Nadège, une petite fille de six ans, qui vit dans la rue, a été violée par quatre hommes, dont trois policiers. Cela s’est passé dans la cité verte, un quartier de Kinshasa, lundi dernier. Le drame est survenu après que ses proches, qui l’accusaient de sorcellerie suite au décès de sa mère, l’aient chassée du domicile familial.
Un énième viol à Kinshasa. L’agression sexuelle qu’elle a subie est particulièrement effroyable : âgée de six ans seulement, la petite Nadège a été violée par quatre hommes, dont trois policiers et un jeune homme de 16 ans. C’est d’ailleurs ce dernier que les policiers ont surpris en plein délit. Au lieu de l’interpeller, les forces de l’ordre ont abusé à tour de rôle de la petite fille.
Abandonnée à même le sol, c’est finalement une passante qui l’a secourue, permettant à une association qui vient en aide aux enfants des rues, de la transporter à l’hôpital. Une religieuse est venue la chercher ce mercredi après-midi pour l’emmener dans un orphelinat. A l’heure actuelle, la petite fille ne peut plus compter sur aucun membre de sa famille.
Accusée d’être une sorcière
Son calvaire commence après le décès de sa mère, qui date de quelques semaines. Nadège, qui vit alors avec sa grand-mère, est accusée d’être une sorcière par les autres membres de sa famille. Selon ces derniers, elle aurait « mangé sa mère » comme le font les sorcières, d’après certaines croyances. La petite fille qui est considérée dès lors comme un danger par tous ceux qui la côtoient est chassée du domicile familial. Égarée dans la capitale congolaise, Nadège ne sachant pas où aller, est contrainte de vivre dans la rue. Seulement, il ne fait pas bon de se promener seule la nuit, dans certains quartiers de Kinshasa, où l’insécurité règne.
La petite fille est loin d’être une victime isolée. Le viol est récurrent à Kinshasa, les enfants vivant dans la rue étant à la merci de personnes mal intentionnées. En République démocratique du Congo (RDC), les enfants des rues, qu’on surnomme « Shégé », sont au nombre de 60.000. Âgés de 0 à 17 ans, la majorité à été chassée par leur famille pour des raisons de sorcellerie. D’autres se retrouvent dans la rue suite au divorce de leurs parents qu’ils n’auraient pas supporté. Parfois, ils sont également rejetés par leurs proches parce que ces derniers n’ont pas les moyens de les prendre en charge.
« A cause de la sorcellerie, l’Africain ne fonctionne qu’à 10% de ses moyens »
Les croyances en la sorcellerie sont toujours très ancrées en Afrique. La peur du sorcier, de la sorcière, de l’enfant sorcier, du mauvais sort, hante encore de nombreux Africains. Ces croyances peuvent être très dangereuses, selon Didier Mavinga Lake, docteur congolais en psychopathologie et psychanalyste au sein d’un groupe de recherche en psychanalyse de l’Université Paris 7, lors d’une interview avec Afrik.com, en août 2012. « Des individus accusés de sorcellerie ont perdu la vie , rappelait-il. Il y a même des gens qu’on brûle. On leur met des pneus autour du corps, ensuite on les brûle parce que soi-disant ce sont des sorciers ! »
De même, « les enfants dits sorciers vivent un véritable calvaire ! On leur fait subir des sévices corporels de toutes sortes pour les exorciser, en mettant leur vie en danger ! Ces enfants sont pour la plupart abandonnés, car leurs parents estiment qu’ils sont la source des malheurs de la famille, expliquait-il. Ils se retrouvent le plus souvent dans la rue et livrés à eux-mêmes. La croyance en la sorcellerie fait donc beaucoup de dégâts sociaux en Afrique ! Il y a des familles qui ne se parlent plus, car on considère que de l’autre côté on a jeté des sorts. Il faut modifier une fois pour toute ce mode de pensée ».
Selon Didier Mavinga Lake « chaque être humain affronte la vie différemment. Lorsqu’on croit en la sorcellerie, on est dans une forme d’érotisation de la pensée. L’être humain imagine des choses car la réalité est trop dure à accepter. C’est pour cela que certains donnent de l’importance aux esprits, à leurs pouvoirs… ». Le psychanalyste estime que les croyances en sorcellerie « ne sont pas un problèmes social mais psychique. Bien évidemment, tous les Africains ne croient pas en la sorcellerie, mais cette croyance colore le quotidien ! La sorcellerie est un frein au développement de l’Afrique. A cause de cette peur, l’Africain ne fonctionne qu’à 10% de ses moyens ».