d’ailleurs pas caché sa satisfaction et sa détermination à ne pas baisser la garde jusqu’à la promulgation de la loi. « Les collègues députés ont voté massivement pour l’adoption de cette loi, nous pouvons dire que c’est le couronnement d’un long combat. Moi-même, je l’ai commencé dans la société civile avant d’être député. Nous sommes sûrs et convaincus que ça va suivre le processus normal. Nous allons veiller que ça soit fini au niveau de la commission afin que ça soit adopté article par article par l’assemblée plénière. C’est un combat que moi-même j’ai commencé depuis plus de 10 au niveau de la société civile ».
Reste la promulgation et surtout l’application effective de cette loi
Avec l’adoption de cette proposition de loi, un pas est certes franchi dans la marche vers la reconnaissance des droits de ces peuples. Mais il reste encore qu’elle franchisse l’étape de la Commission socio-culturelle, celle de la promulgation par le Président Félix Tshisekedi, et surtout qu’elle soit effectivement mise en pratique dans le pays, la promulgation d’une loi n’étant pas toujours une solution. Le cas du Congo voisin est très illustratif à cet effet, avec l’adoption; le 5 février 2011, d’une loi portant promotion et protection des droits des populations autochtones, qui n’a toutefois pratiquement rien changé au vécu quotidien de ces peuples toujours discriminés, comme si de rien n’était.
Cet état de fait, les auteurs de cette proposition loi de la RDC sont loin de l’ignorer. C’est ce que traduisent clairement ces propos de Patrick Saidi, coordonnateur de Dynamique des Groupes des Peuples Autochtones (DGPA), et une des personnes ayant contribué à l’élaboration du projet de loi : « Aujourd’hui, c’est un grand succès qui vient clôturer plus de 8 ans de plaidoyer que nous avons mené dans ce pays. Huit ans dans le sens que nous avons participé à l’élaboration de cette initiative (…). Succès ? Oui, mais la route reste encore longue (…). Notre souhait le plus ardent est de voir la RDC se doter de cet outil législatif en faveur des peuples autochtones. Mais comme nous ne cessons de le dire, la loi n’est pas l’unique solution aux problèmes des peuples autochtones pygmées. Il faut aussi les mesures d’application et un développement effectif qui doit être fait au niveau local ».
Les regards sont donc pour l’instant fixés sur la Commission socio-culturelle de l’Assemblée nationale de la RDC.