Depuis le choc pétrolier de 1973, la RDC a connu une régression économique et sociale qui contraste avec ses ressources naturelles abondantes et très diversifiées. La crise multiforme des années 1990 a conduit au déclenchement d’un très long conflit armé dont les effets perdurent encore aujourd’hui. Pendant cette période, la plupart des entreprises publiques sont tombées en faillite et les services sociaux de base ont été détruits. La classe politique s’est montrée incapable d’anticiper les crises exogènes liées à la variation des cours des matières premières dont est très dépendante l’économie congolaise. La RDC essaie de se sortir de l’insécurité et de s’engager dans la voie de la reconstruction. Pour cela, elle dispose de nombreux atouts. L’espoir demeure, malgré tout, de voir le pays se relever.
Ressources naturelles abondantes VS grande pauvreté
La RDC est l’un des pays parmi les mieux dotés en ressources naturelles. Elle offre de nombreuses opportunités d’investissement. Son sous-sol est très riche : on y trouve du cuivre, du cobalt, du zinc, du fer, du columbo-titan (coltan), de l’or, du manganèse, de la bauxite, de l’étain, du diamant, du pétrole, du gaz, etc. Son écosystème possède un réseau hydrographique très dense. Selon une étude de la FAO, la forêt congolaise représenterait 126 millions d’hectares. Mais cette abondance de ressources naturelles s’accompagne d’une grande pauvreté.
La qualité et l’accès aux services sociaux de base sont dégradés, le taux d’accès à l’électricité et à l’eau très faible, notamment à Kinshasa, la capitale et l’une des plus grandes villes d’Afrique, confrontée à des coupures intempestives. Selon la Banque mondiale, le PIB par habitant s’élève à 478 dollars et la proportion de la population congolaise vivant en dessous du seuil de pauvreté atteignait encore 77,2% en 2012. Une majorité de Congolais travaillent dans le secteur informel. Ce n’est qu’en 2019 que le président a appliqué la gratuité de l’enseignement primaire, abandonné par l’État zaïrois en 1980. Dans les années 90, ce sont les parents eux-mêmes qui se chargeaient du financement et du fonctionnement du système éducatif, en lieu et place de l’État.
Prédation du patrimoine public industriel, économique et culturel par l’État
Cette situation de pauvreté s’explique principalement par une mauvaise gouvernance. L’économie de la RDC est très dépendante du secteur minier et soumise aux aléas du prix des matières premières au niveau international. Dans les années 1980, la baisse du cours des matières premières a provoqué une remise en cause de l’harmonie sociale, en attisant le conflit distributif. Le pays s’est retrouvé très endetté, avec l’échec de la politique d’ajustement structurel et les maigres ressources issues des exportations des matières premières ont été consacrées au service de la colossale dette extérieure. Les différentes crises et conflits entre 1990 et 2005 ont détruit l’outil de production ainsi que les infrastructures économiques, avec un pillage systématique des ressources naturelles du pays.
Par ailleurs, la personnalisation et la gestion autoritaire du pouvoir ont conduit à la confusion entre le patrimoine de l’État et les richesses personnelles du chef de l’État, ainsi qu’au népotisme, au clientélisme politique et à une corruption généralisée, entraînant la faillite des entreprises publiques. La classe politique ainsi que les chefs d’entreprises publiques se sont spécialisés dans la prédation du patrimoine public industriel, économique et culturel ainsi que dans la destruction de la faune et de la flore. Cela a occasionné l’insuffisance des recettes publiques et des pertes de ressources budgétaires. Cet « État de prédation », négligeant l’intérêt général, s’est retrouvé sans moyens pour développer ou entretenir les infrastructures sociales et assurer les services publics de base.
La RDC pourrait tirer profit des sanctions prises contre la Russie
Depuis son arrivée à la tête du pays, le président Felix Tshisekedi a démontré sa volonté de combattre la corruption. Dès son élection, un procès a été organisé pour juger les personnes responsables d’un détournement des sommes allouées au Programme des 100 jours. La RDC représente désormais un marché de plus de 100 millions d’habitants et offre de nombreuses opportunités d’investissement dans tous les secteurs. Selon un rapport de la CNUCED, les flux d’IDE à destination de la RDC ont augmenté de 1,5 à 1,6 milliard de dollars entre 2019 et 2020. En 2020, malgré la crise du Covid-19, la RDC a connu une croissance positive et en 2021, estimée à 5,7 % en 2021. Pour l’année 2022, le gouvernement table sur une croissance de plus de 6 %.
Le contexte est donc plutôt favorable, même si une lutte pour l’accès aux matières premières engendrée par l’apparition de nouveaux acteurs économiques majeurs comme la Chine et l’Inde devrait se poursuivre. La rareté des matières premières devrait logiquement tirer les cours de celles-ci vers le haut, selon la loi de l’offre et de la demande. La RDC pourrait profiter des sanctions prises contre la Russie et représenter une alternative pour fournir certaines matières premières. Mais saura-t-elle en tirer profit ? Pour que la croissance engendre le développement, il faut une bonne gestion des ressources naturelles. Cette gestion est un élément vital qui conditionne l’indépendance politique de la RDC mais également son développement. La RD Congo doit concilier ces deux impératifs et définir une « diplomatie économique de valorisation des ressources naturelles et stratégique » pour optimiser les recettes et prévenir les conflits liés à l’accès aux ressources naturelles.
Présence d’entreprises congolaises responsables
Dans le cadre de sa collaboration avec les partenaires privés, l’État doit veiller aux retombées sociales et encourager les entreprises qui contribuent au développement des infrastructures et services de base, a fortiori si elles sont congolaises. A ce titre, on peut citer les actions du Groupe Forrest International, présidé par George Forrest, présent en RDC depuis 1922 et qui vient de fêter ses 100 ans d’activité. Forrest International développe et coordonne des projets d’intérêt social au bénéfice des populations, notamment grâce à sa fondation Rachel Forrest. En partenariat avec les autorités locales, le groupe contribue au développement du secteur de l’agriculture durable, de l’éducation et de la santé, en permettant des transferts de compétences médicales ou en faisant des dons de produits pharmaceutiques. Il est également présent dans les énergies renouvelables via sa filiale Congo Energy, qui investit massivement dans la construction d’infrastructures hydroélectriques et solaires.
D’autres entreprises bien implantées dans le pays, comme La minoterie de Matadi (Midema), une société agricole de la province du Kongo Central spécialisée dans la production de la farine de froment et engagée contre la fraude et la contrebande, participent de ce mouvement d’essor économique et de responsabilisation accrue des partenaires privés.
Si l’exemple donné par ces entreprises est encourageant, la RDC doit avoir en tête que les préoccupations relatives à la protection de l’environnement, à la reconstruction post-conflictuelle et au développement économique et social incombent principalement à l’État. Par conséquent, dans son partenariat avec le secteur privé, l’État doit défendre ces enjeux et mener une politique volontariste. Cela passe par une politique de planification ou d’orientation économique affirmative. Par exemple, pendant le conflit, de nombreux contrats léonins ont été signés. Ces contrats ont été imposés à la RDC par le biais de l’Accord Global et inclusif signé en Afrique du Sud en 2002. A la fin de la présidence du président Joseph Kabila, un Code minier a été adopté pour tenter de corriger le déséquilibre résultant de ces contrats. L’État doit veiller à son application et assurer, enfin, une bonne gouvernance.
Tribune Dr Wutibaal KUMABA MBUTA