RDC : à qui profite le maintien en prison de Vital Kamerhe ?


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Vital Kamerhe
Vital Kamerhe

Incarcéré, le 8 avril 2020, alors qu’il s’y attendait le moins, Vital Kamerhe a vu toutes ses demandes de mise en liberté provisoire rejetées. C’est à croire que quelqu’un a grand intérêt à le voir derrière les barreaux.

La convocation du cauchemar

Convoqué au Parquet général de Kinshasa/Matete, le mercredi 8 avril 2020, pour être écouté dans une affaire des travaux des 100 jours dans laquelle son nom était cité, à plusieurs reprises, le directeur de Cabinet et principal allié de Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe, était à mille lieues de penser qu’une trappe venait de se refermer sur lui. Après une audition de plusieurs heures, le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC) a terminé cette journée du 8 avril dans une cellule de la prison centrale de Makala dont il est devenu, depuis plus de quatre mois, un des plus célèbres pensionnaires. Aucune chance n’a été laissée à celui qui, jusque-là, était appelé « Président bis ».

Des demandes de mise en liberté provisoire rejetées en série

Depuis cette incarcération, les avocats de Vital Kamerhe n’ont eu de cesse d’introduire des demandes de mise en liberté, ne serait-ce que provisoire. En tout, huit demandes ont été introduites. Toutes les fois, les avocats ont été déboutés par la Cour. Le dernier rejet qu’ils ont essuyé, cette fois de la part de la Cour de cassation, remonte au 5 août 2020.
Pour l’UNC, le sort réservé à son leader est inacceptable. C’est pourquoi, dans un communiqué en date du 7 août, les cadres et les militants du parti de Vital Kamerhe fustigent ce traitement que l’on réserve à une personnalité qui « a rendu de grands et loyaux services à la République, depuis plus de 30 ans » et dont la « fuite n’est pas du tout à craindre ».

Des pions du procès Kamerhe promus

La promotion de magistrats et avocats impliqués dans le procès de Vital Kamerhe est un autre élément qui n’est pas passé inaperçu. En effet, le 17 juillet dernier, soit près d’un mois après le verdict du procès, le Président Félix Tshisekedi a procédé à des nominations dans le milieu judiciaire congolais. Et comme par hasard, des personnages-clés du procès affaire des 100 jours sont tous promus. Dieudonné Kaluba Dibwa, un des avocats de la partie civile, lors du procès, gagne une place à la Cour constitutionnelle ; Pierrot Bankenge Mvita, juge président au procès en remplacement de Raphaël Yanyi décédé, a été nommé président du Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe ; Kisula Betika Yeye, le procureur près le parquet général de Kinshasa/Matete qui a fait arrêter Vital Kamerhe, le 8 avril, a été promu avocat général près la Cour de cassation.
Que faut-il comprendre de ces diverses promotions ? Sont-ce des récompenses pour services rendus ? La question mérite d’être posée, tant la période choisie pour les nominations porte une charge de suspicion.

Le principal avocat de Kamerhe victime de sérieuses menaces

Pendant ce temps, Jean-Baptiste Kabengela, principal avocat de Vital Kamerhe, serait l’objet de sérieuses menaces de la part de certains magistrats et avocats, ainsi que de certains membres de l’UDPS originaires du Kasaï, au même titre que l’avocat. L’objectif serait d’affaiblir la défense de Vital Kamerhe, en poussant Me Kabengela à abandonner son client. Mais là-dessus, l’avocat n’entend pas se laisser faire : « Oui, les menaces sont réelles, mais je ne quitterai pas la ligne de défense de Vital Kamerhe. Qu’ils viennent alors me bouger par force », a-t-il confié à La Nouvelle Afrique.
Est-ce ce me même objectif qu’occulte le refus de délivrance du visa à l’avocat français, Pierre-Olivier Sur, sollicité pour renforcer le collège d’avocats assurant la défense de Vital Kamerhe ? Une autre grande interrogation découlant de la succession d’évènéments.

L’UNC aurait-elle raison en parlant de procès politique ?

En définitive, l’UNC qui, dès le début de l’affaire, dénonce un procès politique et crie au règlement de comptes aurait-elle raison ? La position du parti n’a pas du tout changé au fil du temps. Dans son communiqué du 7 août, « l’UNC dénonce avec la dernière énergie, les manœuvres dilatoires visant à nuire à la personne de l’honorable Vital Kamerhe, au travers d’un procès dont le caractère politique n’est plus à démontrer ». Mieux, un appel est lancé au Président Félix Tshisekedi invité à s’impliquer pour garantir un procès équitable à son directeur de cabinet. « L’UNC lance de nouveau un appel vibrant au président de la République, chef de l’État, autorité morale de la coalition CACH, garant de la Constitution et du bon fonctionnement des institutions, magistrat suprême, de veiller au bon fonctionnement de la justice dans notre pays et de s’impliquer personnellement pour que l’honorable Vital Kamerhe, son directeur de Cabinet, puisse bénéficier d’un procès équitable », lit-on dans le communiqué.

Certes, on a voulu faire de ce procès un exemple pour montrer que l’ère de l’impunité est finie en RDC. Mais, l’examen minutieux du déroulement des faits semble accréditer la thèse d’une action souterraine visant à maintenir le candidat de la coalition CACH désigné par l’Accord de Naïrobi pour la Présidentielle de 2023 loin de l’échiquier politique congolais. Dans le même temps, l’hypothèse d’une vengeance des ténors de la coalition FCC de Joseph Kabila contre celui qui, pendant longtemps, fut un des leurs est également agitée.
Dans tous les cas, les regards restent, pour l’instant, braqués sur la date du 21 août retenue, à la suite du deuxième report du procès en appel.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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