La 27e édition du rallye Dakar aura lieu du 31 décembre 2004 au 16 janvier 2005. Près de 700 autos, motos et camions vont parcourir 8 956 kilomètres en passant par l’Espagne, le Maroc, la Mauritanie, le Mali et le Sénégal. La compétition sera plus courte mais promet d’être tout aussi « tonique » que les précédentes. Etienne Lavigne, directeur du rallye, nous explique dans quelles mesures et revient sur les nouveautés sécuritaires de la course.
Le coup d’envoi de la 27e édition du Dakar sera donné ce vendredi à Barcelone (Espagne). Jusqu’au 16 janvier, 695 véhicules parcourront 8 956 kilomètres, qui les mèneront de l’Espagne au Sénégal, en passant par le Maroc, la Mauritanie et le Mali. Pour cette nouvelle compétition, les 165 autos, 230 motos et 70 camions – en plus des 230 engagés dans la catégorie Assistance – vont évoluer sur un parcours de 16 étapes[[<*>Trois en Espagne, deux au Maroc, six en Mauritanie, deux au Mali et trois au Sénégal]], amputé de 2 135 kilomètres comparé à l’année dernière. Pour autant, la course devrait rester palpitante et « tonique », de l’avis d’Etienne Lavigne, directeur du rallye Dakar. Interviewé alors qu’il assiste aux tests de vérification à Barcelone, il revient sur les spécificités de ce nouveau cru et sur les nouvelles mesures de sécurité mises en place tant pour les populations que pour les concurrents.
Afrik.com : Pourquoi avoir choisi de faire un parcours moins long que l’année dernière ?
Etienne Lavigne : Nous avons décidé de faire un parcours plus court pour qu’il tienne en deux bonnes semaines, car c’est un format qui convient bien pour cette compétition. Mais il sera toujours aussi dense, tonique et éprouvant.
Afrik.com : Comment ?
Etienne Lavigne : Un gros morceau de la compétition se déroulera en Mauritanie, où la navigation sera rendue difficile par les nombreuses dunes. Par ailleurs, il y aura moins de points GPS (permettant de se repérer, ndlr) sur la spéciale de Zouérat-Tichit (Mauritanie, ndlr), ce qui rendra le travail des copilotes plus ardu, mais mettra, de fait, en exergue les meilleurs d’entre eux. Cette année, nous remettons en place, pour les deux étapes-marathons de Zouérat-Tichit et Kiffa-Bamako (Mali), les parcs fermés, qui n’ont pas été utilisés depuis longtemps. Le soir de ces étapes, donc, les véhicules seront garés sans que les mécaniciens puissent effectuer les réparations ou changement de pièces qu’ils font d’habitude au sortir de chaque étape. L’objectif est de pousser les équipes à gérer leur pilotage et leur conduite pour éviter que les pièces ne cassent.
Afrik.com : Quelles sont les autres nouveautés ?
Etienne Lavigne : Nous testons cette année l’Iritrack (système de géolocalisation, ndlr) sur 50 concurrents leaders et nouveaux participants que nous avons équipés gratuitement (50 autres se sont fournis seuls). Ce dispositif, qui combine un modem satellitaire et un GPS, nous permettra de suivre leur progression, de voir où ils se trouvent. La progression des candidats pourra être suivie sur le site Internet du Dakar. Il suffira de taper le numéro du véhicule que l’on souhaite suivre. L’Iritrack donne de nombreuses garanties sécuritaires : on peut téléphoner avec, le décélaromètre nous avertit directement par SMS si un véhicule s’arrête brutalement et l’inclinomètre nous prévient de la même façon s’il se retourne. Par ailleurs, nous avons mis en place pour tous les participants le système Sentinel, avec une pensée particulière pour les motards. Ainsi, lorsqu’un concurrent sera sur le point d’en doubler un autre, il pourra envoyer un message à l’intéressé en appuyant sur un bouton. Ce dernier recevra alors un signal sonore qui l’avertira. Cette mesure est destinée à éviter les accidents et notamment ceux des motards. Elle fera aussi respecter la loi du Dakar qui veut que tout concurrent doit laisser passer celui qui va plus vite que lui. Le Sentinel responsabilise donc les participants car ils sont les seuls à pouvoir avertir. De même que l’Iritrack, il renforce aussi, de fait, les conditions sécuritaires. Chauqe concurrent est obligé d’avoir un téléphone satellitaire et une balise de détresse.
