Abdelmoumène Rafik Khalifa, le patron de l’ex-empire Khalifa, parle. Dans une interview au Figaro, il dénonce un « complot politique orchestré par le président Bouteflika » contre sa personne et le groupe qu’il dirigeait. Réfugié à Londres, l’homme d’affaires qualifie de « mascarade » le procès qui lui est fait par contumace, pour faillite frauduleuse, à Blida, au sud d’Alger.
Le Groupe Khalifa « s’est écroulé à la suite d’un complot politique orchestré par le président Bouteflika (…) La difficulté est venue de l’impossibilité de travailler avec lui, car il change d’avis en permanence (…) Un conflit de personnes peut déboucher sur une guerre. Bouteflika voulait ma peau et a demandé à Chirac de l’aider », affirme Abdelmoumène Rafik Khalifa dans une interview publiée mercredi par le quotidien français Le Figaro. C’est ainsi que le patron de l’ex conglomérat algérien – pharmacie, banque, transport aérien, TV, construction, location de véhicules… – explique l’effondrement de son empire, en juin 2003, aussi vite qu’il s’était construit cinq ans plus tôt.
Un effondrement qui aurait engendré des pertes de 3 milliards d’euros. Le procès de la Khalifa Bank, qui aurait à elle seule laissé un trou de 320 millions d’euros, a débuté le 8 janvier dernier à Blida, à cinquante kilomètres au sud d’Alger, après plus de trois ans d’instruction. Sans Rafik Khalifa, ni la plupart des hauts cadres de l’Etat et de l’armée, qui l’auraient aidé dans son entreprise. « Ce pays est une dictature », répond le jeune Rafik, 40 ans, au journaliste du Figaro qui lui demande pourquoi il ne se défend pas en Algérie. « Ils ont proposé aux Britanniques des champs pétroliers en échange de mon extradition, mais ça ne marche pas, car les dossiers sont fabriqués », ajoute-t-il.
Pas de « faillite »
Lorsque les pieds d’argile du colosse Khalifa se sont brisés, les Algériens ont découvert que sa banque était essentiellement alimentée par les fonds d’entreprises publiques. Mais le principal intéressé nie toute idée de « faillite » et préfère parler de ses clients privés : « La banque avait 7 000 employés. Elle représentait American Express, MasterCard, Western Union, et du jour au lendemain on affirme que tout était bidon. C’est une mascarade. »
« J’ai compris en septembre 2002 que le vent avait tourné avec la distribution à la presse française d’un rapport de la DGSE consacré à mon groupe », poursuit-il. Le mois suivant, Libération publie un long dossier sur le groupe Khalifa qui fait son effet. Le quotidien français est suivi quelques jours plus tard par le Canard enchaîné. Le patron de Khalifa est notamment accusé de blanchir l’argent de généraux algériens, considérés comme les vrais maîtres du pays. Sur ses relations avec Larbi Belkheir, décrit comme le parrain de ce pouvoir de l’ombre dans une importante littérature sur le système politique algérien, Rafik Khalifa explique l’avoir connu. Il était alors le conseiller du président Bouteflika. « On parlait de l’Algérie et de la m… dans laquelle était l’Algérie. »
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