Le Premier ministre congolais Antoine Gizenga, 83 ans, a démissionné ce jeudi de son poste pour raisons de santé. Il aura été l’hôte de la primature pendant moins de deux ans. Dans l’opposition congolaise, certains jugent son bilan « catastrophique ». Le leader politique, en se retirant de la vie politique à cause de son grand âge, fait montre d’une sagesse inédite dans le milieu politique africain.
« Pour tout homme, même si l’esprit peut encore être sain et alerte, le corps physique a ses limites dont il convient de tenir compte », dixit le Premier ministre congolais démissionnaire, Antoine Gizenga. A 83 ans, il a décidé de quitter ses fonctions ce jeudi pour raisons de santé. « Après près d’un demi siècle de lutte pour la cause nationale, et plus de 600 jours d’exercice de fonction de Premier ministre, chef du gouvernement, j’ai décidé en ce jour, de présenter ma démission de ce poste auprès du président (Joseph Kabila). J’ai déposé la lettre y afférent ce jour, à 10h. Nous aurons la réponse du président de la République lorsqu’il lui plaira de nous la faire savoir.», rapporte le site de la radio des Nations unies, Radio Okapi.
Antoine Gizenga a été nommé Premier ministre de la RDC le 30 novembre 2006 par le président Joseph Kabila à la faveur d’un accord politique. Lors du premier tour des élections présidentielles en juillet 2006, il avait récolté 13,6% des suffrages exprimés, devenant un arbitre incontournable entre Jean-Pierre Bemba, l’ancien vice-président congolais, et le challenger Joseph Kabila.
Une vie politique dédiée à la RDC
Farouche opposant de l’ancien président Mobutu Sese Seko, Antoine Gizenga a vécu plus de 30 ans en exil. Le lumumbiste est revenu dans son pays natal en 1991, à la faveur de la conférence nationale, avec la ferme intention de s’impliquer davantage dans les affaires de l’Etat, notamment comme Premier ministre. Une fonction qu’il avait déjà occupée : Antoine Gizenga a été vice-Premier ministre du père de l’indépendance congolaise, Patrice Lumumba, assassiné en 1961. Il faudra attendre 15 ans pour que son souhait se réalise.
Son bilan ? « On peut aujourd’hui affirmer que le pays commence à reprendre le bon cap et à connaître une vraie dynamique de redressement et de refondation. Il faut tenir bon et avancer avec détermination », a affirmé ce jeudi le Premier ministre sortant. Un avis que ne partage pas l’opposition. Dans un entretien accordé en février dernier à Radio Okapi, le président du groupe parlementaire des Chrétiens démocrates (opposition), Gilbert Kiakwama, estimait que ce bilan était catastrophique. « Un an du gouvernement Gizenga est une catastrophe. Lorsque les Congolais sont allés aux élections, tout le monde avait les yeux tournés vers l’avenir, se disant qu’un espoir va naître après les élections. Aujourd’hui, vous vous rendrez compte que l’espoir né de l’après élection est totalement en train de s’évanouir ». L’opposition et la société civile réclament ainsi depuis plusieurs mois la démission du chef du gouvernement pour « son immobilisme ».
Un Premier ministre au bilan « catastrophique »
Antoine Gizenga part néanmoins sur une note positive. Le Fonds monétaire international (FMI) a estimé à la fin de sa mission en RDC, qui s’est achevée ce mardi, que « la mise en oeuvre du programme économique du gouvernement pour l’année 2008 jusque fin août a été satisfaisante d’une manière générale ». Même si les projets, notamment dans le domaine des infrastructures, que souhaitent mener la RDC avec des partenaires chinois constituent encore un obstacle à la normalisation complète des rapports entre le pays et l’institution de Bretton Woods. Selon elle, ces accords risquent d’accentuer l’endettement d’un pays qui à du mal à recouvrer sa stabilité politique. Les violences dans l’Est du pays se sont encore intensifiées ces derniers jours.
Le Mbuta (patriache), comme on le surnomme, à la réputation d’être un homme de principes. Une qualité qui présageait de tensions, apparemment surmontées, entre lui et Joseph Kabila. Antoine Gizenga en a fait la preuve en se retirant de la vie politique. La boucle est désormais bouclée pour le leader politique congolais. On l’avait raillé à sa nomination pour son grand âge. Il prouve aujourd’hui qu’elle est synonyme d’une sagesse dont les hommes politiques et les chefs d’Etat africains semblent être dénués.