Ramata, du cinéaste congolais Léandre-Alain Baker, est sorti sur les écrans français ce mercredi. A l’affiche, Katoucha Niane décédée en 2008. Dans cette adaptation du livre d’Abasse Ndione, elle est une femme foudroyée par la passion et les remords.
Ramata est morte. On se souvient alors de cette femme sublimissime qui avait tout pour être heureuse mais dont le destin fut tragique. Ramata, alias Katoucha Niane, est l’épouse d’un ministre et mère d’une jeune fille qui vient de faire d’elle une grand-mère comblée. C’est en revenant de l’hôpital, alors que son mari est en mission, que sa vie bascule. L’oiseau de mauvais augure est un taxi dérobé par un voleur à la petite semaine. Le jeune homme, qui la conduit dans les rues sombres de Dakar (la capitale sénégalaise), s’appelle Ngor Ndong. Il fera de la respectable et splendide Ramata à la fois une esclave et une rebelle de l’amour. A 50 ans, elle est prête à sacrifier sa paisible vie pour se consacrer corps et âme à son amant de 25 ans. Le long métrage de Léandre-Alain Baker est l’adaptation de l’œuvre éponyme du Sénégalais Abasse Ndione. Un « roman fleuve de 500 pages », publié chez Gallimard, qu’a voulu porter sur grand écran le réalisateur congolais dès sa lecture. Ecrivain, dramaturge et documentariste, c’est son premier long métrage de fiction. ]
Pour donner vie à Ramata, la production a porté son choix sur le mannequin tragiquement disparue en 2008. Sa mort demeure encore un mystère. Un sentiment entretenu par le personnage désabusé à qui elle prête ses traits dans Ramata, sa première et ultime apparition au cinéma. « C’est Moctar Ba [[Bamako de Abderrahmane Sissako, Abouna de Mahamat-Saleh Haroun, Karmen de Joseph Gaye Ramaka]], le producteur du film, qui a choisi Katoucha pour incarner Ramata, explique Léandre-Alain Baker. Il faut dire que j’étais un peu réticent au début mais je me suis rendue compte qu’elle avait cette beauté atypique, féline, surnaturelle, décrite sur la quatrième de couverture du livre d’Abasse Ndione ».
Une femme tourmentée
Rentrer dans la peau de Ramata, avec qui l’égérie de Christian Dior se trouvera certains points communs, ne fut pas une mince affaire pour Katoucha. L’ancien top model a fait ses débuts cinématographiques en tournant une scène d’amour, l’une des premières du long métrage. « J’ai commencé par cette scène pour la jauger, avoue le cinéaste congolais. Nous n’avons fait qu’une seule prise et ça s’est très bien passé ». Son partenaire masculin, le comédien Ibrahima Mbaye qui incarne Ngor Ndong, a été découvert par Léandre-Alain Baker en 2006.
Ramata est un long flash back construit autour d’un retentissant rebondissement. Cette construction narrative relance l’intérêt d’une fiction dominée par la fatalité et qui met en parallèle l’effondrement de deux vies sans histoire à un quart de siècle d’intervalle. Ramata, résume Léandre-Alain Baker, est « la tragédie d’une femme qui paie ses erreurs de jeunesse ». Son film relaie également une réalité sociale : « les cougars », comme on les appelle, se retrouvent aussi sur le continent. Car Ramata est le récit d’une passion ravageuse d’une femme mûre pour un homme, plus jeune, que la vie n’a pas gâté. Elevé par une mère veuve, Ngor Ndong est las d’une vie qui l’a déjà largué. Dans les bouges de Dakar, où il se retrouve avec quelques amis, on le sait taciturne. A bien des égards, Ramata et lui étaient faits pour se rencontrer. Tous les deux partagent un sentiment qui navigue entre révolte et résignation. Yvonne, interprétée par Viktor Lazlo, est le témoin de la rencontre de ces écorchés vifs. Elle deviendra la confidente de Ramata et préservera à sa manière la mémoire de son amie. « C’est une femme qui est dans le souvenir, explique Léandre-Alain Baker. Son côté signare [[Terme désignant les métisses, nées à l’origine de l’union des colons portugais avec les femmes sérères sur les côtes sénégalaises. Elles deviennent des acteurs économiques majeurs dans le Sénégal colonisé.]] n’est pas que physique ou vestimentaire. C’est un personnage qui n’existait pas dans le livre, je l’ai crée. » Il contribue à donner une couleur et un ton grave à un film juste, où quelques maladresses de mise en scène côtoient des plans somptueux. Comme l’un des derniers qui montre de dos Ramata, le regard perdu dans l’immensité de la mer. La disparition de son interprète donne libre cours à tous les fantasmes. Comme celui d’un adieu cinématographique dont Katoucha n’aura vu que les rushes de la première semaine de tournage.