Après que la secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme, Rama Yade, a déclaré que la gauche était raciste à son égard, samedi dernier à Colombes, les réactions divergent. Tandis que les principaux dirigeants de gauche demandent des excuses, les politiques issus de l’immigration, plus modérés, évitent la polémique et cherchent des explications. Afrik.com a recueilli les réactions de plusieurs d’entre eux.
Rama Yade, 3ème de la liste UMP pour les municipales à Colombes (Hauts-de-Seine), s’est distinguée samedi 16 février, lors d’une réunion publique dans cette ville où elle a déclaré : « Cette gauche qui dit défendre les modestes, les minorités et les immigrés, c’est cette gauche qui s’en prend à moi, parce que je suis noire. »
En pleine campagne électorale, dans un secteur qui a majoritairement voté à gauche aux dernières élections législatives, Rama Yade était sensée apporter son soutien à la maire sortante UMP Nicole Gouetta. Elle avait été dépêchée par Nicolas Sarkozy pour récupérer notamment, parmi cet électorat, les voix des jeunes issus de l’immigration.
Ce n’était pas voulu par la secrétaire d’Etat, mais la réunion a été filmée. La vidéo diffusée sur le site du Parisien fait vivement réagir la scène politique.
De très vives réactions
Philippe Sarre, tête de liste PS à Colombes et, par conséquent, opposant direct de la liste UMP, a été l’un des premiers à réagir aux propos qu’il juge « d’une rare violence ». Il réclame des excuses publiques et évoque l’éventualité que les paroles de la secrétaire d’Etat soient une réponse vengeresse à une rumeur : « Il m’a par ailleurs été rapporté que Mme Yade s’était plainte du fait que la gauche à Colombes mettait en cause la validité de ses diplômes parce qu’elle était noire et que la gauche n’aimait pas que les noirs réussissent ». Il n’exclut pas « la possibilité de poursuivre en justice ces propos diffamants ». Julien Dray a fait une déclaration dans le même sens et Ségolène Royale dénonce des propos « déplacés et diffamatoires. » Au PC, Marie-George Buffet réclame aussi des excuses publiques du gouvernement qui, de son côté, soutien la secrétaire d’Etat. Laurent Wauquiez, porte-parole, explique qu’il n’est « pas si facile d’être engagé en politique en portant son histoire, qui est l’histoire d’un parcours de la diversité. »
Les politiques issus de l’immigration n’ont pas réagi publiquement. Afrik.com a voulu recueillir quelques réactions. Certains, comme Safia Otokoré, élue PS au conseil Régional de Bourgogne ont préféré ne pas s’exprimer, d’autres l’ont fait sous couvert d’anonymat. Globalement, ils se montrent réservés, voire compréhensifs à droite autant qu’à gauche. Comme ce membre du PS qui ne souhaite pas être nommé : « Je pense qu’il ne faut pas alimenter la polémique, il y a un effet de surenchère due à la campagne électorale. Rama Yade est une femme brillante, engagée. C’est tellement rare de voir des personnes issues de l’immigration arriver à ce stade du pouvoir, qu’il ne faut pas l’enfoncer. Cela ne veut pas dire que je cautionne ses propos, mais c’est absurde d’en remettre une couche. »
Lucien Kemkeng, conseiller municipal UMP à Sèvres dans les Hauts-de-Seine, pense « que les propos de Rama Yade ne doivent pas être dissociés du contexte électoral dans lequel ils ont été exprimés. » Pour lui, « le parcours de Rama Yade est exemplaire (…) il est tout en son honneur d’avoir souhaité affronter le suffrage universel à l’occasion des élections prochaines, se décignant ainsi comme cible aux provocations diverses et variées. »
Dogad Dogoui, membre de l’UMP, ne s’engage pas, il reste peu locace sur le sujet : « Rama Yade n’a probablement pas tenu ce discours par hasard, je ne peux pas vérifier ce qui s’est réellement passé entre la gauche et elle. Elle est responsable de ce qu’elle dit et c’est à la gauche de réagir si elle le souhaite. »
Fadila Méhal, humainement solidaire
Pour Fadila Méhal, tête de liste du Modem dans le 4ème arrondissement de Paris et présidente des Mariannes : « C’est difficile de réagir spécifiquement à ce qui s’est passé à Colombes. Ce que je peux dire en revanche, c’est que je peux comprendre la réaction de Rama Yade. Je peux comprendre que lorsqu’on subit en permanence des pressions, quand il faut toujours se montrer meilleur que les meilleurs, et que l’on est sujet à une déstabilisation permanente, on puisse avoir une réaction de cet ordre. »
Elle explique : « Toutes ces personnes issues de l’immigration sont constamment confrontées à un procès de légitimité et de compétences. Le phénomène de discrimination existe bel et bien ! C’est une réalité, je peux en témoigner à titre personnel. Je suis l’une des premières femmes issue de l’immigration à avoir eu des responsabilités. Puisqu’on ne peut pas nous attaquer sur la couleur de notre peau ou nos origines, on est perpétuellement remis en cause sur nos compétences, la validité de nos diplômes. Au moment de leurs nominations au gouvernement, Rama Yade et Rachida Dati ont rencontré des difficultés. Elles ont eu à faire à un véritable procès en sorcellerie, à des actions déplacées et d’ailleurs très relayées par la presse. Contrairement à ce que pensent les médias et les dirigeants, l’opinion est prête à accueillir cette population dans les sphères du pouvoir. »
« Je connais Rama Yade, c’est une amie, elle est volontaire, sincère. Je salue son combat, comme, je l’imagine, elle salue le mien. Je lui souhaite du courage pour toutes les batailles qu’elle aura à mener. Parce que cette histoire dépasse la sphère politique. On est au cœur d’une réflexion de civilisation, et au cœur de l’humanisme. »
La modération des élus d’origine étrangère sera-t-elle entendue ? Quoi qu’il en soit, si la polémique n’a pas encore trouvé son issue, la campagne électorale continue de battre son plein, et il est bon d’espérer que, probablement, les outrages ressentis par les acteurs politiques n’intéressent pas tant les citoyens que leurs problèmes au quotidien !