Afrik.com : Des mesures de sécurité sont aussi prises au niveau des villages africains traversés…
Etienne Lavigne : Nous essayons au maximum d’éviter les zones habitées. La Mauritanie est par exemple à 97% un désert. Mais lorsque nous devons passer dans des villages, nous prenons des précautions pour protéger les habitants. Il y a un point GPS à l’entrée et à la sortie de chaque village. Les véhicules sont équipés de telle sorte que l’ont sait s’ils ont dépassé les 50 km/heure qui sont imposés dans ces endroits. Si les concurrents enfreignent le règlement, ils encourent des minutes de pénalité et une amende qui monte par paliers : 500, 1 000 euros… Les leaders n’ont donc pas intérêt à se mettre hors-la-loi car des minutes de pénalités mettraient sérieusement à mal leurs chances de gagner. Quant aux amateurs, qui n’ont pas beaucoup d’argent et qui n’ont pas les mêmes ambitions de victoire, ils seront plus sensibles au fait de devoir payer une amende salée. L’argent des amendes est collecté pour une caisse qui doit servir le développement. Autre mesure de sécurité : des radars sont installés dans les villages et des équipes ont spécialement pour fonction de flasher ceux qui vont trop vite et de leur infliger des pénalités et des amendes. Nous installons aussi des balises sur le parcours (notamment au Mali où il y a beaucoup de villages), distribuons des BD de sensibilisation aux enfants, maires, professeurs…, briefons les concurrents tous les jours sur les règles de sécurité et faisons passer des messages de prévention et sensibilisation sur les radio locales et par le biais de RFI (Radio France Internationale).
Afrik.com : Ces efforts ont-ils payé ?
Etienne Lavigne : Depuis 1998, nous n’avons pas eu à regretter d’accidents d’ampleur notable parmi les populations. Mais le risque zéro n’existe pas. En revanche, du côté des concurrents, il y en a toujours. En 2003, nous avons perdu un concurrent (le Français Bruno Cauvy, ndlr) qui s’est tué en franchissant une dune. Même avec une batterie d’équipement, on peut être vulnérable. Par ailleurs, on constate que nous ne perdons plus des concurrents comme cela a pu être le cas auparavant. Même s’ils ont du mal à finir la compétition, ils arrivent presque tous à bon port.
Afrik.com : Certains estiment qu’auparavant les concurrents étaient un peu méprisants à l’égard des populations des pays traversés. Est-ce vrai ? Si oui, cela a-t-il changé ?
Etienne Lavigne : Depuis quatre ou cinq ans, il y a eu une véritable évolution des mentalités sur le Dakar. Il est né en 1979, c’était alors une autre génération. Mais beaucoup de facteurs ont contribué à faire changer le comportement des concurrents. Tout d’abord, ce n’est plus une compétition franco-française. Cette année, nous avons 62% d’étrangers et 39 nationalités différentes. Il y a un vrai brassage. Et les concurrents des autres nations se sont montrés très sensibles à la sécurité, avant même que la France ne prenne des mesures pour l’améliorer. Les participants respectent aujourd’hui mieux l’esprit de la course et les habitants qu’ils croisent.
Afrik.com : Quelle est la participation africaine cette année ?
Etienne Lavigne : Nous avons beaucoup de Togolais, de Sénégalais et de Sud-Africains. Nous devions avoir des Tunisiens, mais cela n’a pas pu se faire. Les Africains sont mois nombreux que lors de la dernière édition, mais nous essayons de les encourager à participer. Nous travaillons beaucoup avec les pays où il existe une fédération de sport automobile ou motocycliste, comme le Sénégal ou le Maroc. Lorsqu’ils nous recommandent des sportifs, nous dispensons ces derniers des frais d’engagements qui s’élèvent, pour les motos, à plus de 10 000 euros. Ne restent à leur charge que le carburant, la nourriture, … Les amateurs, qui représentent 80% des participants, bénéficient quant à eux, peu importe leur origine, d’un tarif privilégié pour les frais d’engagement.
Afrik.com : Vous avez battu un record en terme d’inscriptions, que vous avez dû clôturer plus tôt que prévu. Comment expliquez-vous cet engouement ?
Etienne Lavigne : Nous avons arrêté les inscriptions avant d’être débordés. Nous n’avons pas péché par excès de cupidité. Nous voulions conserver une dimension qui nous permettrait de nous occuper de tous les participants comme il faut. Les dix premières années de la compétition ont été fulgurantes. Et puis il a eu le creux de la vague. Mais depuis quatre ou cinq ans l’engouement est revenu. Ce qui séduit, c’est que cette compétition, très moderne, est vraiment difficile et demande un véritable dépassement de soi, du courage… Les professionnels veulent gagner, mais pour les amateurs, le Dakar est un peu l’Everest. Beaucoup espèrent juste arriver au bout et c’est déjà beaucoup car le taux d’abandon est de près de 50%. Pour certains, c’est aussi l’occasion de retourner en Afrique ou de la découvrir pour la première fois.
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