Vingt-sept jours après l’investiture officielle de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo en tant que Président de la République démocratique du Congo (RDC), le 24 janvier 2019, la question qui est sur toutes les lèvres, d’un bout à l’autre du pays, est celle de savoir à quand le prochain gouvernement. Félix Tshisekedi n’a toujours pas donné des premiers signes annonciateurs de la formation imminente de son gouvernement. Et, plus les jours passent, plus les Congolais ont l’impression que c’est du pareil au même.
En effet, même s’il est vrai que la RDC n’a pas cpolionnu une telle passation pacifique de pouvoir dans son histoire politique, mais comme ça se passe ailleurs, habituellement juste après les élections, pendant la période officielle de transition, c’est-à-dire entre l’élection et l’entrée en fonction, le président nouvellement élu doit, sans tarder, prendre d’importantes décisions d’ordre organisationnel, particulièrement en ce qui concerne la nomination de futurs collaborateurs, en gardant à l’esprit la composition future du gouvernement.
Même dans le cas où la succession se fait au sein d’un même parti politique au pouvoir, le nouvel élu n’est pas tenu de reprendre les équipes sortantes. Dépendamment de la dynamique qu’il voudrait imprimer, il choisit soigneusement les proches collaborateurs qui l’aideront à concrétiser les promesses électorales, à tenir ses engagements politiques, en mettant en œuvre son programme d’action et en traduisant ses aspirations en politiques publiques.
À l’heure actuelle, les Congolais attendent avec impatience de connaître le nouveau gouvernement et de qui il sera composé pour, à la fois, dissiper les malentendus qui persistent à l’effet qu’il y aurait un accord secret entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, mais également pour à mettre en œuvre son programme gouvernemental. Mais au rythme où vont les choses, il est possible qu’ils aient à attendre encore plusieurs semaines avant de connaître les diverses personnalités qui feront partie du premier gouvernement Tshisekedi.
En effet, à la suite des élections du 30 décembre dernier, aucun des partis n’ont obtenu la majorité des sièges à l’Assemblée nationale. Ce qui revient à dire manifestement que la formation du gouvernement sera un défi de taille pour le nouveau Président.
Conformément à l’article 78 de la Constitution, le Président de la République devra nommer un informateur qui sera chargé d’identifier une coalition possible de partis politiques majoritaires. Celui-ci a trente jours, une fois renouvelable, pour identifier cette coalition requise pour former le gouvernement.
Une autre question extrêmement délicate doit absolument être réglée par Félix Tshisekedi est celui du gouvernement actuel qui expédie les affaires courantes. En effet, en tant que garant de la Constitution, le Président de la République doit veiller strictement au respect de celle-ci. Plus des trois quarts des membres de ce gouvernement se sont fait élire à l’Assemblée nationale et leurs mandats viennent d’être validés.
Un gouvernement transitoire de secrétaires généraux
Conformément à l’article 103 de la Constitution « le mandat de député national commence à la validation des pouvoirs par l’Assemblée nationale et expire à l’installation de la nouvelle assemblée ». L’article 97 souligne que « les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat électif ». Les membres du gouvernement qui ont été élus à la députation nationale doivent, dans les huit jours qui suivent la validation de leur mandat, cesser d’exercer les fonctions de ministre et aller siéger au Parlement, sinon ils auront violé intentionnellement la Constitution.
Au vu de ce qui précède, le président Tshisekedi devrait sérieusement envisager la possibilité de demander la démission de l’équipe gouvernementale actuelle et de confier la gestion des affaires courantes aux secrétaires généraux des ministères respectifs, en attendant les tractations pour la formation d’un gouvernement de coalition.
Une chose est sûre, la plupart de ces ministres n’ont plus le cœur à l’ouvrage ni même la motivation nécessaire pour apporter une franche collaboration au nouveau Président dans la réalisation de son mandat. Pour preuve, le couac diplomatique évité de justesse avec l’Union européenne lors de la présentation des vœux du président Tshisekedi au corps diplomatique, illustre bien des situations délicates qui arrivent lorsque les collaborateurs ne jouent pas la même partition. Félix Tshisekedi n’avait vraiment pas besoin d’un tel incident diplomatique en cette période où il est en train de faire, un sans-faute, ses premiers pas dans la diplomatie internationale, en tant que chef d’État, pour séduire les partenaires extérieurs.
En effet, la fonction publique est une composante importante du pouvoir exécutif et un instrument indispensable à la mise en œuvre du programme gouvernemental. Conscients de leurs responsabilités, les secrétaires généraux seraient beaucoup plus motivés à faire de leur mieux pour faire avancer l’agenda des politiques publiques qui tiennent à cœur au nouveau président et qu’il compte mettre en œuvre rapidement.
Une telle décision ne sera d’ailleurs pas une nouveauté en RDC. Si l’on remonte un peu plus dans le temps, on se rappellera que le maréchal Mobutu avait démis le gouvernement d’Étienne Tshisekedi, élu à la conférence nationale souveraine (CNS), pour le remplacer par un Collège des secrétaires généraux avec à sa tête le doyen d’entre eux en qualité de premier ministre.
Félix Tshisekedi doit savoir que la lune de miel ne dure pas longtemps. Les cent premiers jours sont déterminants pour présenter les priorités de son programme d’action, entreprendre des changements nécessaires et marquer son empreinte. Il faut donc agir vite, sans céder à la précipitation, mais prendre des décisions qui donnent le ton et mettent l’accent sur ce qu’il compte accomplir durant son mandat.
Les observateurs attentifs conviennent qu’il ne sera pas facile, en cinq ans, de résoudre les problèmes de la RDC : la pauvreté endémique, la pénurie d’eau et d’électricité, les soins de santé, l’éducation, les infrastructures de base, l’assainissement des villes, etc. La situation socio-économique du pays est tellement désastreuse que, tout est prioritaire et requière d’être traité de façon urgente. C’est donc un grand défi pour quiconque ferait face à des situations difficiles telles que celle de la RDC.
Cela étant, le succès du mandat de Félix Tshisekedi dépendra, entre autres, de sa capacité à bâtir la confiance de Congolais et à obtenir leur adhésion à son action gouvernementale. Et, pour maintenir cette confiance, il devra notamment adopter une approche axée sur une communication efficace et une gestion transparente, qui soient à l’écoute des besoins de la population.