Le mois de ramadan, période de jeûne observée par les musulmans du monde entier, du Sénégal notamment, voit les jeûneurs, une fois à l’approche de la rupture, prendre d’assaut les boulangeries devant lesquelles est observée une très longue queue, si ce n’est tout simplement la grande bousculade, chacun voulant s’offrir une baguette de pain.
Nous sommes le samedi 1er mai 2021, au bout de l’Avenue Habib Bourguiba, en plein cœur de la capitale sénégalaise, Dakar. La circulation est dense, entre les véhicules et les motos qui se disputent la priorité sous le regard d’un agent des forces de l’ordre qui tente de réglementer la circulation. Difficile, surtout en ces heures d’approche de la rupture que chacun veut passer à son domicile. La tension est perceptible chez les automobilistes, notamment les conducteurs de taxi, qui veulent faire le maximum de courses possibles.
A l’intersection de l’Avenue Bourguiba et de la Route du Front de Terre, au niveau de cette localité appelée Cité des Eaux, se trouve une boulangerie : La Brioche Dorée. Notre attention est attirée par une queue, tellement longue, qu’elle a été scinde en deux. Il s’agissait de clients venus se payer la baguette de pain pour les besoins de la rupture du jeûne, en ce mois de ramadan. Il fallait donc faire la queue, en dehors de la boulangerie et attendre son tour pour accéder au comptoir et espérer acheter soit du pain, soit de la pâtisserie.
« Je viens de la La Brioche Dorée de Demba Diop (toujours située sur l’Avenue Bourguiba, à quelque deux kilomètres de là), c’était aussi la queue, une foule plus nombreuse qu’ici », lance un client à un autre qui se tenait à côté de lui. « C’est pareil partout. Moi, je viens de la Boulangerie Jaune (du côté de Sacré Cœur, à quelque 5 kilomètres de là,vers l’ancienne piste de l’aéroport international Léopold Sédar Senghor), c’est pareil. Je pensais trouver moins de monde ici, hélas. On n’a qu’à patienter, notre tour ne va sans doute pas tarder, s’ils font vite à l’intérieur », rétorque le second.
« Mon cher, c’est la queue, il faut faire comme tout le monde. Nous sommes tous pressés de rentrer chez nous et passer une bonne rupture », lance un client à un autre qui, visiblement, tentait de griller le rang et s’infiltrer dans la boulangerie acheter son pain, pour éviter de faire la queue, comme les autres. Sauf qu’il a été très vite rappelé à l’ordre. La cadence était raisonnable, avec, en moyenne, cinq clients servis à la minute. Mais pas assez pour ceux qui étaient encore dehors.
Certains commençaient à s’impatienter, surtout au vu de tous ceux qui tournaient autour, et qui n’avaient pas fait la queue, mais tentaient tout de même d’accéder à l’intérieur de la boulangerie. « Arrêter vos enfantillages », lance un individu à la voix imposante. « Comment voulez-vous venir de suite, trouver des gens qui font la queue, et que vous cherchez à vous servir avant eux ? », peste-t-il, avant d’ajouter que « c’est irrespectueux et incorrect ».
« Chacun doit s’occuper de ses affaires. Rien ne dit que je cherche à accéder à intérieur pour acheter du pain. Je tentais de localiser un ami qui pourrait bien être à l’intérieur », répond l’homme, drapé d’un boubou bleu ciel, la quarantaine sonnée. Il arrive en effet que certains tentent de se faire payer le pain via une connaissance déjà à l’intérieur de la boulangerie, là où d’autres le font depuis l’extérieur, en remettant la somme à un tiers afin que ce dernier leur achète le pain, sans qu’ils aient à faire la queue.
Il suffit, pour cela, d’un petit coup de fil à passer à une connaissance que l’on aperçoit à l’intérieur de la boulangerie, pour que ce dernier gonfle sa commande, en vue de servir celui qui l’attend dehors. « Qui est le dernier ici ? », demande une dame, qui venait d’arriver. « C’est moi », répond un jeune garçon d’une quinzaine d’années. « Je viens après toi. Je vais juste acheter du lait à la boutique d’à côté », poursuit la dame. ‘D’accord », lance l’adolescent à qui revient, de facto, la tâche d’informer le prochain venu qu’il y a une dame qu occupe le rang juste après lui.
« En tout cas, il commence à faire froid et l’heure de la rupture approche, ils doivent faire vite et nous libérer », peste un autre client, habillé d’un tee-shirt, en ce début de soirée où le thermomètre affichait 23 degrés. Au bout de trois quart, il n’y avait quasiment plus personne, devant et dans la boulangerie. Il était en effet 19h20, pratiquement l’heure de la rupture, chacun s’est débrouillé pour rentrer chez lui avec sa baguette et rompre son jeûne.