L’organisme régional africain de la Communauté de développement d’Afrique australe, la SADC, demande un nouveau comptage des voix et propose un Gouvernement d’union Nationale en République démocratique du Congo à la suite de l’élection présidentielle contestée ou l’opposant élu Felix Tshisekedi va devoir partager le pouvoir avec un parlement aux mains des partisans de Joseph Kabila, alors que les observateurs, de leur coté, jugent que la victoire devait revenir à Martin Fayulu.
Plusieurs gouvernements occidentaux, dont la France, ont exprimé leur surprise et leur préoccupation face aux résultats annoncés donnant Felix Tshisekedi vainqueur de l’élection présidentielle et le parti présidentiel de Joseph Kabila remportant les Provinciales. Pour la majorité des observateurs, et les 40 000 observateurs électoraux déployé par la CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo) à travers le pays, le vrai vainqueur de l’élection serait l’opposant Martin Fayulu, même si le pourcentage précis de ses voix n’est pas connu. Selon les chiffres de la CENI concernant l’élection présidentielle, le vainqueur a été crédité de 7 051 013 voix, soit 38,57% des suffrages exprimés, suivi de Martin Fayulu qui se retrouve avec 6 366 732 voix, soit 34,83%, et Emmanuel Ramazani Shadary, dauphin de Joseph Kabila, ferme la boucle avec 4 357 359 voix, soit 23,84% des votes. Pour les Provinciales, le parti de Joseph Kabila raflerait 70% des sièges devançant La coalition Lamuka de Martin Fayulu.
L’intervention de la SADC pourrait être bien accueillie par ceux qui souhaitent éviter toute effusion de sang, mais ce compromis pose question pour les défenseurs de la démocratie africaine et enhardit les autocrates, a déclaré Andrew Harding, de la BBC à Johannesburg. Mais la volonté des pays africains semble être d’éviter un conflit prolongé en RDC, riche en minerais, conflit qui pourrait déstabiliser l’Afrique centrale, orientale et occidentale.
Samedi, M. Fayulu a interjeté appel devant la Cour constitutionnelle pour contester le résultat de l’élection lors du scrutin du 30 décembre. Les juges ont sept jours pour délibérer. Et selon Jacques Ndjoli, expert en droit constitutionnel, dans une déclaration à la BBC, il y aurait trois résultats possibles : le tribunal pourrait confirmer la victoire de M. Tshisekedi, ordonner un recomptage ou annuler les résultats et organiser de nouvelles élections.
La SADC a appuyé cet appel au recomptage des voix dans sa déclaration publiée par le Président zambien Edgar Lungu, qui préside le département politique, défense et sécurité de l’organisme panafricain. Lui et d’autres dirigeants régionaux ont estimé que le meilleur moyen d’avancer était un règlement négocié et un gouvernement d’union nationale, a déclaré M. Lungu. La ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Lindiwe Sisulu, a également déclaré qu’il s’agissait d’un compromis acceptable pour le pays troublé et dans le besoin désespéré de paix.
Le parti de Joseph Kabila s’est dit surpris de ce communiqué de la SADC, considérant qu’il n’était pas légitime que des pays étrangers interviennent dans un processus électoral d’un pays africain. La coalition Lamuka et Martni Fayulu considère de leur coté qu’il s’agit un geste fort et qu’il « serait dangereux de ne pas soutenir le processus démocratique en RDC ». Martin Fayulu affirme que Felix Tshisekedi a conclu un accord avec le désormais ex-Président Joseph Kabila pour se partager le pouvoir du plus grand pays d’Afrique francophone.
M. Kabila est au pouvoir depuis 18 ans et le résultat, s’il était confirmé, créerait le premier transfert de pouvoir ordonné depuis l’indépendance, obtenue de la Belgique en 1960.
Fred Bauma, l’un des fondateurs du mouvement citoyen Lucha, très impliqué dans le suivi de la campagne, juge sur RFI qu’il est important que la SADC demande un recomptage des voix « afin que la vérité des urnes soit rétablie. Sans cela, estime-t-il, toute démarche sera illégitime et maintiendra l’instabilité actuelle ». Toujours sur RFI, il estime en revanche « que les gouvernements d’union nationale n’ont jamais été une solution en RDC ».
Agir pour les élections transparentes et apaisées (AETA) et 33 autres ONG ont demandé, dimanche, dans un communiqué, « A la Cour Constitutionnelle de dire le droit et rien que le droit, en toute indépendance, honnêteté et sincérité dans la réalisation de sa mission constitutionnelle consistant à examiner les recours en contestation des résultats électoraux et de ne publier que les résultats définitifs qui fassent triompher la vérité des urnes, de la paix dans le pays, de la stabilité et de la légitimité des institutions établies et du développement socio économique de notre peuple ». Ce communiqué a été publié dans le cadre du suivi-évaluation de la 18e synergie des ONG de Kinshasa, sur initiative du Conseil Provincial des ONGD de Kinshasa.